AlloCiné : Comment ça se passe avec "Mirrors" ?
Alexandre Aja : Je suis en pleine phase de finition et il y a encore pas mal de boulot à faire. On fait la post-production ici, dans les anciens studios de la légendaire RKO. C'est émouvant de travailler dans cette environnement.
Vous tournez cette fois-ci en Roumanie. Qu'est-ce qui motive vos choix de lieux de tournage ?
C'est vrai que l'une de mes priorités, et ceci pour tous mes films, et de trouver le lieu de tournage parfait. Quand on a fait La Colline a des yeux, on a donc fait des recherches pour le désert parfait, les montagnes parfaites et nous avons ainsi choisi le Maroc. De même pour Mirrors, lorsque nous écrivions le script, nous nous sommes tout de suite souvenus d'immense buildings à l'abandon à Bucarest que nous avions découvert lors d'une expédition précédente. En fait, ces buildings devaient devenir l'Académie de Science mais ils n'ont jamais été finis. Nous avons décidé que ce serait le lieu parfait pour cette histoire intriguante de Mirrors. Par ailleurs, nous n'aurions jamais trouvé un magasin de la taille nécessaire : nous avons donc fait construire entièrement ce magasin à l'intérieur de ce building en Roumanie. Le chef décorateur a vraiment fait un boulot incroyable. Et puis pour les extérieurs, nous avons tourné sur New York, ce qui donne aussi une personnalité toute particulière à notre film. Ce qui est amusant c'est que nous avons trouvé sur la 6e Avenue un building exactement de la bonne taille par rapport au décor que nous avions construit en Roumanie : le matching était donc parfait. C'est crucial de trouver l'endroit parfait de tournage. Comme en ce moment pour la préparation du remake de Piranhas. Car il ne sagit pas que de trouver un lac parfait mais également un environnement extérieur parfait autour de ce lac.
Quel est le défi le plus important pour vous avec "Mirrors" ?
De réaliser un film que personne n'a l'impression d'avoir vu avant. Je veux vraiment tenter de me dépasser à chaque fois et créer des images, des "shots" incroyables. Pour Mirrors, c'est un vrai défi de créer une vision contenant autant de miroirs. Les miroirs font partis intégrante de notre quotidien et ce n'est pas une chose si simple que d'inventer un univers dont ils sont le coeur, le moteur. De plus, c'est une chose d'écrire un script mettant en scène de miroirs -et cela peut même faire peur sur le papier-, mais c'est une autre paire de manches que de filmer ces visions. Il y a par exemple dans le milieu du film une pièce que l'on appelle la "Mirrors room" parce qu'elle ne contient que des miroirs. Non seulement c'est un vrai défi de construire un tel lieu mais c'est encore plus difficile à surmonter que de filmer dans une pièce comme celle-ci ! De plus, nous avons dû y tourner pendant plus de dix jours de suite ! Et puis tourner un film avec un budget assez important et le tout en Europe de l'Est n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser. L'argent ne résout pas tous les problèmes et il faut faire preuve de créativité. Mais à chaque fois, nous trouvons des solutions aux problèmes et nous en sortons vivants ! Donc je dirais que c'est vraiment ça le plus grand défi : donner vie en images à des mots alignés sur le papier...
Parlez-nous de votre concept de l'élaboration des miroirs dans ce film ?
