Lundi soir, Canal + diffusait les deux derniers épisodes de la saison 2 des Revenants. Une saison qui devrait d’ailleurs être la toute dernière de la série. Après trois ans d’attente et en l’espace de seulement quatre soirées, c’est donc l’une des meilleures séries françaises de ces dernières années qui tirait sa révérence… Mais le sort réservé à ces chers morts revenus d’entre les morts a-t-il été à la hauteur des attentes ? Les Revenants ont-ils su garder leur mordant et leur mélancolie après toutes ces années ?
Il faut dire que, lancée en septembre 2012, la première saison avait fait l’effet d’une petite bombe, séduisant la critique, le public, les diffuseurs et les producteurs étrangers qui s’étaient empressés de l’acheter voire de la remaker. Un plébiscite général et rare qui avait forcément généré l’envie d’en voir plus.
Au moment du lancement de la saison 2, il y a un mois de cela, nombre de fans avaient, sans surprise, fustigé la trop longue attente entre les deux saisons. Attendre trois ans pour connaitre la suite, c’était, il est vrai, beaucoup trop. Pourtant, force est de constater que le jeu en valait la chandelle. Malgré l’attente et malgré la masse de questions qui subsistent encore aujourd’hui, Les Revenants est et restera, sans conteste, l’une des séries les plus uniques en son genre.
Cet article contient des SPOILERS sur la saison 2
Les Revenants, cet ailleurs si bizarre...
Dans un paysage audiovisuel où de nouvelles séries naissent (et meurent) à la minute, trouver une série qui invente véritablement quelque chose de nouveau, c’est rare. Les Revenants, c’est avant tout une ambiance qui ne peut être comparée à aucune autre. Une beauté et un tableau de maître qui se cachent dans tous les plans. C’est notamment pour cette raison que s’y replonger, même après trois ans, est une expérience bluffante qui vaut le détour.
Bien sûr, il faut un épisode ou deux pour s’y faire. Au début, on ne se retrouve plus dans ce monde, on est même perdu, et on veut, tout de suite, séance tenante, des réponses à nos nombreuses questions. Puis, comme par enchantement, la magie renaît. On se laisse porter, on se laisse enchanter... Déjà lors de sa première saison, Les Revenants se méritait. Après trois ans, il est encore plus nécessaire de s’accrocher un minimum avant de se laisser, inévitablement, happés par la bizarrerie et le rythme de l’ensemble.
Car Les Revenants possède un charme terriblement bizarre, presque hypnotique. Cette petite ville de montagne et tous ses lieux, son tunnel, ses différents quartiers, on finit par les apprivoiser même s’ils nous restent invariablement étrangers. Comme s’ils venaient d’ailleurs. Cette bizarrerie du lieu se retrouve chez tous les personnages de la série mais aussi dans cette musique omniprésente et ensorcelante.
Le fantastique tel qu'on pourrait presque le vivre
Ce qui ensorcelle aussi dans cette deuxième saison des Revenants, c'est de se reprendre en plein visage cette manière unique de teinter le fantastique de réalisme. Ici pas de surenchère, pas d'effets de manche - et pourtant des effets spéciaux rares et réussis - mais des évènements fantastiques qui ont lieu dans ce qui pourrait être notre monde. Dans la saison 2, six mois ont passé et la ville est scindée en deux. D'un côté, Les Revenants réfugiés et ceux qui les ont suivis dans le Domaine, sorte de quartier résidentiel aux maisons identiques. Et de l'autre côté de l'immensité de l'eau due à l'inondation, les vivants qui ont choisi de rester dans la Vallée.
Parce que le réel n'est jamais très loin, les militaires sont désormais sur place, pour surveiller et évaluer la catastrophe et la situation. Ils resteront d'ailleurs toute la saison. Plutôt pragmatiques, ils vont, eux aussi, être confrontés au fantastique. Dans les gouffres et les tunnels sous la ville, ils vont voir des "choses". A nouveau, il y a ceux qui croient, ceux qui ne croient pas mais, surtout, ceux qui sont du côté des Revenants et les autres. Dans ce contexte déjà bien étrange, une nouvelle vague de revenants va en plus avoir lieu. Pourquoi ? Comment ? Ce sont les mêmes questions que lors de la saison 1 qui surgissent chez le téléspectateur.
C'est là que, de manière intelligente, la saison va continuer d'explorer le passé très obscur et mystique de cette ville aux habitants souvent tombés de morts très violentes. Nous aurons des réponses sur ce passé sombre, qui s'est en fait noué il y a 36 ans entre fantasmes et fantastique... Nous sera ainsi révélé qu'une sorte de secte, menée par Milan, le père de Toni et Serge, sorte de tueur en série incompris, avait entrepris de faire un petit "nettoyage" en règle dans la ville puis de s'éliminer les uns après les autres. Milan pensait en effet que c'était ce qui leur était demandé. Mais, par qui ?
La bête humaine et le Revenant 2.0
Cette horreur humaine, la saison 2 en regorge. Les humains qui ne sont pas encore morts exercent, eux aussi, la terreur. Le personnage de Milan en est la preuve vivante (même si on comprend à la fin la raison de ses tueries). Devenu un Revenant, et tué plusieurs fois sans succès, voilà un personnage qui hante et qui a le don de vous faire faire des cauchemars. Les justiciers de la Main Tendue sont également empêtrés dans leur peur et, à leur tour, exercent leur violence sur les Revenants.
