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    "La Pivellina": Rencontre avec Tizza Covi

    Après avoir gagné des prix à de nombreux festivals, dont à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes ou au Festival Premiers Plans d'Angers, "La Pivellina" de Tizza Covi et Rainer Frimmel sort dans nos salles. AlloCiné a rencontré la réalisatrice de passage à Paris avant qu’elle ne reparte au Festival de Berlin où elle présente actuellement ce premier longue métrage de fiction.

    AlloCiné: Comment avez-vous trouvé la petite Asia ?

    Je connais Patrizia et l’endroit où elle habite déjà depuis 10 ans. Ces aspects sont purement documentaires. Patrizia, Walter, Tairo et la petite Asia habitent réellement à cet endroit. Comme Rainer Frimmel et moi venons du documentaire, on s’est demandé pendant longtemps si on va refaire un documentaire. Mais on voulait montrer ce monde sous un angle différent et c’est pourquoi on a eu l’idée de mettre un intrus à cet endroit pour montrer de son point de vue et comment ces gens vivent et fonctionnent.

    Comment avez-vous dirigé l’enfant ?

    Un enfant a besoin d’énormément de temps et on l’a eu. Je me suis occupée d'elle pendant des semaines et cela a pris aussi des semaines pour qu’elle s'endorme dans mes bras. Il était important que ses parents ne soient jamais avec nous. Ils habitent aussi là-bas dans une caravane et ils étaient vraiment très généreux car on se connaissait avant. Nous sommes une équipe très mobile et on pouvait changer les scènes selon les humeurs d’Asia.

    Pourquoi avez-vous gardé les noms originaux des acteurs ?

    Je crois que pour des acteurs amateurs, il serait impossible de prendre des autres noms. En plus, le scénario était écrit pour eux. Un acteur professionnel joue le rôle de quelqu’un d’autre et d’un autre monde, ensuite il retourne dans son propre monde. Ces acteurs amateurs montrent aux spectateurs comment ils vivent, leurs problèmes et leur passé.

    Est-ce qu’il était difficile pour ces acteurs amateurs d’improviser ?

    Pour l’improvisation, le travail préliminaire est très important. Les acteurs amateurs ont une tendance, comme tous les acteurs, à se présenter sous un meilleur jour devant une caméra. C’est exactement ce qu’on ne voulait pas. Il leur a fallu un certain temps pour comprendre qu’il fallait qu'ils soient exactement comme d’habitude. Leurs histoires personnelles étaient parfois très dures, comme l’histoire du suicide de Tairo : il a réellement tenté de se suicider à trois ans car ses parents l’ont abandonné. Quand on lui a demandé pour la première fois si on pouvait utiliser cette histoire, il était d’accord. On n’avait pas de textes écrits, mais seulement quatre ou cinq points de repère et les acteurs devaient formuler leurs phrases librement. Dans cette situation, Patrizia a dit à Tairo : "Ta mère a fait la même chose que celle d’Asia". Ca l’a rendu tellement triste et furieux qu’il ne voulait plus tourner cette scène. Mais cette histoire a continué à tourner dans sa tête et le dernier jour du tournage, il est revenu vers nous parce qu’il voulait la tourner.

    Quelles sont les différences entre le travail avec la photographie et le film ?

    Tous nos films sont nés de travaux photographiques. La photographie est un média avec lequel on peut regarder dans des vies, des appartements pour mieux rencontrer les gens avec l’excuse qu’on fait quelque chose. C’est pareil avec le cinéma et ça nous intéresse. Nous voulons passer du temps avec les gens et regarder dans leurs vies. Avec le film, on peut mieux diriger les sentiments et raconter des histoires. Nous sommes quand même toujours très attentifs en procédant ainsi. Comme on utilise des plans très longs et pas de musique, le spectateur a toujours la possibilité de se faire sa propre opinion. C’est pourquoi le film est un art plus complet que la photographie.

    Voyez-vous des parallèles entre votre vie de réalisatrice mouvementée et celle des artistes de cirque ?

    Rainer et moi, on vient de la photographie et on a commencé il y a 18 ans à prendre en photo des cirques en Autriche et en Italie. On a rencontré des personnes très intéressantes. Ce qui est très intéressant dans ce milieu, ce sont le rire, les costumes pétillants, la lumière en façade, mais quand on jete un coup d’œil en coulisses, on voit cette pauvreté absolue, cette tristesse et ce combat pour attirer des spectateurs. Pour moi, cela a toujours été ainsi : partir pour faire quelque chose de nouveau. C’est aussi le synonyme de l’art en général : on fait toujours quelque chose de nouveau, comme pour la première fois. C’est pareil pour les gens d’un cirque : à chaque fois qu’ils arrivent quelque part, il faut qu’ils remontent leurs affaires et recommencent. C’est vrai qu’il y a des parallèles avec l'industrie cinématographique, comme l’attente et le combat pour attirer les spectateurs.

    Propos recueillis à Paris en janvier 2010 par Barbara Fuchs

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