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    Zach Braff : "Personne ne voulait financer Le Rôle de ma vie"
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Dix ans après la sortie et le succès de "Garden State", Zach Braff est enfin repassé derrière la caméra avec "Le Rôle de ma vie". Un film dont la naissance n'a pas été de tout repos et qui a dû son salut aux fans, comme il nous l'a expliqué.

    Juliet Flx - AlloCiné / Wild Bunch Distribution

    Dix ans. C'est le temps que les fans de Garden State auront dû patienter avant que Zach Braff ne repasse derrière la caméra. Entre temps, l'acteur-réalisateur s'était illustré dans les dernières saisons de Scrubs, au théâtre ou dans Last Kiss et Le Monde fantastique d'Oz, et se battait contre le système hollywoodien pour pouvoir mettre en scène un deuxième long métrage.

    Lequel sort enfin dans nos salles, grâce notamment au soutien financier de ses aficionados, et Zach Braff a pu revenir avec nous sur cette aventure compliquée lors de son passage à Paris, entre deux représentations de "Coups de feu sur Broadway" aux Etats-Unis.

    AlloCiné : Il vous a fallu très longtemps pour pouvoir réaliser un second film. Quand avez-vous eu l'idée du "Rôle de ma vie" et décidé que ce serait votre deuxième réalisation ?

    Zach Braff : J'étais sous ma douche quand j'ai eu l'idée de ce père qui désinscrit ses enfants d'une école pour leur donner lui-même des cours à domicile. Tout est donc parti de là, et je suis allé voir mon frère [Adam, ndlr], car il a deux jeunes enfants et que nous avions longtemps parlé de travailler ensemble. Nous avons alors décidé d'y intégrer un peu de nos vies respectives : pour moi c'était le côté aspirant acteur, et lui le père qui écrit depuis chez lui, alors que sa femme a un travail normal, et qui est très impliqué dans l'éducation de ses enfants.

    Nous voulions aussi parler de ce que personne n'évoque : à quel point il est différent d'être un parent et de transmettre des règles et conventions aux générations suivantes en 2014, qu'il s'agisse de religion, d'école ou d'éducation parentale. Voir de quelle façon la nouvelle génération édicte ses propres règles.

    Lorsque vous avez lancé le projet, vous avez expliqué que votre plus gros problème était le financement : pourquoi était-ce aussi difficile ?

    Personne ne voulait financer ce film.

    Mais pour quelles raisons ?

    Personne ne voulait payer pour ça, à moins d'avoir un autre casting, de tourner au Canada où c'est moins cher ou de ne pas m'accorder le final cut. Je ne pouvais pas faire descendre le budget en dessous de 5,5 millions de dollars, mais on ne pouvait m'en accorder qu'un peu moins de 4. Il aurait donc fallu que je fasse Le Rôle de ma vie avec des acteurs dont je ne voulais pas, au Canada, avec la moitié du budget dont j'avais besoin, et sans le final cut. Voilà ce qui aurait pu se produire avant que je ne me tourne vers Kickstarter.

    Le système est vraiment dégueulasse

    Il est quand même étrange de voir que personne n'était capable de faire confiance au réalisateur de "Garden State", qui a été un succès.

    Je suis d'accord avec vous, donc vous pouvez imaginer quel était mon sentiment. Mais ça ne comptait pas pour eux, car votre succès, à Hollywood, se résume à ce que vous avez fait l'année précédente. Même si je ne les avais pas écrits et dirigés, je venais d'enchaîner deux films qui n'avaient pas bien marché [The High Cost of Living et Tar, ndlr], et dans lesquels je n'étais qu'acteur. Du coup c'est comme si Garden State avait été oublié.

    C'est ainsi que le système fonctionne à Hollywood : si vous faites un film à petit budget, vous devez choisir une star au sein d'une liste que l'on vous donne comme un menu, et tourner où l'on vous le demande, sans tenir compte du lieu où le long métrage se déroule, car les producteurs cherchent uniquement les taxes les moins élevées. Le système est vraiment dégueulasse. Je me suis donc dit que ce serait une expérience amusante que de mettre mon propre argent et de "vendre" des T-Shirts et des avants-premières suivies de débats partout dans le monde, de Paris à San Francisco, pour payer le film.

    Wild Bunch Distribution

    Tout le monde me disait que ça ne marcherait pas, mais il n'a fallu que 48 heures pour réussir. Et d'un seul coup, il n'y a plus eu d'hommes d'affaires uniquement présents pour me dire ce que je pouvais ou ne pouvais pas faire, et j'ai pu faire un film avec mes fans et pour mes fans. Offrir à mes inconditionnels un film dans lequel j'ai confiance. Car si vous avez aimé Scrubs et Garden State, vous aimerez Le Rôle de ma vie, qui est dans la même veine.

    J'ai ainsi pu produire du contenu pour eux, avec eux, sans quiconque pour me dire quoi faire ou couper. C'était très libérateur. Je sais qu'il ne sera pas aimé par tout le monde, qu'il s'agisse de critiques ou de personnes, mais je peux garantir que si vous êtes fans de Scrubs et Garden State, vous aimerez ce film. Il a été fait pour vous, avec le style que vous aimez.

    Le film ayant été, en partie, financé par vos fans, avez-vous été tenté de faire plus de "fan service", en faisant plus de private jokes ou en engageant plus d'acteurs de "Scrubs" ou "Garden State" ?

