AlloCiné : Comment s'est passée la rencontre avec Serge Elissalde et Grégoire Solotareff ?
Sanseverino : Ils sont passés par la voie classique en contactant la boîte de production et en disant : "Tiens, on a bien aimé cet artiste..." C'est comme ça qu'on s'est rencontrés. Ils voulaient une chanson originale, mais moi j'avais pas le temps, donc j'ai changé une de mes chansons (NDLR : "Swing du nul") pour faire une chanson pour eux. Jusque-là tout est normal, sauf qu'on se rend compte qu'on s'apprécie... Et quand ils m'ont proposé de faire quelque chose d'autre et de continuer, j'ai dit oui tout de suite.
Et ce projet c'était "U"...
Oui. Pour U, Grégoire et Serge voulaient simplement que j'enregistre un violoniste et un guitariste pour faire ce qu'on appelle la musique "in", c'est à dire ce qui est joué par les instruments en animation. J'ai commencé à composer des morceaux pour ça. Ce sont de petits morceaux qui tiennent plus du bruit que du véritable morceau. Et en faisant ça, j'ai commencé à composer des morceaux qui auraient pu faire figure de musique générale – ce qu'on appelle "musique off". Je leur ai dit : "Laissez-moi tenter le coup de faire toute la musique". J'avais aussi une ébauche de chanson – il n'y a finalement qu'une chanson dans le film "Dis moi que tu m'aimes" qui est plus une ruse de chanson qu'une véritable chanson, parce que ce sont toujours les mêmes paroles. Voilà... Comme toujours, j'avais pas beaucoup de temps. Mais là, je me suis dit que c'était l'éclate. Quand j'ai vu les premières images, tout de suite j'ai entendu des sons qui arrivaient et je me suis dit : "Allez, vas-y, bosse un peu plus la nuit et tu y arriveras !"
Vous avez donc travaillé à partir des images ?
Oui, je ne l'aurais pas fait s'il avait fallu travailler sans les images. J'ai attendu d'avoir des images, même pas colorées. Grégoire et Serge savaient aussi ce qu'ils voulaient : ils voulaient des durées bien spécifiques. Au début, je voulais des jingles pour chaque personnage mais ça n'a pas trop marché, parce que selon les situations dans lesquelles les personnages se trouvaient, les jingles ne marchaient pas forcément. Et puis, tout doucement, j'ai des morceaux qui me sont venus, en voyant des images colorées, ou pas colorées d'ailleurs, les paysages, la lenteur de certaines scènes... Serge et Grégoire ne m'ont rien imposé musicalement, mais ils s'imposaient de fait par l'image. A chaque fois que je finissais cinq-six musiques, je leur amenais et je leur disais : "Pour cette scène là, j'ai pensé à ça. On cale tout et puis maintenant, écoutez..." Et puis ils me disaient : "Ben ouais, ok, ok... Tiens, on avait pas pensé à ça ! Mais cette musique là à laquelle tu pensais pour cette scène là, est-ce qu'on va pas plutôt la mettre pour cette scène là ?" Alors je repartais avec mes morceaux un peu en décalé et puis je continuais à travailler comme ça... En trois mois, j'ai fait un ou deux aller-retours à Angoulême (NDLR : l'un des studios d'animation de U) comme ça...
Et c'est par ce biais là qu'ils vont ont proposé de doubler un personnage ?
En fait, ils y avaient pensé avant. Quand j'ai accepté de doubler Kulka, ils voulaient un mec qui parle un peu comme moi. Ils ont changé deux-trois trucs, et puis moi aussi de mon côté, j'ai changé deux ou trois trucs dans le texte... Pas énormément, mais des petites choses dans lesquelles je ne me sentais pas très à l'aise, parce que je n'ai pas l'âme d'un comédien et encore moins d'un type qui fait de la synchro. Quoique ce n'était pas de la vrai synchro, c'était de la pré-synchro, vu qu'on enregistrait les voix avant les images.
On retrouve dans ce personnage une diction qui est propre à vos chansons...
J'ai trouvé ça marrant : ils voulaient une voix comme la mienne, mais en un peu plus détendue. Maintenant, quand j'écoute les textes, je trouve que j'ai une diction un peu trop appuyée... Il y a des trucs que je ne trouve pas très vivants. J'aime pas tout en fait dans cette voix. Je trouve qu'il y a des trucs que j'ai mal faits. Mais bon je m'en fous. Enfin, je dis je m'en fous... si eux ça leur va, c'est génial ! (Rires)
Le personnage de Kulka rappelle certains de vos traits. Il y a une certaine nonchalance...
Oui, sauf que je suis un faux-nonchalant. Je suis entièrement stressé, colérique, très très changeant. Pas très facile à vivre... Mais parfois je peux être super sympa. Alors que là, le personnage il est cool quand même !! Si c'est moi ça, alors oui, d'accord !
Est-ce que cela vous a donné l'envie de renouveler les expériences au cinéma ?
J'ai eu entre-temps un autre projet, Avida. Ce qui m'a particulièrement plu dans le principe, c'est qu'on est vraiment libre. Je ne savais absolument pas ce qu'ils allaient faire, alors qu'on était prêts à tourner. Gustave et Benoît, jamais ils ne m'ont dit ce qu'il fallait que je fasse à l'avance. Je n'avais pas de texte, rien du tout. C'est vraiment ça qui m'a plu à mort, parce que j'étais libre et parce que j'ai bien senti tout seul ce qu'il fallait faire. En fait, Je pourrais pas faire tout un film où j'arrive avec un paquet de texte comme ça, où on répète l'après-midi et où on tourne après avec des acteurs qui se la pètent. Je le ferais pas ça, je crois. A moins d'avoir vraiment besoin d'argent, un redressement fiscal, un truc comme ça... Mais je pense que je serais mauvais et qu'ils me vireraient au bout de deux semaines, parce qu'ils verraient que c'est parce que j'en ai besoin et pas parce que ça me fait marrer...
Dernière question : si vous deviez refaire la musique d'un film, lequel choisiriez vous ?
Je n'avais jamais réfléchi à ça... Ce serait la musique de L'Homme qui aimait les femmes. Mais je me rappelle plus de "comment est la musique" dans ce film. Ce serait nécessairement l'un de mes films fétiches. Ou alors L'Aventure c'est l'aventure. Un film où il y a Charles Denner quoi !
Propos recueillis par Peggy Rolland à Paris le 9 octobre 2006
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