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    "D'amour et d'eau fraîche" : rencontre avec Anaïs Demoustier et Pio Marmai.

    Têtes d'affiche du dernier film d'Isabelle Czajka, "D'amour et d'eau fraîche", Pio Marmai et Anaïs Demoustier nous parlent du long métrage, de leur rencontre, d'une jeunesse en pleine crise et de leur statut d'acteur.

    Allociné : Qu’est-ce qui vous a donné envie de jouer dans ce film ?

    Pio Marmai : J’avais vu le premier long métrage d'Isabelle Czajka, L' Année suivante, et j’avais été très touché par ce film. Là j’étais sensible au sujet, au regard qu’elle portait sur les jeunes et sur la société : comment est-ce que les jeunes s’insèrent dedans ou pas, comment est-ce qu’ils rentrent dans une norme ou pas…

    Anaïs Demoustier : J’avais déjà tourné avec Isabelle Czajka pour son premier film et ça a vraiment été une belle expérience. Et puis j’ai joué pas mal de personnages introvertis, qui traversent des drames, etc… Moi je suis d’une nature plutôt vive, gaie, joyeuse, donc j’étais contente d’avoir à jouer un personnage qui était plus dans l’énergie.

    Avez-vous des points communs avec votre personnage ?

    PM : Peut être justement le regard qu’il porte sur la société, le fait de rentrer dans une norme. C’est paradoxal parce que je travaille dans le cinéma, donc dans le genre normatif… C’est une sorte de microcosme où tout est codifié, mais je me retrouve assez là-dedans oui, en essayant d’être en création constante comme ça, d’arriver à être insoumis dans l’existence, d’être autonome en tout cas.

    AD: Tout ce milieu de l’entreprise, je ne le connais pas. En revanche, quand on est jeune et qu’on commence dans un métier, il y a des similitudes, notamment la hiérarchie, la compétition, les petites humiliations, la violence du quotidien, etc… Et puis des espoirs de jeunesse. Je pense que, quand on a mon âge, on a encore de l'espoir pour l’amour, pour les belles rencontres, l'espoir de s'accomplir et d'être libre. Tout ça, je le partage avec elle.

    Julie Bataille… Un hasard ou un nom qui a du sens ?

    AD : Isabelle Czajka dit que c’est un hasard mais je trouve que ça a vraiment beaucoup de sens. Je trouve ça bien qu’elle s’appelle comme ça, parce que c’est vraiment une fille pleine de bonne volonté, qui veut y arriver et qui a tout pour le faire : elle est jeune, dynamique… Mais le monde d’aujourd’hui fait qu’elle se retrouve tout le temps déstabilisée.

    Vous êtes tous les deux issus de la même génération. Comment s’est passée votre rencontre, votre collaboration ?

    PM : La rencontre était très agréable. Ça se voit peut être dans le film d'ailleurs. J’étais très heureux de bosser avec elle parce que c’est une fille qui a une filmographie assez imposante. Elle a bossé avec de très grands metteurs en scène et elle est très professionnelle. C’était très agréable cette envie de travailler, ou en tout cas de créer des choses qui étaient constantes. Il y avait une envie de prendre des risques dans l’interprétation.

    AD : On s’est vraiment bien entendu, on a beaucoup ri et je me suis vraiment amusée à tourner avec lui. Son arrivée sur le tournage a vraiment fait du bien, c’était comme une respiration. Il a apporté au personnage son humour et sa gaieté. J’avais fait un casting avec lui pour voir si notre couple fonctionnait et la réalisatrice à tout de suite dit que ça marchait. On s’entend dans la vie et je pense que ça se voit.

    À partir du moment où Julie décide de suivre Ben, le film devient plus lumineux, moins gris, moins glauque. Comment expliquez-vous cela ?

    AD : J’aime bien l’idée que l'on ne voit pas vraiment les choses venir et qu’elle [Julie] laisse la place à cette relation qui, pour cette jeune fille, à ce moment-là, est une respiration, un temps de jeunesse et de joie. Isabelle Czajka se demandait ce qu’était la jeunesse dans ce film : qu’est-ce qu’on retient de sa jeunesse ? Cette jeune fille, Julie Bataille, elle retiendra ce temps-là, qu’elle a passé avec cet homme dans le Sud, où ils étaient un peu loin de tout. Même si ça ne se termine pas comme il le faudrait, c’est un souvenir qui va rester et qui sera, je pense, un souvenir joyeux.

    Quand Julie suit Ben dans le sud, est-ce que c’est du courage ? Ou une fuite, un abandon total ?

