Mon compte
    "L'Enfant-cheval": rencontre avec Samira Makhmalbaf

    A l'occasion de la sortie de "L'Enfant-cheval" ce mercredi 6 mai, AlloCiné a rencontré la jeune réalisatrice iranienne Samira Makhmalbaf.

    AlloCiné : Comment "L'Enfant-cheval" est-il né ?

    Samira Makhmalbaf: C'est mon père (Mohsen Makhmalbaf) qui a écrit le scénario de L'Enfant-cheval. La première fois que je l'ai lu, je l'ai vraiment trouvé trop violent, trop dur, trop desespéré. Il était hors de question que je réalise ce film cauchemardesque. Mais, malgré sa dureté, je n'ai pas réussi a l'oublier et en y réfléchissant, je me suis rendu compte que, partout autour de moi, les relations entre les gens, à des degrés divers, se rapprochaient de celles décrites dans le scénario. Je me suis donc décidée à réaliser L'Enfant-cheval avec la ferme intention de confronter le spectateur à son coté animal, comme face à un miroir.

    Vous travaillez régulierement avec votre père...

    Même si nous somme très différents, qu'il est de la génération d'avant la révolution et moi de celle d'après, mon père et moi entretenons une grande proximité. Il y a bien sûr un rapport père-fille entre nous, mais également une relation maître-élève, voire de collègues de travail. Beaucoup de gens se sont étonnés qu'il ait pu confier un scénario aussi sombre à sa propre fille pour qu'elle en fasse un film. Je pense au contraire qu'il s'agit là d'une démonstration de respect et d'extrême générosité que de partager son regard sur le monde avec moi. De toutes façons, mon père me donne toujours ses meilleurs scénarios !

    Votre mère et votre frère (Hana et Maysam Makhmalbaf) ont également travaillé avec vous sur ce film. C'est vraiment du travail en famille !

    Oui, on travaille très régulièrement en famille mais on essaie de changer les rôles sur le tournage de chaque film. Cela permet de changer les points de vue, les regards, les rapports... c'est vraiment bien comme ça ! Je me rend compte que j'ai énormement de chance de partager avec ma famille la même passion pour le cinéma. C'est très rare dans nos sociétés modernes ou chacun s'individualise.

    Comment avez vous choisi vos comédiens pour ce film ?

    Le choix des acteurs était vraiment primordial pour L'Enfant-cheval. J'ai arpenté au moins une dizaine de villes d'Afghanistan. Je savais que si je ne trouvais pas les comédiens idoines, le film n'existerait pas. Pour l'enfant infirme, je souhaitais absolument un garçon d'une dizaine d'années amputé de ses deux jambes. La difficulté résidait dans le fait que la plupart des enfants de cet âge, victimes de mines antipersonnelles, ne survivent généralement pas a leurs blessures. J'ai fini par trouver mon comédien alors qu'il mendiait dans les rues d'une ville du nord du pays. Concernant l'autre comédien ("le cheval"), je voulais quelqu'un qui puisse me faire croire en le regardant, de par sa manière d'être et son caractère, qu'il est un cheval. Je l'ai déniché à Kaboul. Il était en train de laver une voiture la première fois que je l'ai aperçu.

    C'est une habitude pour vous de faire appel pour vos films à des comédiens non-professionnels ?

    Oui, j'ai l'habitude de choisir mes acteurs dans la rue. Si par exemple je veux parler d'une femme afghane, pour moi il impératif que cette dernière soit vraiment afghane. C'est difficile de travailler avec ce genre de comédiens, car il ne connaissent rien au cinéma. Mais si on a la patience nécessaire d'aller chercher au plus profond d'eux-même leur "vérité", le resultat est extraordinaire.

    Pourquoi avoir choisi de tourner en Afghanistan alors que le pays est en guerre ?

    Je connais bien l'Afghanistan. J'y ai déjà réalisé quatre films. Mais j'ai choisi de tourner L'Enfant-cheval dans ce pays pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que l'on y parle, dans une bonne partie du pays, la même langue qu'en Iran. Ensuite, parce que j'estimais que le dénuement et le côté primitif de ce pays cadraient totalement avec l'atmosphère que je voulais donner au film. Et enfin, et surtout, car les autorités de mon pays ont interdit à tout membre de la famille Makhmalbaf de tourner en Iran.

    Y a-t-il eu des incidents lors du tournage ?

    Oui, malheureusement. Lors du quarantième jour de tournage, nous avons été la cible d'un attentat à la grenade. Je me doutais que l'on rencontrerais quelques impondérables, mais de là à imaginer recevoir une grenade...

    Cet attentat a-t-il fait des victimes ?

    L'attentat a fait au moins une vingtaine de blessés, dont la moitié grièvement, ainsi qu'un mort. Un cheval a aussi perdu la vie. D'ailleurs, s'il n'avait pas été là, j'aurais sans doute péri dans l'explosion.

    Propos recueillis à Paris par Romain Pacchiele

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top