Après l'évocation très personnelle des derniers jours de Kurt Cobain par Gus Van Sant dans Last Days, et alors que le photographe Anton Corbijn s'apprête à donner le premier tour de manivelle de Control, un film retraçant le destin du leader de Joy Division Ian Curtis, une autre icône du rock devrait faire prochainement l'objet d'un biopic : le chanteur américain Jeff Buckley. Cela fait plusieurs années que la rumeur annonçait la mise en chantier d'un film consacré à l'interprète de Grace et Last Goodbye. En 2001, Brad Pitt avait par exemple fait part de son intention d'interpréter le rôle de l'illustre musicien (Lire notre article) et, il y a un an, un scénariste avait acheté les droits de Dream brother, la biographie croisée, signée David Browne, de Jeff Buckley et de son père Tim Buckley.
Un jeune réalisateur indépendant
Jusqu'à présent, Mary Guibert, mère de Jeff Buckley, s'était opposée à ces projets cinématographiques. Mais son point de vue sur la question a changé, entre autres après la vision des biopics Ray, Walk the Line, Aviator et Neverland : "N"importe qui peut faire un film ou un livre sans notre permission ou notre participation", s'inquiète-t-elle, d'où son initiative : "Je ne voulais pas que quelqu'un d'autre puisse avoir le contrôle sur l'écriture du scénario et sur les sources d'information". Guibert a donc fait appel à la productrice de Neverland Michelle Sy et à un jeune réalisateur du circuit indépendant, Brian Jun, dont le premier long métrage, Steel City a été présenté cette année au Festival de Sundance. "Il s'est plongé avec avidité dans mes archives personnelles et interviewera les proches de Jeff au cours des prochains mois, pour nous proposer un première version du scénario à la fin de l'été". Ajoutons qu'aucun nom d'acteur n'a encore été cité pour jouer le rôle de Jeff Buckley, même si, gageons-le, les candidats ne devraient pas manquer.
Etat de "Grace"
On imagine sans peine ce qui peut séduire les producteurs de cinéma dans la vie de Jeff Buckley : son père, Tim est un artiste aussi méconnu qu'influent, qui navigua entre folk, jazz et rock, avant d'être emporté, à 28 ans, par une overdose. Le rejeton, qui fut abandonné à la naissance (en 1966) par son géniteur, et elevé par sa mère et un beau-père fan de musique, enregistre en 1994 un premier album, Grace, plébiscité par la critique et par ses pairs. Voix et gueule d'ange, influencé par Led Zeppelin, Edith Piaf ou Nusrat Fateh Ali Khan, il livre sur scène des prestations intenses qui contribuent à son succès, notamment en Europe. Mais un jour de 1997, alors qu'il prépare son très attendu deuxième album, il se baigne tout habillé dans la Wolf River, à Memphis, et meurt noyé, victime du courant occasionné par le passage d'un bateau. Depuis, l'aura du chanteur n'a cessé de grandir, et on ne compte plus les albums posthumes, ni les héritiers plus ou moins légitimes, de Rufus Wainwright à Damien Rice en passant par les leaders tourmentés de Coldplay, Muse ou Starsailor.
Julien Dokhan
