De passage à Deauville pour la promotion de Shane Black's Kiss kiss, bang bang, le producteur Joel Silver a pris quelques minutes pour revenir avec AlloCiné sur les étapes marquantes de sa carrière. L'occasion pour lui d'évoquer quelques-uns des films les plus populaires du septième art comme L'Arme fatale, Piège de cristal ou encore Matrix. Rencontre.
48 heures
C'est ma première grosse production. Je partais un peu dans l'inconnu et je dois dire que l'idée d'engager Eddie Murphy a été déterminante dans le succès du film. On peut même dire déterminante pour ma carrière de producteur. Eddie Murphy n'avait jamais joué dans un film auparavant et j'ai tout de suite pensé à lui pour ce rôle. C'était un vrai challenge ! Franchement, qui aurait pu croire que cette star comique du Saturday night live irait s'embarquer dans un buddy-movie ? Nick Nolte était disponible, on s'est lancé dans l'aventure, ça a été très vite. Vous savez, on ne savait pas vraiment dans quoi on se lançait, on ne savait pas vraiment quelles étaient les attentes du public pendant l'été, on était un peu des débutants, alors on a lancé un projet à notre sauce. 48 heures n'était pas un film conventionnel, c'était un sorte de série B avec des acteurs de premier plan. Ca a supris beaucoup de gens au début mais au final, ça a été un grand succès commercial.
La saga de "L'Arme fatale"
Avec L'Arme fatale, on tentait à nouveau le pari du buddy-movie qu'on avait lancé avec 48 heures. On avait un peu peur de la redite, mais on s'est vite aperçus qu'il se passait quelque chose de magique. L'écriture de Shane Black était vraiment unique et, surtout, la complicité du duo Mel Gibson/Danny Glover nous a sauté à la figure avec une telle évidence qu'on a su très vite que ça allait être spécial. Je me souviens très bien de la première lecture du script de L'Arme fatale. Nous étions euphoriques. Certaines choses ne s'expliquent pas. Nous étions sûrs de tenir quelque chose d'original, de nouveau. Je suis vraiment fier de ces quatre films qui ont tant marqué une génération.
Predator
C'était une idée unique. Il y avait des effets spéciaux jamais vus auparavant. Aujourd'hui, ces effets spéciaux sont symboliques, vous pouvez presque les reproduire sur votre ordinateur personnel, mais à l'époque... On cravachait six jours sur sept pour aboutir au résultat que vous voyez dans le film. C'était une idée intéressante d'allier les effets spéciaux à un film de monstre. Aujourd'hui, on compte beaucoup de films de ce genre, mais à l'époque, c'était vraiment novateur. On a un peu agi comme des pionniers.
La saga "Die hard" ("Piège de cristal" / "58 minutes pour vivre" / "Une journée en enfer")
Je pense que c'était une sorte de retour aux vieux films-catastrophes, une sorte d'hommage à ce genre de productions. Mais c'était aussi un film très proche des émissions télévisées que l'on surnomme les battle shows, où tout se passe sur un décor unique. Ces émissions duraient toute une saison, dans un seul endroit, et passionnaient le public. Nous avons un peu reproduit ce schéma en plaçant l'action dans un seul endroit, un building, et je pense que nous avons inventé un genre cinématographique à lui tout seul ! Les gens utilisaient ensuite le titre Die Hard pour tout, Die Hard par-ci, Die Hard par-là... Quand l'action se passait uniquement dans un train ou dans un bateau, on disait : "On ressent une tension, une claustrophobie qui me rappellent celles ressenties devant Die Hard !" On avait réalisé Piège de cristal, le premier film, dans le but de réinventer le film d'action, et je pense qu'on a largement réussi notre pari.
La saga "Matrix"
A l'instar de L'Arme fatale pour le buddy-movie ou de Die Hard pour le film d'action, nous avons créé Matrix dans le but de révinventer le film de science-fiction. Le film a changé beaucoup de choses. La façon dont les gens percevaient la mise en scène, le fait que les effets spéciaux pouvaient être incorporés aux films et se révéler être comme un personnage à part entière d'une oeuvre. Il y a eu un rapport très affectif entre la trilogie et le public. Matrix est pour moi le film de science-fiction le plus adulte jamais réalisé. Une oeuvre vraiment très intelligente.
"Shane Black's Kiss Kiss, bang bang"
C'était un bonheur de retrouver Shane Black, avec qui nous avons rencontré tant de succès avec la saga de L'Arme fatale. Son écriture est toujours aussi excellente, toujours aussi originale. De plus, elle évolue, elle ne se contente pas de reprendre toujours les mêmes ingrédients. La preuve avec Shane Black's Kiss kiss, bang bang, qui est un véritable hommage aux films noirs, aux histoires de détectives. C'était vraiment un plaisir d'accompagner Shane dans ce beau challenge qu'est une première réalisation. Et quand j'entends toutes les réactions positives autour du film, je ne peux que me réjouir d'avoir fait ce choix.
Propos recueillis par Clément Cuyer à Deauville, le 5 septembre 2005