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    The Evil Within : l'horreur à l'état brut
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Alors que sa sortie vient d'être repoussée à fin octobre, nous avons pu poser nos mains sur le dernier et monstrueux bébé né de l'esprit torturé de Shinji Mikami, l'inventeur du Survival-Horror vidéoludique : "The Evil Within". Et ca glace le sang..

    Si vous avez manqué le début…

    Quelques semaines avant l’E3 millésime 2013 (pour les non initiés : la grande messe annuelle vidéoludique qui se tient à Los Angeles), l'éditeur de jeu Bethesda nous avait convié à la présentation de ses titres prévus pour 2013-2014. Parmi eux figurait en bonne place The Evil Within, la nouvelle itération de Shinji Mikami, papa de Resident Evil, et un peu considéré comme le père vidéoludique du Survival Horror.

    Présenté en Hands OFF (c'est-à-dire sans pouvoir poser nos mains dessus), le titre dévoilait un montage de séquences du jeu, dont le désormais fameux prologue, absolument terrifiant et glaçant, qui montrait le héros, le détective Sebastian Castellanos, aux prises avec le frère caché de Leatherface, tronçonneuse et gabarit inclus. Dans les autres séquences choc montrées, on avait l’impression –loin d’être désagréable d’ailleurs- d’avoir une sorte de Digest d’influences ciné et jeux vidéo : Silent Hill, Resident Evil 4 (pour l’auto-référencement), Shining, Ring, Angel Heart, Dark Water, l’Echelle de Jacob, Massacre à la tronçonneuse, un zeste d'Histoires de fantômes japonais, …Le tout emballé dans un paquet fleurant bon les viscères et autres matières organiques réjouissantes. Bref, le genre d’images suffisantes pour alimenter en visions d’horreurs les cauchemars de vos dix prochaines années.  C’est dire si dans The Evil Within, on est pas là pour rigoler.

    Une présentation qui aiguisait férocement l’appétit, ne serait-ce déjà que si l’on considère le Pedigree de son géniteur. Sauf qu’il fallait s’armer de patience puisque le jeu n’était de toute façon pas prévu avant une sortie "courant 2014".

    Promenons-nous dans les bois…

    Un an après, ou presque, nous avons (enfin !) pu poser nos mains dessus durant deux grosses heures.  En guise de piqûre de rappel avant de plonger dans le vif du sujet, nous avons droit à un montage vidéo nerveux, dans lequel on trouve d’ailleurs des extraits sous forme de flashs du prologue. Efficace pour se (re)mettre dans le bain. Avant d’enchaîner sur un tutoriel (toujours vidéo), qu’on ne regarde que d’un œil distrait…

    Bethesda

    Cette séance de prise en main se fait en deux temps : dans les chapitres 4 et 8 du jeu. Autant dire que, côté scénario, on est à peu près totalement largué pour faire le raccord entre les deux segments. Peu importe ; et, au fond, ce n’est pas le plus important.

    La première séquence se déroule dans un petit hameau, perdu au milieu d’une forêt menaçante, nimbée d’une brume spectrale qui enveloppe le village, tandis que des torches diffusent une faible lueur. Une atmosphère anxiogène franchement réussie, qui rappelle d’ailleurs un peu ces éternels villages à la lisière des bois dans les films de la Hammer. On songe aussi aux illustrations du britannique Ian Miller, dont certains d'entre vous (les vétérans / les plus âgés) avaient pu découvrir  le talent avec les couvertures de la série des "Livres dont VOUS êtes le héros", en particulier la géniale couverture du Manoir de l'Enfer.

    Bethesda

    En plus d’avoir la rétine flattée par l’environnement qui possède un vrai souci du détail mis en valeur par une carte graphique musclée  (une GTX 780 de Nvidia pour ceux que ca intéresse), on est en outre saisi par le soin accordé au design sonore : vent dans les arbres, planches qui craquent, grognements proches ou lointains –ce qui peut donner d’ailleurs des indications sur la proximité du danger.

    Bethesda

    Flanqué d’un docteur qui nous demande de l’accompagner pour retrouver une de ses patientes qui a mystérieusement disparue, on s’enfonce dans le village, qui rappelle furieusement le village espagnol de Resident evil 4.  Ce ne sera d’ailleurs pas là la seule référence évidente au glorieux Pedigree de Mikami. On n'a pas fait 10 pas qu’on voit surgir de la pénombre un type obèse lorgnant du côté de Pinehead dans Hellraiser, foncer sur nous hachoir à viande en main...

    On vide le maigre chargeur de notre pistolet. C’est insuffisant, car on oublie la bonne vieille leçon apprise chez George A. Romero : viser la tête, toujours la tête. Pas bien résistant, le héros s’effondre en trois-quatre coups de hachoir…A la reprise de la mission, on décide de partir dans le sens opposé, en privilégiant la discrétion face aux créatures rôdant dans le village, ce qui permet non seulement de les achever en traître, mais surtout d’économiser les balles qui sont rationnées. Tant mieux. Ca évite de sombrer dans une séquence de Ball Trap aux zombies.

    Petit manuel de terreur illustré

    On rentre dans une maison. Des grognements se font entendre derrière la cloison. Une sorte de chirurgien semble opérer sur une table. De dos, il se retourne, affichant une moitié de visage littéralement arrachée à faire dresser les cheveux sur la tête. On tire, on stresse : il est increvable. On l’achève avec un carreau d’arbalète explosif.

