Le Jet Li nouveau est arrivé. Jusqu'ici héros intouchable de films d'action et d'arts martiaux, la star du cinéma asiatique dévoile un aspect plus vulnérable dans Danny the dog. Très attaché à cette nouvelle collaboration avec Luc Besson (après Le Baiser mortel du dragon) et à cette histoire basée avant tout sur l'humanité des personnages plus que sur leurs talents au combat, Jet Li a accepté de répondre à vos questions. Rencontre...
"Danny the dog" s'éloigne de vos précédents films dans la mesure où c'est une histoire basée sur l'émotion plutôt que sur l'action. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour faire un tel film ? (Néo26 & Citizen_Kane)
Jet Li : Nous avons commencé à développer ce film il y a quelques années déjà. Luc Besson, avec qui j'avais travaillé sur Le Baiser mortel du dragon et avec qui je suis devenu ami m'a proposé une autre histoire, mais elle ne ne me plaisait pas vraiment. Je voulais faire quelque chose de spécial, comme je n'en avais jamais fait auparavant, et dont le message principal serait que la violence n'est pas la seule solution. Il s'est penché sur cette idée, et quelques jours plus tard il m'a fait lire l'histoire de Danny the dog, centrée sur un petit garçon qui est élevé comme un chien de combat par son oncle et qui va être sauvé par la musique. J'ai dit "OK, c'est un vrai défi, je vais le faire" (Rires).
Comment avez-vous travaillé au niveau de l'émotion ? On ne vous a jamais senti aussi investi dans un personnage... (tib20011 & cinefil-31)
Jusqu'ici dans les films asiatiques, j'avais incarné beaucoup de gros durs, de gentils, de maîtres en arts martiaux et de héros. Aux Etats-Unis aussi je jouais ce genre de rôles. J'avais le sentiment d'avoir prouvé ce que j'avais à prouver dans ce genre de films : j'en ai fait plus de trente donc je commence à avoir fait le tour...(Sourire) Je voulais faire quelque chose de différent et faire passer plus de sentiments et d'émotion à l'écran. C'est pourquoi j'ai commencé à changer depuis deux ans, avec des films comme Danny the dog ou Hero. Chacun de ces films a un sens profond selon moi, et j'adhère aux messages qu'ils véhiculent. Désormais, si je ne trouve plus d'histoire intéressante, je m'arrêterai de travailler jusqu'à ce que je tombe sur un scénario qui en vaille la peine. Je n'ai pas tourné depuis un an : j'attends simplement simplement de trouver un film que j'aime et dans lequel je crois vraiment.
A partir de là, pensez-vous pouvoir faire un film sans combats ni arts martiaux ? (jackie14 & Néo26 & supermalcomix)
C'est très difficile pour moi de faire un film sans action, car personne ne l'achèterait ! (Rires) Il faut être réaliste, le monde du cinéma est un vrai business... Maintenant, c'est à moi de faire en sorte de faire des films d'action différents, toujours avec des arts martiaux, mais différents. Jusqu'ici, je faisais des films d'action. Maintenant, je veux faire des drames dans lesquels s'insèrent les arts martiaux. Vous voyez la différence ? De très bonnes histoires réhaussées d'un peu d'action, afin de développer le message du film. Exactement comme Danny the dog.
Qu'avez-vous appris au contact de comédiens comme Morgan Freeman et Bob Hoskins ? (cyclope69 & Citizen_Kane)
Quand j'ai su que Morgan Freeman et Bob Hoskins étaient attachés au projet, j'ai su que ce ne serait pas un film d'action commercial car vous ne les verrez jamais dans un tel film ! (Rires) J'ai beaucoup appris à leurs côtés : ils sont très chaleureux, très professionnels. Morgan Freeman devait être proche du personnage de Danny, mais ce fut le cas sur le tournage et en dehors des plateaux. Nous n'avons travaillé que trois ou quatre semaines ensemble, mais nous sommes devenus très amis. Il est devenu comme un second père pour moi. C'est ça qui est fabuleux lorsque vous travaillez avec de tels acteurs : ils sont capables de vous faire entrer complètement dans une situation et dans leur famille. A leurs côtés je n'étais plus Jet Li, j'étais Danny.
Vous avez collaboré avec Yuen-Woo Ping sur ce film. Est-ce que vous le considérez comme le meilleur chorégraphe d'arts martiaux ? Comment le compareriez-vous à Corey Yuen ? (Bechir & kenlao)
Les deux sont les meilleurs. Ils ont tous deux signé certains des plus grands combats sur grand écran. Sur Danny the dog, nous avons fait appel à Yuen Woo Ping car je sortais d'une série de cinq films avec Corey Yuen ! (Rires) Je voulais simplement faire quelque chose de différent sur ce film. A chaque fois, nous voulons créer une nouvelle forme de combat. Mais c'est très difficile. Nous avons tous deux bras et deux jambes, donc comment faire quelque chose de nouveau ? Depuis quarante ans nous avons fait tout ce que nous pouvions ! Pour moi, le plus important est d'utiliser les arts martiaux pour faire avancer l'histoire et aider le personnage. Comme Danny the dog... Danny est un petit garçon dans sa tête mais physiquement, il est très fort et très rapide, un peu comme un chien enragé. Donc nous devions décider quels mouvements et quelle stratégie il adopterait. Il saute littéralement sur les gens : même si cinq personnes l'attaquent, il vous saute dessus d'abord. Il reste focalisé sur vous même si on l'attaque par derrière, il s'occupe de vous puis passe aux suivants. Il se bat vraiment comme un chien. Et durant le film, il devient plus humain. Il découvre l'amour et la compassion et il essaye de luttre contre ses pulsions.
Que pensez-vous de l'internationalisation des films d'arts martiaux, et du fait que les studios hollywoodiens font désormais leurs propres films de combat comme "Kill Bill" ou "Matrix" ? (lock, pmalala & vintage)
Je trouve ça génial. Avant, seuls les Asiatiques pouvaient faire des films d'arts martiaux et les studios hollywoodiens essayaient toujours de recruter les acteurs, les réalisateurs ou les chorégraphes asiatiques. Ils peuvent maintenant tout faire eux-mêmes. Ce qui est bien. Nous espérons que la prochaine génération d'acteurs et de réalisateurs chinois saura faire des films d'action différents. Cela a d'ailleurs déjà commencé avec des gens comme Ang Lee ou Zhang Yimou qui sont de vrais auteurs mais qui s'essayent aux films d'arts martiaux (Tigre et dragon et Hero, NDLR). Tout le monde peut donc faire de tels films. Dans ce cadre là, mon défi majeur est de me dépasser. Je suis mon plus grand ennemi, et je dois travailler pour faire des films novateurs et proposer aux gens d'autres Jet Li. J'espère que beaucoup de gens vont faire des films d'action : car à ce moment là, je pourrais vraiment prendre ma retraite. (Sourire)
Propos recueillis par Yoann Sardet le 11 janvier 2005 - Montage : Yoann Kornetzky
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