Jadis productrice de nombreux films d'excellente qualité (Des Hommes sans loi, Paperboy, Margin Call), la firme Benaroya Pictures peine aujourd'hui à boucler certains budgets. Après avoir annoncé des films et leurs castings, le tournage s'arrête parfois en cours de route, parfois avant même d'avoir débuté. Retour sur les difficultés financières de cette société malgré ses projets intéressants.
Exit De Niro et Pattinson
Le réalisateur français Olivier Assayas est bien placé pour en parler, il devait tourner avec Robert De Niro, Robert Pattinson et Rachel Weisz un film intitulé Idol's Eye. L'histoire tirée d'un article de Playboy daté de 2007 était celle de criminels cambriolant un magasin porno appartenant au parrain de la mafia locale. Un projet prometteur que Benaroya n'a pu mener à bien. Voici l'explication officielle de l'arrêt de la pré-production, relayée par Deadline :
"La compagnie ne peut pas continuer à faire des investissements à risques et a été forcée d'arrêter le financement de la production. C'est ce que nous voulions éviter mais les producteurs ont manqué un certain nombre d'échéances financières qui avaient été mutuellement agrées entre les parties, nous n'avions donc plus d'autres choix. Benaroya Pictures prévoit de conserver les droits du film et de reprendre la production du film après avoir réécrit le scénario et rassembler une nouvelle équipe de tournage".
On voit mal comment la firme va pouvoir garder un casting pareil trop longtemps sous contrat, en attente de la reprise hypothétique du tournage. On se doute que De Niro, Pattinson et Weisz ont d'autres obligations qui les attendent. Benaroya s'était engagée à produire le film après que De Niro a rejoint le projet, on la voit mal continuer si l'acteur venait à partir. Le tournage devait commencer en octobre à Chicago et Toronto, il n'en sera rien.
Bruce Willis claque la porte !
Malheureusement pour Benaroya, l'affaire Idol's Eye n'est pas un cas isolé, il vient juste de se dérouler encore pire. Ce week-end c'est la production du thriller d'action Wake qui a subi un triste revers. Au départ, Wake a tout pour séduire les producteurs : Bruce Willis dans le rôle d'un sociopathe obligé de prendre les armes pour venir en aide à sa famille qui pourtant l'avait rejetée des années plus tôt. Le film devait être tourné par John Pogue (Le vaisseau de l'angoisse, Les âmes silencieuses).
En février, Wake est présenté au marché européen du film du festival de Berlin, et International Film Trust achète les droits de distribution pour l'Europe. La production commence pendant dix jours en février, mais la production stoppe temporairement le tournage, annonçant une reprise prochaine en mars. Le 23 du mois, rien n'avait bougé. En cause ? Des financements promis qui ne sont pas arrivés. Ce vendredi, la firma a annoncé arrêter les frais, sans nouvelle date de reprise du tournage.
Résultat : Bruce Willis et le réalisateur sont partis, car leur agenda ne leur permettait pas d'attendre plus longtemps. Le producteur Avi Lerner -qui avait travaillé avec Willis sur les deux premiers Expendables n'a pas renoncé au film, mais s'il voit le jour, ce ne sera pas avant un an, annonce Deadline, et probablement sans le casting originellement annoncé. Il est quasi certain que le reste du casting -Ben Kingsley, Piper Perabo, Ellen Burstyn et Cameron Monaghan- ira entretemps sous d'autres cieux.
Et maintenant ?
Encore un coup dur pour la firme Benaroya, qui a néanmoins des projets annoncés, notamment le thriller Salt and Fire avec Michael Shannon réalisé par Werner Herzog, ou la comédie King of the Kastle, qui verra Clive Owen subir le chantage d'un adolescent joué par Asa Butterfield (Hugo Cabret).
Rappelons s'il le fallait que Benaroya Pictures est une firme de production indépendante et que ces exemples de problèmes financiers ne sont pas nouveaux pour ces sociétés. Ils sont même amenés à se multiplier du fait de la surpuissance des studios et de leurs énormes productions qui ont tendance à voiler ce pan du cinéma hollywoodien. Benaroya n'est donc ni un cas isolé ni un cas à stigmatiser. Il est simplement le visage d'un certain cinéma américain, et d'une époque.
"Cymbeline" avec Ethan Hawke, Ed Harris et Milla Jovovich (produit par Benaroya) :