    Quoiqu'il arrive, j'aurais engagé les acteurs qui sont déjà dans le film. Mais j'aime vraiment mes fans et je n'ai pas pu m'empêcher d'y glisser quelques références qui les feront rire, comme Rowdy, le chien empaillé de Scrubs qui apparaît au loin dans un plan. Et puis Donald [Faison] est mon meilleur ami dans la vie, donc je ne pouvais qu'avoir envie de faire quelque chose avec lui pour les fans. Il y a donc quelques références par-ci par-là, mais la vérité, c'est que j'aime vraiment ces acteurs. Et j'aime être sans cesse entouré de la même troupe.

    Ça vous vient de votre expérience au théâtre ?

    Plutôt des cinéastes que j'admire, tels Woody Allen ou Christopher Guest : des gens qui tournent souvent avec le même groupe d'acteurs. J'ai toujours aimé voir des personnes associées à certains réalisateurs.

    Woody Allen avec qui vous partagez plusieurs thèmes de prédilection. Le considérez-vous comme une inspiration ?

    Bien sûr. J'ai grandi avec son cinéma et je pense que personne ne mélange mieux l'humour et le drame que lui. Annie Hall est l'un de mes films préférés, et s'il vous fait mourir de rire à un moment, la seconde suivante peut vous bouleverser car c'est déchirant, avant de verser dans le cartoon. C'est un génie dans le sens où il a su créer ses propres règles, et c'est en cela que je veux m'inspirer de lui. Il y a tellement de règles à Hollywood que chaque tentative de les contourner n'en devient que plus stimulante pour moi.

    Wild Bunch Distribution

    Aviez-vous songé à Kickstarter avant que "Veronica Mars" ne s'en serve pour voir le jour, ou est-ce le succès de sa campagne qui vous en a donné l'idée ?

    Je connaissais Kickstarter pour y avoir soutenu des projets, mais je n'y ai jamais pensé pour moi-même jusqu'au succès rencontré par Veronica Mars.

    Saviez-vous que vous aviez autant de fans en France ?

    Je m'en doutais un peu car lorsque vous avez une page pour les fans sur Facebook, vous pouvez voir où sont les personnes qui vous suivent. Je savais donc que j'avais des fans français, mais le soutien reçu par le projet sur Kickstarter ici était incroyable, et la projection d'hier soir complètement folle car ils étaient très enthousiastes. C'est très stimulant de se rendre compte à quel point le nombre de ses fans est important.

    Une fois que le projet a été officiellement lancé, quelle a été votre principale difficulté pendant la production ?

    Le fait de devoir tourner aussi vite. Je n'avais que de 26 jours, donc c'est épique lorsqu'il s'agit de faire le film que vous avez vu. Et nous ne pouvions disposer de tout le temps, donc c'était 26 journées de 12 heures, en sachant que je n'ai pu avoir Mandy Patinkin [interprète de son père dans le film, ndlr] que pour 4 jours. C'était difficile à ce niveau.

    Je ne vais plus écrire sur ma propre vie

    Pensez-vous que le film aurait été très différent si vous l'aviez réalisé un ou deux ans après la sortie de "Garden State" ?

    Oui. J'aurais sans doute pu obtenir les financements dont j'avais besoin si je l'avais fait un an après Garden State, car j'étais en vogue grâce au film et à son succès. Si le scénario avait été prêt à être tourné dans la foulée, je pense que j'aurais eu moins de mal à le financer.

    "Le Rôle de ma vie" pourrait-il être le second volet d'une trilogie ?

    (rires) Non. Je pense que je ne vais plus écrire en me basant sur ma propre vie. Deux fois c'est plus qu'assez.

    Wild Bunch Distribution

    La musique tient encore une place importante de votre film. Avez-vous des chansons en tête lorsque vous écrivez ou songez à la façon de mettre en scène ?

    J'ai parfois des idées mais je ne m'enferme pas dedans, car c'est surtout dans la salle de montage que vous essayez de caler des chansons sur les images. J'avais noté des titres dans le scénario de Garden State, mais j'ai fini par en changer la plupart. Je sais à quel moment elles vont intervenir, et j'écris dans le script quelque chose comme "Une chanson géniale commence", mais je ne sais pas laquelle je vais utiliser avant d'être dans la salle de montage.

    Mais j'imagine que c'était une évidence pour vous que d'avoir The Shins dans ce film, vu comme "Garden State" les a aidés à décoller ?

    Oui, et c'était très spécial pour moi car ils ont vu le film et écrit une chanson inédite pour lui. C'était très cool que de les voir, ainsi que Coldplay ou Bon Iver, écrire une chanson pour Le Rôle de ma vie après l'avoir vu.

    Donc c'était leur idée ?

    Non, j'ai approché tous ces groupes et je leur ai demandé s'ils voulaient voir le film et écrire la chanson que celui-ci leur inspirait en sortant de la projection. Et ils ont tous accepté.

    Je n'attendrais pas dix ans avant de refaire un film

    Avez-vous un autre projet de réalisation ? Ou au moins une idée ?

    Pas encore. Là je me concentre sur la promotion du Rôle de ma vie, puis je retourne jouer ma pièce à Broadway et je verrais ensuite. Mais je ne vais pas encore attendre dix ans.

    Merci. J'allais vous le demander.

    (rires) J'ai promis à mes fans que je n'attendrais pas encore dix ans avant de refaire un film.

    Et peut-on espérer une réunion "Scrubs" ? Ou même un film ?

    Non mais une comédie musicale va voir le jour, à Broadway je pense, car l'épisode musical de la série est très populaire. Mais je ne serai pas dedans (rires)

    Mais vous serez impliqué dans le projet ?

    Je serai peut-être impliqué sur le plan créatif et pour leur donner des conseils, car j'adore les comédies musicales, mais je ne jouerais pas dedans.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 5 août 2014

    Écoutez la bande-originale du "Rôle de ma vie"…

    … et (re)voyez sa bande-annonce :

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