Quant au suicide, il est l'une des échappatoires dans la série. De nombreux suicides ont ainsi lieu dans cette saison 2, preuve de la peur et du désespoir intense qui prend aux tripes les non Revenants qui se suppriment parce qu'ils ont peur de l'autre, parce qu'ils ne supportent pas l'absence de l'autre, parce qu'ils ne supportent pas son retour ou parce qu'ils veulent les rejoindre. Ou parce qu'un revenant leur a commandé d'agir ainsi.
Car oui, les Revenants, nous l'apprenons cette saison, ont ce genre de pouvoirs. De victimes, ils passent judicieusement et, parfois, d'une scène à l'autre, à des figures de bourreaux. On comprend cette saison que tous ne sont pas égaux dans la "vie" retrouvée. Il y a les Revenants que l'on a rencontrés la saison passée, extrêmement proches des humains, qui ne comprennent pas tout et qui nous émeuvent. Il y a ceux qui vivent dans la forêt et dans les grottes, qui semblent revenus à l'état sauvage et qui se nourrissent d'animaux ou de chair humaine.
Et enfin, il semble aussi y avoir un entre-deux : ceux qui empêchent nos gentils Revenants de sortir du Domaine, les mutiques, les amnésiques. Ce sont presqu'eux les pires, ceux qui guettent dans l'ombre et attendent droit comme des piquets, bras ballants, on ne sait quoi. Quand les jeunes filles tuées par Serge reviennent et s'installent chez lui, c'est l'essence même de la terreur et de la fascination. Aucun mot ne sort de leur bouche, elles fixent et envahissent l'espace tels des fantômes...
La série nous explique ensuite que les Revenants sont différents suivant la manière dont ils ont été attendus et suivant le regard que les vivants tournent vers eux. Ils finissent également par avoir des sortes de marques sur le corps s'ils sont trop longtemps éloignés des autres Revenants. S'ils s'écartent du groupe, ils dégénèrent et rejoignent le groupe des cannibales...
Les personnages avant tout
Si l'émotion met un peu plus de temps à s'installer que dans la saison 1, elle parvient à naître dans le courant de la saison, notamment grâce aux personnages de Serge et Toni dont l'histoire continue de toucher en plein coeur. Guillaume Gouix et Gregory Gadebois sont formidables et on pourrait en dire autant de tous les acteurs de la série qui atteignent un niveau sans faille. Et nous avoir offert un caméo de Samir Guesmi qui vient visiter Adèle à la morgue, c'était également une très belle idée à concrétiser. Les Revenants tirent toujours autant sa force de ses personnages et des relations qu'ils entretiennent avec leurs morts et avec la mort.
Mais, le personnage central de cette saison et de celle d'hier, c'est évidemment Victor. Victor - ou Louis - cristallise à lui seul toute la série et toutes les questions. Cette saison nous montre toute l'importance qu'il a, ses prémonitions qu'il exprime par des dessins et sa volonté d'essayer toujours d'empêcher le pire sans jamais y parvenir. Victor était là avant la première vague de Revenants. 35 ans plus tôt, il était déjà là et il était certainement déjà mort... Ou "autre" chose ? En tout cas, 35 ans plus tôt, Victor avait tenté de prévenir l'effondrement du barrage, raté son coup et finit chez les voisins de l'architecte buté qui avaient fini par l'adopter. Victor avait ensuite été tué avec son frère et sa mère et était revenu pour retrouver son père...
Cryptique, vous avez dit cryptique ?
Dans le dernier épisode, on apprend ainsi que c'est en voulant ramener son père à la vie, effondré au sol par une crise cardiaque, que Victor a prononcé les mots : "Reviens, reviens...". Cette prière, cette incantation, cet acte d'amour va déclencher le cycle des Revenants. Evidemment, c'est là que le bât blesse puisqu'on ne comprend ensuite pas tout.
Le dernier épisode éveille effectivement une vague de questions, là où les épisodes précédents avaient réussi à bien éclairer notre lanterne. On sort de l'épisode avec tout un tas de questions : Qui est vraiment Victor ? Quel lien entretient-il avec Lucie ? Est-ce qu'Adèle meurt dans la grotte ? Est-ce l'égoïsme de Simon qui la fait mourir ? Pourquoi Audrey finit par manger sa mère ? Camille va-t-elle devenir comme les autres Revenants ? Pourquoi les Revenants font-ils confiance à Nathan, le bébé de Simon et d'Adèle ? Pourquoi ce bébé a une telle importance ? Que dit Victor à l'oreille de Lucie ? Pourquoi n'a-t-on pas vu Victor rencontrer Milan ? A qui laisse-t-elle l'enfant à la fin ? Nathan le bébé est-il en fait Victor ? Y'a-t-il une histoire de boucle temporelle, de cycle ? Victor et Lucie sont-ils des Revenants ou autre chose ? Où sont partis les Revenants ? Dans l'au-delà ?
Mais, le plus bizarre, c'est que passés la frustration et le casse-tête chinois, on se met à ressasser, à réfléchir, à émettre des théories. Bref, on se met à se triturer les méninges. Cette fin cryptique est clairement ouverte aux interprétations et on devine que de multiples détails se cachent un peu partout dans la saison.
Ce mystère qui subsiste quand l'écran s'éteint; c'est aussi ça la force de ces Revenants qui ne nous laisseront jamais vraiment en paix. Leur étrangeté ne pouvait que s'achever sur du mystère, c'est même presque logique. Rappelons-nous ce que dit Milan aux gendarmes qui l'interrogent : "vous ne posez pas les bonnes questions". Peut-être que c'est aussi ce que l'on devrait se dire...
Voilà commence la saison 2 des Revenants...