    PM : Elle est dans une accumulation d’éléments issus de tout ce qu’elle vit, qui la mettent en face d’un point de rupture. Mais en réalité, je pense que c’est une porte de sortie, une possibilité d’ailleurs et une façon de mettre de côté tout ce qu’elle encaisse.

    AD : Je pense que ce n'est ni courageux, ni lâche : c’est juste qu’elle en a besoin. Elle est en pleine rupture avec sa famille, sa mère lui en veut, elle s’engueule avec son frère, elle était pleine de bonne volonté pour réussir à travailler mais elle se fait virer, et elle voit ce jeune homme qui lui propose ça. Elle hésite quand même, elle a peur, mais elle y va parce qu’elle a besoin de vivre des choses qui lui font du bien.

    Qu’est ce qui était le plus compliqué à jouer dans ce film ?

    PM: Le plus dur, c’était d’arriver à créer cette intimité, cette relation qu’on a eu avec Anaïs. Arriver à s’abandonner à l’autre, arriver à lui proposer des choses et en même temps être dans une exigence vis-à-vis du partenaire, c’est ce qu’il y a de plus difficile.

    AD : Peut-être les scènes de nu. Je n’en avais jamais fait et c’est toujours un peu particulier. Heureusement je connaissais Isabelle et je savais qu’elle serait intelligente et bienveillante. Et puis il y a également les scènes avec cette arme à feu (photo ci-dessus). C’est un objet tellement connoté, qu’on a tellement vu au cinéma, que dans ce genre de film, avoir un flingue dans la main, c’est difficile. Parce qu’il faut qu’on y croit, et qu'il ne faut pas que ça casse le réalisme du film. Un flingue c’est un objet difficile à filmer et j’aime bien comment la réalisatrice le filme. C’est comme les scènes de nu, elle va dans le juste, elle ne cherche pas à rendre la chose spectaculaire.

    Dans la conjoncture actuelle, vous sentez-vous privilégiés d’être acteur par rapports aux jeunes de votre génération ?

    AD : Je me sens en-dehors de ça parce que j’ai un métier qui est ma passion et que je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde. Ça doit être difficile de faire un métier qui n’est pas vraiment un plaisir. Les conditions sont de plus en plus difficiles et tout est de plus en plus déshumanisé ! Il faut être performant, il ne faut pas poser de questions, il faut déjà tout savoir alors qu’on n’a encore rien fait. Je trouve ça vraiment rude.

    PM : J’ai une chance inouïe, incroyable… Ce n’est QUE du cinéma. C’est une entreprise qui génère du spectacle. Évidemment parfois on va très loin et on peut être très malheureux, et j’espère quand même qu’on interroge un peu les gens... Mais je pense que c’est une position ultra privilégiée et je pense qu’il faut se le rappeler tout le temps sinon on devient un sale con et on se coupe totalement du reste.

    Les entretiens d’embauche sont-ils comparables au casting ?

    PM : Quand on est acteur, on est notre propre marchandise, notre outil de travail. C'est ce qu'on va générer en direct, ce qu’on est qui va être valeur de marchandise. Donc c'est un peu différent. Évidemment on peut retrouver des similitudes, mais c’est un peu plus complexe que ça.

    AD : Oui, il y a un côté où on se donne, on est à la merci de quelqu’un, on doit se plier à ce que la personne nous demande. Parfois on est mal reçu, parfois on l’est bien, parfois les questions ne sont pas du tout en rapport avec le travail demandé … Il peut y avoir des humiliations, il peut y avoir des maladresses… C'est exactement les mêmes caractéristiques.

    Une vie d’amour et d’eau fraîche, ça vous fait rêver?

    PM: Oui en partie mais je ne suis pas non plus naïf. Je pense qu’il faut aussi être créateur de pleins de choses. C’est un très beau principe, ça me plait beaucoup, mais je pense qu’il ne faut pas s'arrêter à cela.

    AD : Oui et c’est en ça que je trouve que je ressemble un peu à cette jeune fille. L’amour prend une place très importante dans ma vie : l’amour fraternel, l’amitié ou même l’amour tout court. Je veux réussir à être avec des gens que j’aime. C’est peut-être un peu utopiste mais oui, si je rencontre un homme avec qui je peux vivre d’amour et d’eau fraiche, je serais tout à fait capable de tout plaquer. Peut-être que je ne dirai pas ça dans un an…

    Propos recueillis le 10 août 2010 à Paris par Mathilde Degorce

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