Un catcheur qui délaisse le ring pour les plateaux de cinéma, ça n'est pas ce que le 7ème Art nous a proposé de plus original dans la catégorie "reconversion" (Hulk Hogan, si tu nous lis...). Aussi lorsque, après deux apparitions sur petit écran (dont une dans le rôle de son père, le temps d'un épisode de That 70's Show), Dwayne Johnson, dit The Rock, se lance sur le grand, c'est accompagné de beaucoup de "oui, bah un de plus" en guise de commentaires. Et si le peu de temps de parole qu'il a dans Le Retour de la Momie (2001) ne nous permet pas vraiment de juger son jeu d'acteur, il ne faut pas longtemps pour constater qu'il est encore plus impressionnant qu'Arnold Vosloo (la momie du titre), pourtant bien loti à ce niveau-là. La preuve ci-dessous.
Tiens, voilà du bourrin !
Flairant le bon coup, les producteurs ne lâchent pas leur nouveau poulain aussi facilement, et ils lui offrent 5,5 millions de dollars pour reprendre son rôle de Roi Scorpion dans un film entièrement focalisé sur ses aventures. Fort d'un tel salaire (un record pour un acteur "débutant"), The Rock fait plus jouer ses muscles que ses talents d'acteur, et le public n'en demande pas plus pour le comparer à Arnold Schwarzenegger, dont il apparaît comme le successeur. Alors c'est vrai qu'à Hollywood, les étiquettes de "nouveau untel" pleuvent dès que quelqu'un se fait remarquer, et que les deux hommes ont tous deux débuté en slip de cuir sur grand écran, mais il faut reconnaître que, dans ce cas, le rapprochement se tient, tant au niveau des qualités (le physique massif) que des défauts (un jeu qu'on qualifiera de minimaliste).
Le Roi Scorpion (2002) - © UIP
Et la tendance va se poursuivre deux ans plus tard avec Bienvenue dans la jungle (2004) : en plus d'y être adoubé par l'ex-Conan en personne, le temps d'un caméo en forme de passage de témoin, Dwayne Johnson y fait preuve d'un peu plus de second degré, qu'il poussera d'un cran dans Be Cool (2005). En garde du corps gay, il attire (positivement) l'attention des critiques, et s'avère nettement plus convaincant que dans Tolérance zéro (2004), film d'action gentiment bas du front. Pas assez pour lui faire changer de registre dans l'immédiat. On notera quand même sa participation Southland Tales (2006 - voir la vidéo ci-dessous), mais celle-ci est un peu éclipsée par l'ambiance étrange du film, son extrême complexité, la volée de bois vert qu'il a reçue à Cannes, et le fait qu'il semble constamment se demander ce qu'il fait là. Une prise de risques qui ne nous fait toutefois pas oublier Doom (2005), adaptation du jeu vidéo homonyme qui n'arrange pas son capital finesse (et lui vaut enfin le Razzie du Pire Acteur en 2006, après des nominations pour Le Roi Scorpion et Tolérance zéro), ni l'inédit (et mal nommé) Rédemption (2006), où il s'essaye pourtant à un registre plus dramatique.
Comique comme un Rock
Very Bad Cops (2010) - © Sony Pictures Releasing France
En 2007, Dwayne Johnson prend un virage pour le moins serré et surprenant, puisqu'il revient (dans son propre rôle) sur petit écran (Cory est dans la place, Hannah Montana) et se lance dans une période "comédies, option films pour enfants" qui durera jusqu'en 2011. Soit 4 ans durant lesquels l'auto-dérision sera sa partenaire attitrée (juste devant le réalisateur Andy Fickman, qui le dirige à 3 reprises), avec des résultats assez variés : si ses apparitions dans Max la menace (2008) et Very Bad Cops (2010 - photo ci-dessus) sont vraiment hilarantes, il en va autrement de Maxi Papa (2008) ou Fée malgré lui (2010 - vidéo ci-dessous), qui lui donnent certes l'occasion de casser son image, mais se révèlent finalement aussi gênants que certains passages de Batman & Robin ou La Fin des temps. Vouloir prendre la succession d'Arnold Schwarzenegger et faire preuve de second degré, pourquoi pas, mais pas en se fourvoyant de la sorte. Dwayne Johnson a d'ailleurs fini par le comprendre (même s'il n'a été nommé aux Razzies pour aucun de ces rôles), puisqu'il jure, à ce moment-là, qu'on ne le reprendra plus à faire des films familiaux. Une promesse qu'il ne tiendra pas tout à fait, mais ce n'est pas grave...
De la suite dans les biceps
Fast & Furious 5 (2011) - © Universal Pictures International France
L'année 2011 marque donc son retour au vrai film d'action, celui qui sent la sueur et la testostérone. Au début on regrette lorsque débarque Faster, histoire de vengeance à la morale douteuse qu'il traverse monolithique avec la mâchoire serrée. Puis vient Fast & Furious 5 (photo ci-dessus), dont on attendait pas grand chose : même si l'épisode précédent n'était pas le plus mauvais de la saga, on ne voyait pas comment elle pouvait à nouveau carburer. La réponse, comme vous le devinez, mesure 1m96, et incarne une menace des plus crédibles pour Vin Diesel et ses comparses, remusclant, au passage, la franchise. On imagine donc mal les producteurs le lâcher comme ça, surtout qu'ils ont donné une idée de sous-genre aux autres : "Les suites avec Dwayne Johnson", dont le concept s'explique assez facilement. Il s'agit en effet de commencer une franchise sans l'acteur, et de l'y inviter ensuite pour mieux marcher. Le Retour de la Momie a ouvert la voie succès, suivi, une dizaine d'années plus tard, par Fast & Furious 5, G.I. Joe 2 (vidéo ci-dessous) et Voyage au centre de la Terre 2, dans lequel il remplace un Brendan Fraser face auquel il avait débuté sur grand écran. Symbolique, quand tu nous tiens...
Annoncé dans pas moins de 13 projets (dont le Pain and Gain de Michael Bay ,actuellement en tournage), Dwayne 'The Rock' Johnson aura donc mis 10 ans à s'imposer comme autre chose qu'un simple catcheur reconverti, et devenir une valeur sûre d'Hollywood : si son jeu lui donne encore très peu de chances de décrocher un Oscar un jour, les producteurs comptent néanmoins sur lui pour de gros projets auxquels il appporte son charisme, son physique et son auto-dérision, et des recettes généralement satisfaisantes. Dans une industrie plus souvent à la recherche d'efficacité et de rentabilité que de finesse, ça peut donc payer...
Maximilien Pierrette