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    "Manderlay" : retour sur la conférence de presse cannoise

    En mai dernier, Lars Von Trier présentait à Cannes "Manderlay", deuxième volet de sa trilogie sur l'Amérique, en salles ce mercredi. Extraits de la conférence de presse donnée sur la Croisette.

    Théâtre et cinéma

    Lars von Trier : Il est vrai que Manderlay a un aspect théâtral, mais c'est aussi du cinéma. Ce système des lignes noires sur un sol blanc en fait un film ouvert, ce qui permet au spectateur d'y mettre ce qu'il veut. L'idée, c'est aussi de rester humble lorsqu'on veut représenter la réalité.

    "Manderlay" et les autres films

    L. v. T. : Manderlay est assez proche de mes précédents films par sa noirceur et son côté sarcastique. Si j'ai fait cette trilogie, c'est aussi parce que ça m'intéressait d'essayer de faire trois films qui se ressemblent. Mais il faut être très mûr pour mener à bien ce genre de projet. Je ne pense pas l'être suffisamment, c'est pourquoi je vais sans doute faire une pause avant de me lancer dans le dernier volet.

    L'Amerique et moi

    L. v. T. : L'Amérique est un sujet qui m'intéresse, car les Etats-Unis occupent une très grande place dans ma vie, comme dans celle de chacun d'entre nous. Je considère que l'Amérique occupe environ 60% de mon esprit. Je suis de fait concerné par tout ce qui touche ce pays, et pourtant je ne peux pas voter là-bas si je veux changer les choses. C'est pour cette raison que je fais des films sur l'Amérique.

    Les deux Grace

    Bryce Dallas Howard : Je pense que la Grace de Dogville et la Grace de Manderlay sont deux personnages différents. J'avais été émerveillée par ce premier volet et par la performance de Nicole [Kidman], mais il aurait été stupide de vouloir l'imiter.

    Contre le "politiquement correct"

    L. v. T. : Le concept américain de "politiquement correct" empêche aujourd'hui tout débat. En fait, c'est une peur de parler. Etre politiquement correct, c'est être d'accord avec tout le monde. Or, sans désaccord, il n'y a pas de politique. Par exemple, en ce moment, dans les séries américaines, le personnage de Président est noir. Le politiquement correct fait qu'un personnage noir ne peut pas être méchant. Or, la réalité n'est pas celle-là : il n'y a pas de président noir aux Etats-Unis pour l'instant.

    Art et politique

    Danny Glover : Ce film nous fait réfléchir à des questions très importantes. Le développement du capitalisme aux Etats-Unis reposait aussi sur l'esclavage. L'action du film se déroule durant une période d'industralisation, il y avait à cette époque du travail obligatoire pour les Noirs dans le Sud. Ce n'est pas une invention de Lars von Trier, c'est une réalité. Mais les Etats-Unis ne sont pas le seul pays concerné par ces questions. Et je crois qu'en tant qu'individus, mais aussi en tant qu'artistes, il est important que nous parlions de ces sujets.

    L'Europe concernée

    Isaach de Bankolé : De nombreux pays européens ont eux aussi un passé colonial. J'ai tourné il y a 20 ans un film, Chocolat [le premier long métrage de Claire Denis, en 1987] qui abordait ce sujet, mais depuis, très peu de réalisateurs ont abordé ces questions. Or, cela me semble nécessaire, car c'est en parlant qu'on commence à guérir.

    Recueilli à Cannes le 16 mai 2005 par Julien Dokhan

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