Pour la huitième année, Saint-Jean-de-Luz accueille, du 14 au 18 octobre, le Festival International des Jeunes Réalisateurs. Dédiée aux premiers et seconds long métrages, la manifestation a notamment consacré par le passé les premières oeuvres de Jean-Pierre Améris (Les Aveux de l'innocent, 1996), Denis Villeneuve (Un 32 août sur Terre, 1998) ou Patrick Chesnais (Charmant Garçon, 2000). Présidé cette année par Gérard Krawczyk, le jury composé de de Evelyne Bouix, Marilyne Canto, Marie-Claude Pietragalla, Daniel Prévost, Pascal Elbé et Pierre-Olivier Mornas devra départager neuf films en compatition, et désignera ce samedi soir le lauréat de la Chistera d'Or avant la présentation de Après vous... en clôture.
Début de la compétition et hommage à Jean Becker
Le Festival a débuté par la présentation en avant-première de Mauvais esprit, comédie emmenée par le trio Thierry Lhermitte / Ophélie Winter / Michel Muller en salles le 5 novembre, avant de proposer en compétition des films au sujets plus graves. Parfum de violettes de la Mexicaine Marisa Sistach dresse ainsi le portrait d'une adolescente révoltée des faubourgs de Mexico, tandis que Quand tout sera en ordre de l'Espagnol Carlos Martinez Herrada décrit avec nuances et sensibilité la relation entre un père ouvrier à la retraite et un fils qui a détruit sa vie à cause de la drogue...
Ces deux oeuvres maîtrisées ont d'emblée placé la compétition sous le signe de l'émotion, impression confirmée le soir même par l'hommage rendu au cinéaste Jean Becker en présence de quelques uns de ses amis et collaborateurs : Suzanne Flon, José Giovanni, Pierre Bachelet et Benoît Magimel.
L'émotion de "La Petite prairie aux bouleaux"
Si les films devaient être jugés au nombre de larmes qu'ils font couler, la palme reviendrait sans doute à La Petite prairie aux bouleaux de Marceline Loridan-Ivens. La présence de cette petite dame de 76 ans à la chevelure flamboyante pouvait paraître étrange dans un festival centré sur les jeunes réalisateurs. Forte d'une expérience de trente années de vie et de travail avec le mythique cinéaste hollandais Joris Ivens, l'inventeur du "cinéma direct", la cinéaste a en effet réalisé avec lui quelques uns des plus documentaires de l'histoire du septième art (Le 17e Parallele ou Une histoire de vent). Mais La Petite prairie aux bouleaux marque sa première incursion dans le long métrage de fiction.
Cette incursion, Marceline Loridan-Ivens l'a décidée pour s'attaquer à un sujet personnel et douloureux : la déportation au camp de concentration de Birkenau et les traces que ce drame a laissé dans sa vie. Le film met en scène Anouk Aimée dans le rôle d'une femme qui revient sur le lieu où, adolescente, elle connut l'enfer de la barbarie nazie. Premier film de fiction tourné dans la véritable enceinte de Birkenau (une permission exceptionnelle pour laquelle la réalisatrice s'était déclarée prête à recourir à la grève de la faim), La Petite prairie aux bouleaux s'interroge sur la difficulté du souvenir d'une telle épreuve. La célèbre réplique de Hiroshima mon amour, qui disait l'impossibilité de comprendre l'horreur sans l'avoir vécue, nous revient ici en tête, transformée : "Tu n'as rien vu à Birkenau..." "Si", serait-on pourtant tenté de répondre, tant l'émotion transmise par le film est vive.
Yannis Polinacci et Frédéric Leconte
Le site officiel du Festival de Saint-Jean-de-Luz