Dans Narco, qui sort ce mercredi dans les salles, Guillaume Canet incarne un narcoleptique. Il s'endort n'importe où, n'importe quand, et ça lui gâche la vie. Sauf qu'il n'est pas un narcoleptique comme les autres : ses rêves sont plus forts que son sommeil ! Avec un peu d'appréhension, AlloCiné s'est donc rendu dans un hôtel parisien pour rencontrer l'acteur. N'allait-il pas s'assoupir sous nos yeux ? Très vite, notre angoisse allait cependant se dissiper : Canet ne dormirait pas durant l'entretien. Mieux, il serait particulièrement éveillé et affable !
AlloCiné : "Les Morsures de l'aube", "Vidocq", "Jeux d'enfants" et aujourd'hui "Narco". Tu sembles apprécier le fait de jouer dans des premiers films...
Guillaume Canet : C'est un peu un hasard, mais j'aime beaucoup ça. Il y a une énergie, un truc très spécial dans ces cas-là. On donne beaucoup lorsqu'on fait un premier film, il y a une innocence et une inconscience qui font que l'on se jette à corps perdu dans l'aventure. Il y a moins d'inquiétudes, de doutes, de prise de tête. Un réalisateur qui fait son deuxième ou son troisième film a conscience du temps qu'il a passé à faire le premier, donc il ne se lance pas de la même manière. Bien sûr, il y a des seconds films qui sont superbes, mais au niveau de la collaboration, au niveau du travail, je trouve que faire un film avec des novices a une saveur très particulière.
Lorsque le film est ambitieux et original comme "Narco", on imagine que cela doit être un plus...
Narco m'a immédiatement plu pour différentes raisons. Tout d'abord, le personnage est très loin de moi, il me permettait de faire à la fois une transformation physique et, au niveau du jeu, de faire quelque chose de très différent. Ensuite, j'ai adoré incarner ce personnage qui s'évade dans les rêves, qui se transforme en d'autres en fonction de ses rêves. Môme, j'avais trippé sur Le Magnifique, avec Belmondo, je trouvais génial de jouer plusieurs personnages, donc c'était génial de faire la même chose. Enfin, le film me permettait de travailler avec deux potes, les réalisateurs Tristan Aurouet et Gilles Lellouche, qui ont énormément de talent. Leur cinéma, visuel, léché, travaillé, me plaît. Ils sont très branchés cinéma américain, celui des frères Coen, de Spike Jonze, de Michel Gondry, de Paul Thomas Anderson... Il s'inspirent de ce cinéma-là avec un ton très comique et très décalé. J'adore ça.
Dans le film, leur traitement du rêve est particulièrement original...
Le film parle du rêve en général. Les rêves que vit Gus à chaque fois qu'il s'endort, mais également les rêves américains des autres personnages : Benoît qui veut être le plus grand karatéka du monde, Zabou qui veut être propriétaire d'une grande onglerie pour doigts de pieds... C'est un délire total sur le rêve en général, mais le film a un vrai message : on aspire tous à quelque chose, on essaie tous de nous faire croire qu'on est des stars en puissance, qu'on va tous devenir quelqu'un de connu, alors que globalement, la chose la plus importante dans la vie, même si c'est bien d'avoir des rêves et des fantasmes, c'est de savoir vivre dans sa réalité, de vivre avec ceux qu'on aime. Je trouve que c'est ce qu'il y a de plus réussi dans le film : traiter un sujet aussi fort de manière aussi délirante, aussi drôle. C'est loin d'être facile.
On peut apprendre à chanter, à danser pour un film. On peut se préparer physiquement pour un rôle. Mais comment apprend-on à dormir ?
La seule préparation que j'ai faite, c'est de rencontrer des narcoleptiques. Les côtoyer au quotidien était très enrichissant. Ils m'ont beaucoup aidé à comprendre les symptômes, à comprendre pourquoi et comment ils s'endormaient. J'ai discuté avec eux, j'ai regardé des cassettes, j'ai passé du temps en leur compagnie. Même si cela restait sur un ton de comédie, je voulais qu'il y ait un vrai respect par rapport à cette pathologie qui n'est pas marrante à vivre.
Juste un mot sur ton look dans le film. On s'endormirait presque rien qu'en te regardant !
Ce sont Tristan et Gilles qui ont voulu que j'adopte ce style. J'ai pris dix kilos pour le rôle. Il fallait travailler sur la mollesse du personnage, son côté lymphatique, se dire que c'est quelqu'un qui n'a pas le temps de s'occuper de lui, car il s'endort tout le temps. Il est totalement amorphe, il se laisse un peu aller, n'a pas vraiment le temps d'être apprêté, alors sa barbe et ses cheveux poussent... (il baille) Vous voyez, je commence à devenir narcoleptique en vrai ! (rires)
Propos recueillis par Clément Cuyer