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    Quand Orson Welles faisait une incursion dans le Porno...
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Pour financer son ultime film qui devait marquer son grand retour à Hollywood après son exil européen en 1970, Orson Welles, toujours à court d'argent, accepta de signer le montage d'une scène...d'un film pornographique.

    C'est une anecdote très peu connue, d'autant plus surprenante qu'il ne viendrait pas à l'esprit de grand monde, pour ne pas dire personne, d'associer le nom de l'auteur de Citizen Kane à celui de l'univers du X. Et pourtant. Orson Welles a réalisé le montage d'une scène d'amours lesbiens dans une douche, dans un film pornographique sorti en 1975, du nom de 3 A.M.

    Pour comprendre le comment du pourquoi, il faut remonter le fil de l'histoire, dévoilée par l'auteur Josh Karp dans un ouvrage paru aux Etats-Unis en avril : The Making Of The Other Side of the Wind : Orson Welles's Last Movie.

    A l'été 1970, Orson Welles revient aux Etats-Unis de son exil européen volontaire. A Hollywood, il est depuis longtemps considéré comme un paria, devenu obèse de surcroît, et dont les studios ne veulent plus entendre parler. Pour Welles, c'est l'heure de justement effectuer un grand comeback au cinéma, histoire de prouver que, non, il est loin d'être fini comme le laissent entendre les studios. Et puis l'époque n'est-elle pas au Nouvel Hollywood et ses cinéastes francs-tireurs indépendants ?

    Ce sera The Other Side of the Wind, qui raconte les 24 dernières heures d'un réalisateur, et dont Welles jura que le film n'était en rien autobiographique (ce dont on peut au moins partiellement douter). Financé notamment par le beau-frère du Shah d'Iran, Medhi Bousheri (c'est dire jusqu'où allait Welles pour faire financer ses films), le film devait être tourné en huit semaines. Il prendra en réalité 12 ans de la vie du cinéaste, tout en restant finalement inachevé. De quoi renvoyer dans les cordes le tournage maudit du Don Quichotte de Terry Gilliam.

    Welles travailla pourtant durement dessus, réécrivant régulièrement le script durant des nuits entières pendant des années. A Hollywood, le projet, interminable, filmé au gré des sommes d'argent reçues, est rapidement qualifié cyniquement de "plus grand film personnel que personne n'a jamais vu".

    Le lien entre le film porno 3 A.M. et Orson Welles ? Son directeur de la photographie sur The Other Side of the Wind, Gary Graver. Welles fut à court d'argent pour payer son équipe travaillant sur son projet babylonien. Pour contrebalancer la rareté des rémunérations et ayant quand même une famille à nourrir, Gary Graver tournait en marge du projet de Welles des films érotiques ou pornographiques.

    Un poil agacé du temps passé par Graver à monter ses films érotiques / X, au détriment de ses projets, Welles lui proposa alors de l'aider à accélérer un peu les choses en s'occupant du montage d'une scène : celle du duo lesbien dans une douche, baigné d'une étrange musique. Une des actrices de la scène, Georgina Spelvin, déclara fièrement plus tard au réputé historien du cinéma Joseph McBride "avoir été ravie que Welles soit responsable du montage dynamique de sa séquence de masturbation sous la douche"...

    Welles n'a jamais été enclin à montrer ou dépeindre de la sexualité dans ses films. Il déclara d'ailleurs dans une interview faite avec David Frost, en 1970, que "le problème, c'est l'extase, la jouissance, qui ne peut être communiquée par un couple, ou quelle que soit la combinaison de personnes. A moins que cette extase ne soit réelle. L'extase, ce n'est pas quelque chose que l'on peut retranscrire à l'écran".

    Et maintenant, si certains d'entre vous souhaitent voir la fameuse scène en question, direction le site Vulture, en pied de page, qui décortique très intelligemment la scène en repérant la patte de Welles dans son montage; lui qui considérait justement le montage comme l'essence même du cinéma.

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