© Screen Gems Inc.
Carrie semble ne pas pouvoir se faire oublier. Et pourtant, la jeune fille qui se faisait malmener par ses camarades de classe dans les vestiaires, celle qui subissait la folie de sa mère au quotidien, n'avait au départ que peu de chances de s'en sortir. Dans la fiction, déjà. Et aussi dans la réalité, puisque Stephen King a failli la laisser tomber dès les premières pages. Mais, Carrie a survécu à ces deux univers parallèles. Mieux, elle s'est même "réincarnée" à plusieurs reprises. Elle s'est incarnée au cinéma en 1976 chez Brian De Palma sous les traits de Sissy Spacek, en 1988 elle a eu droit à une comédie musicale à Broadway (réadaptée ensuite en 2012), une suite qui n'a pas fonctionné en 1999 et, enfin, un pilote de série diffusé en téléfilm en 2002. Aujourd'hui, même après tout ça, Carrie est encore et toujours dans la place. Près de 40 ans après la sortie du roman, Carrie, la vengeance, nouvelle adaptation cinématographique du texte de King, sort ce mercredi 04 décembre dans nos salles ! Si ça, ce n'est pas de la multi-résurrection, on ne sait pas ce que c'est !
Même Stephen King ne semble pas trop savoir d'où vient le pouvoir d'attraction de Carrie. Lors de son passage à Paris, le célèbre écrivain, venu présenter son nouveau roman, est évidemment revenu sur son premier livre, celui par qui il est devenu célèbre, celui qui a littéralement été sorti d'une poubelle et qui les a, lui et sa famille, sortis du pétrin... Comment est née Carrie, cette fille pas comme les autres ? Morceaux choisis de la conférence de presse !
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Carrie : une source d'inspiration et une figure populaire
Stephen King : Je pense que Carrie fait partie de la culture populaire américaine. Je ne suis pas sûr de savoir pourquoi. Il y a eu sorte d’aura de conte de fées qui l'entoure. C’était l’un de mes premiers livres et c’était censé, à la base, être une nouvelle. A cette époque, j’avais beaucoup de succès, enfin un peu de succès, dans la vente de nouvelles à des magazines masculins. Vous savez ces magazines où il y a une page centrale avec une fille. Aujourd’hui, ils ont tendance à être remplacés par Internet mais, à l’époque, ils me rapportaient un peu d’argent. Que ça aille de 2 500 à 5 000 mots, ça couvrait le loyer pour un mois ou bien les besoins du bébé. Carrie devait être l’une de ces nouvelles et puis elle a commencé à se développer..."
"J'ai connu deux filles qui étaient comme Carrie White"
Les sources d'inspiration
"J’ai eu cette idée car j’ai connu deux filles qui étaient comme Carrie White. La première était une lycéenne qui se trouvait en bas de l’échelle sociale, la seconde était une enseignante, qui se trouvait dans la même situation. La lycéenne s’est tuée, elle s’est pendue. Et l’enseignante est morte renversée par une voiture alors qu’elle traversait la rue. Toutes deux n'étaient pas heureuses et j’ai pensé que, pour une fois, ce serait super que la roue tourne, de voir qu’une de ces jeunes personnes malmenées, malheureuses, et opprimées puisse prendre sa revanche. J’ai commencé à écrire l'histoire mais j'avais du mal avec le début quand les filles sont dans les vestiaires. Je me souviens être allé voir ma femme pour lui demander : "ces tampons du distributeur que les filles utilisent, est-ce qu’il faut les payer comme pour avoir un coca à la machine ?". Elle m’a ri au nez et m’a dit : "laisse-moi t’aider avec ça". J'avais auparavant balancé mes premières pages à la poubelle [et c'est déjà elle qui les avait récupérées]... Au final, Carrie a été adapté en film deux fois, en comédie musicale, un gigantesque musical à Broadway et une en off Broadway. Je n'attends plus que "Carrie, le spectacle de marionnettes" ! Ou Carrie Vs les enfants du maïs. Je pense que ce serait bien, je mets mon argent dessus !
"C'était comme gagner à la loterie"
Tabitha King, la sauveuse de Carrie
"Franchement, je ne sais pas ce qui se serait passé [si ma femme n’avait pas récupéré le manuscrit de Carrie de la poubelle]. Ce fut une circonstance fortuite... A l’époque où elle a récupéré le manuscrit de la poubelle, en prenant soin d'enlever les mégots de cigarette qui étaient dessus, on vivait dans un deux pièces, on n’avait pas de téléphone. Le bouquin terminé, il a été envoyé à Doubleday, mais l’avance était vraiment très faible. Six mois après qu’il ait été accepté et environ trois mois avant qu’il ne soit publié, mon éditeur de chez Doubleday m’a appelé et m’a dit : "On a vendu les droits en livre de poche" J’ai trouvé ça génial et j’ai demandé combien il avait obtenu. Et il m’a répondu : "on en a eu 400 000 dollars".
Alors, je lui ai dit : "4000 dollars… c’est ça ?" Car ce montant-là, c'est un montant qui, au moins, avait du sens pour moi. Il m’a dit non et m’a répété le montant. Mes jambes ont flanché, je me suis assis par terre. J’étais abasourdi. C’était comme gagner à la loterie, sauf qu’à la loterie, on ne fait qu'acheter un ticket et, là, j’avais travaillé pour écrire ce livre. C'était un dimanche, j'étais dans ma petite ville et tout était fermé. Mais, je voulais acheter un cadeau à ma femme parce que c’est elle qui avait sauvé ce livre. Je devais lui acheter quelque chose, on venait juste de se faire 400 000 dollars ! A cette époque, je ne gagnais pas beaucoup d'argent et on avait une famille à faire vivre. Je devais lui acheter quelque chose mais rien n’était ouvert. Sauf le drugstore... Du coup je lui ai pris un sèche-cheveux (rires)... Mais, ce dont je me souviens le plus clairement de cette journée, c’est qu’elle avait rendu visite à sa mère et qu'elle revenait dans notre vieille voiture. Et je lui ai dit : "Ils ont vendu les droits en livre de poche pour 400 000 dollars. On est relativement riches." Elle a eu cette expression de pure incrédulité, puis ses yeux se sont remplis de larmes, elle a mis ses mains sur son visage et elle a pleuré. Là, je me suis dit : "Mon Dieu, je me suis fait plein d'argent et j'ai fait pleurer ma femme. Que demander de plus ?" (rires)
Raphaëlle Raux-Moreau
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