Et bien disons que nous avions fait trois films ultra réalistes, du moins pour des films d'horreur : La Colline a des yeux, Haute tension et 2ème sous-sol. Là, nous voulions partir dans l'imaginaire, rentrer dans un monde plus fantaisiste et "décoller" en quelque sorte. Nous voulions vraiment explorer l'aspect surnaturel, paranormal d'un bon film d'horreur. Nous ne voulions pas faire un autre slasher. Nous avons totalement accroché sur le concept de Mirrors à la première lecture du draft envoyé par la société de production américaine qui voulait nous embaucher pour ce film. Les premiers drafts n'étaient pas très bons au niveau de l'histoire et des personnages mais cela nous a intrigué tout de suite de créer un univers avec un objet dans lequel nous nous regardons, chacun de nous, tant de fois pas jour... C'est d'ailleurs vraiment impossible de compter le nombre de fois que votre reflet apparaît dans un miroir car il y a des miroirs partout, vraiment partout, à tel point que cela devient inconscient de passer devant un miroir. Et ceci depuis la préhistoire : même les hommes des cavernes voyaient leur reflet dans l'eau ! Et c'est amusant de constater que de temps en temps, en se regardant dans le miroir, il y a une peur sous-jacente qui demeure, aux aguets presque... Et donc nous avons vite réalisé qu'il y avait un sujet d'étude parfait pour créer un film totalement hors du commun et effrayant. Le but est vraiment de créer un univers horrifique où la peur reste ancrée longtemps en vous une fois le film fini. Je crois vraiment qu'après Mirrors, vous ne vous regarderez jamais plus de la même manière dans un miroir !
Dans quel mesure "Mirrors" sera t-il différent de l'original ?
Quand nous avons lu le script, la première version, nous ne savions même pas qu'il s'agissait d'un remake d'un film coréen (Into the mirror, NDLR). Du coup, nous avons demandé à voir ce film et nous n'avons pas vraiment été impressionnés par grand chose à l'exception d'une ou deux scènes, dont la séquence d'ouverture. Nous avons decidé d'écrire un film totalement différent de celui sorti en Corée. La Colline a des yeux fut vraiment un remake mais ce film n'a vraiment rien à voir avec le film d'origine. Donc pour moi, il ne s'agit pas vraiment d'un remake. La seule chose en commun avec le film coréen est l'exploration du monde des miroirs sous un angle horrifique et fantastique. De plus, je n'aime pas tellement cette vague de films asiatiques qui se disent "d'horreur" mais que je trouve trop "soft". Avec Mirrors, je voulais vraiment faire un film terrifiant, et non une "escapade gentillette". Ce film est un peu comme Shining, qui reste pour moi un veritable chef- d'oeuvre : c'est un peu le même parti-pris avec de vrais personnages et une véritable trame dramatique mais avec un ton fantastique et un sujet surnaturel.
Parlez-nous de Kiefer Sutherland : est-ce que c'est intéressant de lui donner une image autre que celle que l'on connaît avec "24" et "The Sentinel" ?
Oui, absolument. D'abord, Kiefer Sutherland n'a eu qu'un petit rôle dans The Sentinel. Mais ici, la situation est différente. Tout d'abord, il ne fait pas beaucoup de films car il est énormément pris par sa série : c'est donc un honneur de l'avoir eu pour Mirrors. En fait, il s'est vraiment passionné pour le sujet du film et nous avons vraiment bien accroché lui et moi. Et puis il a toujours aimé les films d'horreur : L'Experience interdite et Génération perdue par exemple. Même Freeway a un côté "fantastique". Donc il n'est pas seulement Jack Bauer. Ici il montre vraiment un autre côté de sa personnalité : il est vraiment surprenant et il est devenu totalement un autre pour ce film. Nous avons partagé la même vision et la même approche du film dès le début. Ce fut vraiment une collaboration parfaite entre lui et nous. Vous verrez, vous serez étonné par cette performance d'un ex-flic qui a tout perdu et qui boit pour oublier, et qui soudain va être confronté à des évènements qui le dépassent... et en même temps lui redonnent le goût de se battre, de vivre.
Et si un matin vous vous regardiez dans la glace et que celle-ci se mettait à "vivre" contre votre gré...
C'est ce que nous essayons d'imaginer quand on écrit ce genre de film : c'est toujours capital de se mettre dans la peau des personnages et se demander réellement ce que nous ferions à leur place. La seule chose que je n'essaye pas d'imaginer c'est quand quelqu'un tue quelqu'un d'autre : je n'arrive pas à me mettre dans la peau d'un tueur. Dans le cas de Mirrors, je ne suis pas certain d'agir de la même façon que ce que nous avons écrit pour ces personnages mais sans doute... A vous de voir le film et de vous poser cette question !
Propos recueillis sur le tournage par Emmanuel Itier