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    Marjane Satrapi : "J’ai envie d’explorer plein de choses différentes"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Après Persépolis et Poulet aux prunes, Marjane Satrapi s'essaye à la comédie horrifique avec The Voices, porté par Ryan Reynolds, Gemma Arterton, un chat irrévérencieux et un chien gentillet. AlloCiné s'est entretenu avec la cinéaste.

    Ascot Elite

    AlloCiné : Comment résumeriez-vous l'intrigue sans trop en dévoiler ? 

    Marjane Satrapi, réalisatrice : Je dirais que c’est l’histoire d’un gentil garçon qui essaye de faire de son mieux pour faire partie de la société, et en même temps, il est un peu fou donc il entend des voix. Il parle avec son chien et son chat. Un soir, malheureusement, par un concours de circonstances, il tue sa collègue dont il est amoureux, et à partir de ce moment-là, c’est l’effet boule de neige. Avec un chat irrévérencieux et un chien gentillet.

    C’est un film qui est très difficile à qualifier. Je ne dis pas ça pour me donner un genre. Vous pouvez dire que c’est une comédie : oui, mais pas que. Vous pouvez dire que c’est un film d’horreur : oui, mais pas que. C’est vraiment transgenre, et c’est ce qui m’a beaucoup plu quand on m’a proposé de faire le projet.

    Pour la première fois, vous mettez en scène un scénario dont vous n'êtes pas l'auteur. Le scénario de The Voices figurait sur la célèbre "black list", autrement dit des scénarios considérés comme impossibles à adapter...

    Non, la black list, ce ne sont pas des films impossibles à adapter. Ce sont les meilleurs scénarios, mais qui ne trouvent pas suffisamment d’argent pour être faits. Ce scénario, comme il est peu amoral et irrévérencieux, on ne peut pas le faire avec beaucoup d’argent. Personne ne veut mettre beaucoup d’argent dans un film comme ça. Le film aurait dû être fait il y a 5-6 ans par Ben Stiller, et puis ça ne s’est pas fait. Finalement, c’est moi qui l’ai fait, avec Ryan Reynolds !

    Est-ce qu'au final le projet a été compliqué à financer ?

    Tout ce que je fais, c’est toujours très compliqué à financer. Lorsque vous faites des choses faciles à financer, ce sont des comédies romantiques, des films comme ça… mais ce ne sont pas des choses qui m’intéressent réellement. Dès que vous faites des choses un peu différentes, ça devient plus difficile à financer bien sûr.

    Ryan Reynolds, acteur hors pair et atout du film... vu par Marjane Satrapi

    Il y a une vraie esthétique qui se dégage du film, avec un univers graphique très fort...

    Ce qui me rend heureuse, c’est que les gens me disent : on voit tout de suite que c’est ton film. Je viens de la peinture, donc j’ai un rapport particulier avec le cadre, la couleur, et tout ça. Je suis une vraie esthète. J’adore la beauté.

    Il m’est arrivé plein de fois d’aller voir un film et me dire : le film était super, mais mon dieu qu’il était laid. Il y a des films qui sont moches ! Moi j’adore la beauté. Ici, ce scénario m’offrait en plus la possibilité de créer le monde fantastique de Jerry.

    2015 Ascot Elite Filmverleih GmbH

    Il faut toujours avoir un truc qui est fantastique, mais qu’on puisse justifier de façon pragmatique. Par exemple, ces salopettes roses, vous pouvez dire que c’est la vision extraordinaires de Jerry. Mais vous pouvez dire aussi que c’est un petit village dans le Michigan où tout le monde est parti, et donc cette petite entreprise de baignoires qui reste, le directeur des ressources humaines s’est dit on va leur donner des combinaisons roses comme ça, ça va leur donner du peps au travail. Donc vous pouvez le justifier. Comme ils font des baignoires, c’est normal qu’ils soient habillés en rose. Après, mon rose est un peu plus flashy. Il a fallu envoyer les salopettes en Allemagne pour trouver exactement cette tonalité de rose.

    Quand je fais un film, j’ai un cahier de couleur. Je n’aime pas avoir toutes les couleurs. Pour moi, un film doit avoir une identité. Les couleurs, les lignes parallèles, les symétries, ce sont des obsessions que vous avez quand vous venez du dessin et de la peinture. Ces choses vous les ressentez dans le film, car je travaille comme ça. 

    Quels sont vos projets ?

    J’ai commencé à travailler sur deux nouveaux films. Un américain, et un français, mais en langue anglaise. Je travaille sur les deux ; on verra celui qui se financera en premier.

    J’ai 44 ans. Comme je fume beaucoup, en restant très optimiste, je vais travailler 30 ans encore. Je vais pouvoir faire un film tous les deux ans, en travaillant vite, donc il me reste 15 films à faire. Chaque film constitue à peu près 7% de ma vie. C’est énorme ! Donc j’ai envie de faire tous les films que je pourrais faire, à part la comédie romantique, car je ne supporte pas ça !

    J’aimerais bien faire une comédie musicale, un film de guerre… J’ai envie d’explorer plein de choses différentes, mais j’aimerais ne pas le planifier. Si je sais tout ce que je vais faire avant de mourir, ma vie serait hyper chiante ! J’espère qu’il va se passer des choses extraordinaires, comme ce film que je viens de faire. Je ne m’attendais jamais à faire ça.

    Un extrait de The Voices, avec Ryan Reynolds et Gemma Arterton :

    Propos recueillis au Festival de la comédie de l'Alpe d'Huez 2015

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