A Hollywood, Roland Emmerich est un peu au cinéma catastrophe ce que Michael Bay est au cinéma d'action, depuis son intronisation comme chef de file du cinéma cataclysmique après Independence Day et Godzilla. Le réalisateur allemand enfonce le clou ce 26 mai avec Le Jour d'après, qui voit la planète confrontée à un terrible dérèglement climatique. Un nouveau film-catastrophe qui marque néanmoins un changement de traitement notable chez le cinéaste, plus subversif qu'à l'habitude. Rencontre avec un Roland Emmerich qui n'a pas sa langue dans sa poche.
Comment est né le projet "Le Jour d'après" ? Pourquoi évoquer un dérèglement climatique ?
Roland Emmerich : L'idée m'est venue il y a plusieurs années de cela, en lisant The Coming of the Global Superstorm, un ouvrage sur le dérèglement climatique et les dangers de l'effet de serre pour l'environnement. Ca m'a tout de suite captivé. Cela offrait d'énormes possibilités cinématographiques, même si le livre n'était pas du tout une fiction. Ce livre portait en lui le message de mon film, un message effrayant quand vous y pensez : le fait qu'un jour ou l'autre, le climat peut changer de manière dramatique par notre faute et que cela va affecter la vie de chacun. Donc, c'est à nous de faire en sorte que le climat actuel perdure pour ne pas subir les conséquences d'un dérèglement climatique. Le film, qui est en premier lieu un divertissement à grand spectacle, est donc aussi un message visant à sensibiliser les gens sur le danger qui nous guette si nous ne prenons pas soin de notre planète. C'est vital, c'est urgentissime. Aux Etats-Unis, je pense que la population, ou en tout cas le gouvernement, pense que la menace globale au niveau de l'environnement n'existe pas. Ils ont tellement tort, tout cela est prouvé scientifiquement ! C'est grave...
On sent assez clairement dans le film une critique du gouvernement Bush sur sa manière de traiter le problème écologique...
C'est évident ! L'administration Bush se moque du problème de l'environnement. Il était très clair pour moi, depuis le début, qu'en racontant cette histoire, je devais être très subversif et politiser mon discours. Le studio allait-il accepter mon point de vue ? Je m'en fichais un peu. Nous avons acquis les droits du livre, nous avons beaucoup travaillé sur le scénario, nous avons mis beaucoup de nous-même dans le projet afin qu'il puisse exister, donc pour nous c'était un peu la politique du "Prenez-le ou laissez-le !". Chose qui m'a un peu étonné : la Fox a accepté sans rechigner ce projet, a été un partenaire de premier choix. Cela dit, je suis tout de même impatient de voir comment vont réagir les Américains à la sortie du film... (rires) D'autant que, contrairement à la majeure partie des films-catastrophes, celui-ci délivre beaucoup d'action dans sa première demi-heure pour se poursuivre ensuite sur un ryhtme beauccoup plus lent...
Si on devait vous définir, on vous surnommerait "Monsieur-catastrophe" ! Vous vous êtes spécialisé dans un genre de film bien particulier. Etes-vous friand de la politique du "toujours plus fort" ?
C'est comme ça qu'on me voit en Europe ? (rires) En fait, je n'ai pas toujours fait des films-catastrophes et je ne suis pas un fan absolu de la surenchère. Je n'ai véritablement commencé à réaliser ce genre de longs métrages qu'avec Independence Day puis Godzilla. J'y ai pris beaucoup de plaisir. Mais depuis un moment, je n'avais plus envie de recommencer à détruire le monde, plus envie de refaire un film de ce type. Il a fallu que je lise ce fameux livre pour m'y remettre, car cette histoire me donnait l'occasion de "dire" quelque chose. Quand on fait un film pour une sortie estivale, il doit y avoir des personnages animés, beaucoup d'action ou je ne sais quoi encore, en tout cas il faut que le spectateur s'évade. Avec Le Jour d'après, j'avais l'occasion de faire un film extrêmement spectaculaire au niveau visuel mais qui ait aussi un fond, c'est ce qui m'a intéressé. Donc, on ne peut pas vraiment dire que j'ai fait un "nouveau" film-catastrophe, même si c'en est un quand même... (sourire)
Vous refusez donc d'être catalogué dans un genre ?
Je m'en fiche, en fait ! (rires) Très sincèrement, sans langue de bois, la seule chose qui m'attire, c'est l'histoire. Et je ne ferai un film QUE si l'histoire me plaît ! Si ça ne m'intéresse pas, je ne le fais pas. Je me fiche de toutes les offres que je reçois sur mon bureau, où l'on me propose des films qui "collent" à mon style. Je n'ai pas envie d'être catalogué, oui c'est vrai, d'être manipulé, dirigé par autrui. Je veux faire ce qui me plais et ce qui me plais, c'est de tenter plein de choses différentes, et pas seulement des films-catastrophes ! La Fox me relance par exemple contamment pour faire un Independence 2. Je ne sais pas quoi leur dire, moi ! (rires) C'est la même chose, encore et encore !
"Le Jour d'après" est donc différent des films-catastrophes habituels. Que diriez-vous aux spectateurs français pour les convaincre d'aller le voir en salles ?
Et bien, c'est très simple ! (rires) Si vous voulez voir un film différent cet été, différent de tous les autres qui vont passer dans les salles, allez-voir mon film ! (rires) Car les autres gros films de cet été, c'est un peu comme si vous les aviez déjà vus ! Spider-Man 2..., on l'a déjà vu voler dans le premier volet ! Troie ressemble beaucoup à Gladiator, non ? Van Helsing est un peu la copie de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires ! Vous avez déjà vus tous ces films ! Ce que j'ai envie de dire aux gens, c'est que quand ils vont aller voir Le Jour d'après, ils vont se dire "Je n'ai jamais vu un film comme celui-là auparavant!".
Propos recueillis par Clément Cuyer
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