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Marina De Van est une artiste multi-cartes. Romancière, scénariste notamment de François Ozon (Sous le sable, 8 femmes...), actrice chez ce même François Ozon (Sitcom) ou chez Pascal Bonitzer (Je pense à vous) et réalisatrice de longs métrages (Dans ma peau, Ne te retourne pas...), elle revient derrière la caméra pour Dark Touch, film d'horreur tourné en langue anglaise qui sort en salles ce mercredi 19 mars.
Pourquoi avoir choisi de faire un film de genre ?
-Je voulais faire un film sur l’abus d’enfants et le fantastique permet d’incarner ce qui est à l’intérieur de nous de manière extérieure et concrète, comme des symptômes. L'héroïne a été victime d’un traumatisme, mais elle n’a pas pleinement conscience de son agression. Au cours du film, elle accède à ses émotions en découvrant ses pouvoirs surnaturels. La télékinésie montre comment cette petite fille, d'abord incapable de cerner sa blessure, transfère son angoisse à des relais extérieurs. Et puis le cinéma de genre permet d'aborder le thème de la maltraitance infantile de manière légère. Le traiter avec réalisme comme un drame social aurait été assez lourd. Le genre m'a permis de rester dans quelque chose qui a vocation à distraire. Après, je ne suis pas fan des films d'horreur, j'en ai vu bien sûr, j'aime bien cela, mais je n'en ai pas une connaissance encyclopédique. Si je n'ai jamais pensé mon film en termes de références, il y a tout de même des clins d'oeil à Carrie au bal du diable ou au Village des damnés.
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Il semble difficile de monter un projet de film de genre en France. Avez-vous rencontré des difficultés pour "Dark Touch" ?
-En France, pour tourner avec des enfants, on est soumis à la commission de la DDASS. Celle-ci a catégoriquement refusé mon scénario, sans vraiment de raison : il n’y a pas d’abus explicite fait aux enfants, et les scènes sont écrites et tournées de manière à ce qu’ils ne soient jamais en contact direct avec la violence. Et puis le sang sur un tournage, c’est hilarant pour les enfants, ce sont des gros pots de liquide rouge poisseux. Même verbalement, il n’y a rien de brutal dans mon film. La jeune actrice ne savait même pas qu’il y avait une implication sexuelle, je lui avais juste dit que ses parents l’avaient battue… Mais bref, la DDASS a refusé et on s’est retrouvés obligés de se tourner vers l’étranger et de faire le film en anglais.
Les fictions récentes qui traitent de maltraitance infantile (comme "The Secret", "Prisoners" ou la série "True Detective") mettent en cause la communauté dans son ensemble, on a le sentiment que vous adoptez le même point de vue dans "Dark Touch" ?
-Je n'ai pas cette impression, je ne dis pas que la communauté est responsable ou même complice. Je montre simplement que la relation parents/enfants peut être sadique. De toute façon, ce n'est pas comme cela que j'aborde mes films. Je traite davantage de questions d'identité, d'un rapport de soi à soi. Pour mon prochain film, j'aimerais adapter "La Pitié Dangereuse" de Stefan Zweig.
Propos recueillis par Nicolas Journet
La bande annonce de "Dark Touch"