Les piques de James Cameron contre les conversions en 3D ont fait des vagues, quand bien même le "roi du monde" est plutôt légitime pour se prononcer, et peut se targuer d’avoir proposé un niveau d’excellence inégalé dans ce domaine avec Avatar. C’est aujourd’hui au Français Alexandre Aja de lui répondre (tous deux ont pourtant fréquenté les mêmes piranhas, cf le premier long-métrage de Cameron), au cours d’un entretien accordé à nos confrères des Années Laser dans leur numéro de février, à l’occasion de la sortie en DVD/Blu-ray du très jouissif Piranha 3D. Après avoir précisé les raisons pour lesquelles il n’a pas pu tourner directement en 3D (le milieu aquatique et les réflexions du soleil posant des problèmes difficilement... solubles pour un tel tournage, et exigeant en post-prod' des moyens dont il ne disposait pas), il ajoute qu’il avait cependant "entièrement conçu [sa] mise en scène, dès l’étape des storyboards, en fonction de la conversion qui suivrait." De là sans doute son agacement quand on lui demande ce qu'il pense des attaques de Cameron contre la conversion et l’exploitation en 3D de films tournés en 2D :
"Je trouve ça d’une hypocrisie gigantesque. Ce monsieur est à la fois l’inventeur de la conversion, il est le premier commanditaire d’une conversion « officielle » pour son propre Titanic, il a lui-même converti de longues séquences d’Avatar tournées en 2D, et je pense que son attitude relève en fait d’un intérêt strictement financier, vu qu’il est l’inventeur des nouvelles caméras stéréoscopiques. De plus il a directement attaqué Piranha 3D sans rien connaître des conditions de réalisation dont je vous ai parlé, il lui a reproché ses effets de jaillissement alors qu’ils font partie intégrante du fun que je voulais susciter… Il faudrait qu’il arrête de se croire le détenteur de la loi suprême et qu’il comprenne que le cinéma, c’est aussi du plaisir." A bon entendeur…
Et re-pan dans les dents...
Les frères Weinstein, producteurs du film, en prennent aussi une ou deux au passage (mais ils commencent à être habitués), dans cette intéressante interview. En plus d’avoir fait constamment pression pour policer le film, le studio primo n'a pas retenu la société d’effets spéciaux numériques qu’avait choisi Aja, en préférant une autre plus habituée à travailler pour la télévision ; secondo a remplacé après le tournage la société initialement chargée de la conversion par une autre, inexpérimentée dans le domaine. D’où une certaine insatisfaction du réalisateur quant au look des piranhas (cf primo) ou à la qualité de la 3D (cf secondo) : "Je me suis donc battu pour que le rendu final soit aussi propre que possible, à des années-lumière de la catastrophe qu’a été Le Choc des Titans, où les contours restent visibles et où on ne perçoit aucune espèce de perspectives [voilà au moins un point sur lequel Cameron et lui sont d’accord.] Ce que je regrette à l’arrivée, c’est que, sur les deux cents plans où l’effet de relief devait fonctionner au maximum, il en reste une cinquantaine dont je ne suis pas vraiment satisfait." Cela étant, oh happy end, les frères Weinstein, voyant les résultats du film à l’international, "ont eu l’élégance et l’honnêteté de [lui] présenter leurs excuses." Toujours aussi rusés, les frérots.
AG avec Les Années Laser