    La prise en main du jeu n’a commencé que depuis 30 min qu’on commence à être passablement en nage…On retrouve finalement la patiente du docteur au fond d’une cave d’une autre maison, planquée dans une sorte de labo de développement de photos, un peu comme celui de John Doe dans Se7en…On tente de s’échapper avec la patiente : le temps de se retourner, plus personne. Plus de docteur, plus rien. Seul au monde. A la place, un corridor qui apparaît, Interminable. Et la peur au ventre. Tout au bout, une porte qu’on tente d’ouvrir, en vain. C’est une illusion.

    A partir de là s’ouvre une séquence conçue comme une matriochka ou, si l’on préfère, qui prend un peu la forme d’Inception : l’environnement semble changer autant de fois qu’on plonge dans les marais nauséeux de l’esprit du personnage, où l’illusion qui se mêle avec la réalité achève de brouiller les repères et semble refléter l'équilibre mental précaire du héros…On finit par atterrir dans un nouveau couloir : une porte-ascenseur s’ouvre, laissant s’échapper un torrent de sang.  Oui oui, la même séquence que dans le Shining de Kubrick. Flash.

    Bethesda

    Un peu plus loin, l’exploration de l’environnement nous amène dans une pièce au bout d’un couloir. Un corps inerte et sanguinolent  de femme se réveille et se transforme, devenant une sorte de monstrueux croisement contre-nature entre la Sadako de The Ring et la Megan-araignée de l’Exorciste. Une course-poursuite s’engage, rendue d’autant plus stressante que la jauge d’endurance du héros est faible et qu’il a besoin de temps pour récupérer son souffle. On dose donc l’effort en serrant les dents de peur de faire un arrêt fatal dans la course, on ouvre à coup de pied les portes, on prend un ascenseur pour changer de niveau. Le répit sera de courte durée puisque la créature nous a suivi et se reforme.

    C’est avec les nerfs en pelote qu’on fonce vers notre salut tout au bout d’un énième couloir, lancé dans une course contre la montre tandis que la porte commence déjà à se refermer… Dans son rythme, cette séquence fonctionne de manière identique à une partie  du prologue, où le héros est poursuivi par le frère de Leatherface avant de devoir jouer à cache-cache.

    Le titre de Shinji Mikami offre des phases de grandes tensions qui fonctionnent comme des pics d’intensité, avant de relâcher la pression sur le joueur qui peut alors se livrer à des phases de gameplay qui tendent vers l’exploration d’un environnement toujours plus anxiogène et malsain, pour le bonheur des fans.

    A vendre : manoir en pleine forêt, calme, avec sous-sol aménagé pour expériences labo…

    Mikami semble quelque peu hanté par Resident Evil. La deuxième séquence de prise en main se déroule en effet dans un énorme manoir, qui se dresse au milieu d’une forêt. Le titre du chapitre ne laisse pas vraiment de doute sur la nature de nos découvertes imminentes : « Crualest Intentions » - « Les plus cruelles intentions »… Une séquence que nous n’aurons malheureusement pas le loisir de terminer, faute de temps …

    Bethesda

    A peine arrivé dans le Hall, on aperçoit une sorte d’infirmier trainant de force un patient et s’engouffrant derrière une colossale porte circulaire frappé d’un symbole plutôt explicite : un énorme cerveau humain. La source du savoir mais aussi le cobaye d’atroces expériences que semble renfermer le sous-sol de la propriété.  Fermé par un mécanisme à triple serrures qu’il faut déverrouiller dans le manoir, on se lance donc dans l’exploration des lieux…qui réservent leur lot de mauvaises surprises,  comme cette séquence stressante où, les pieds liés par une corde dans un couloir piégé, le héros est inexorablement attiré vers de monstrueux rouleaux dotés de scies circulaires avant de parvenir à s’en dégager in extremis.

    Bethesda

    La discrétion est aussi de mise et parfois recommandée, au risque d’attirer un pack de monstres dont on n’est pas sûr d’avoir le dessus. Pourquoi ne pas se cacher dans les placards ou sous les lits par exemple, tandis que l’on entend la respiration haletante du héros ? Foncer dans le tas semble de toute façon assez contre-indiqué…

    C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes…ou pas ?

    Maintenant vient le temps des interrogations. De ce que l’on peut en juger, les développeurs de The Evil Within n’ont certainement  pas cherché à réinventer la roue en matière de Survival Horror. Le titre possède un Gameplay finalement très classique, basé sur un rythme assez binaire, comme nous le disions plus haut. Est-ce un mal ? Non, évidemment. Mieux vaut user de recette éprouvées qui fonctionnent que des idées à priori novatrices mais sévèrement bancales. Surtout que vue la nature du jeu et son géniteur, celui-ci est clairement attendu au tournant par les fans.

    Bethesda

    Boosté par un solide travail sur l’ambiance et le soin accordé aux détails, The Evil Within semble être un titre indéniablement efficace.  Mais il faut aussi souligner que parmi les bonnes poignées de Survival Horror sortis ces dernières années, la barre est désormais placée haute et la concurrence est féroce. En terme d’immersion et doté d’un budget de développement infiniement inférieur, Amnesia : the Dark Descent avait su se hisser au panthéon du genre. Plus récemment, Outlast (et sa récente extension, The Whistleblower) offrait une ambiance incroyable(ment malsaine) et à dresser les cheveux sur la tête, quand bien même les développeurs usaient parfois d’artifices et ressorts répétitifs pour loger la peur chez le joueur.

    Quoi qu’il en soit, l’équipe de Shinji Mikami vient de demander un sursis pour peaufiner son titre, initialement prévu pour sortir fin août. Il n’est désormais pas attendu avant le 24 octobre prochain. Gageons que ce Survival-Horror sera aussi propre et terrifiant qu'ils le souhaitaient.

     

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