Good bye Lenin !, c'est un peu l'équivalent du Fabuleux destin d'Amélie Poulain outre-Rhin. Non seulement ce film a dépassé les 6 millions d'entrées dans son pays et reçu pléthore de prix depuis sa sortie en février dernier, mais il est également devenu un véritable phénomène de société, accompagné d'un succès marketing sans précédent. Après s'être imposé en Autriche, Suisse, Italie et Grande-Bretagne, Good bye Lenin ! s'apprête ce mercredi 10 septembre à conquérir la France. Entretien avec son réalisateur Wolfgang Becker...
AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario de Bernd Lichtenberg au point de vouloir réaliser le film ?
Wolfgang Becker : Au départ, il n'y avait pas de scénario mais un script de cinq pages, avec une idée principale : une mère tombe dans le coma, le mur de Berlin disparaît, huit mois plus tard l'Allemagne est réunifiée, et pour sauver sa mère, un fils reconstitue un monde que d'autres au même moment s'acharnent à détruire, la RDA. Le film n'était pas un prétexte à gags et sketches faciles parce que le fond du sujet était grave. Et si nous rions des personnages, c'est parce que nous nous reconnaissons en eux, mais pas jusqu'au point de vouloir les remplacer. C'est la différence entre un téléfilm comique et une comédie à la Billy Wilder par exemple. C'est ce qui m'a plu. Nous avons alors commencé à écrire le scénario, ce qui nous a pris plus d'un an. Bernd Lichtenberg est très doué pour les dialogues, ce qui n'est pas mon cas, mais je suis plus habile au niveau de la construction.
Croyez-vous qu'un tel film aurait eu autant de succès en Allemagne quelques années plus tôt ?
Est-ce qu'il fallait attendre quatorze ans après la chute du mur de Berlin pour réaliser un tel film ? Nous avons commencé à travailler sur ce projet en 1999, mais le scénariste en a eu l'idée dès 1992 avant de la laisser de côté. Je pense qu'il y a encore quatre ans, ce film n'aurait pas marché : il serait arrivé trop tôt, trop directement en prise avec les événements. L'enthousiame qui a suivi la chute du du mur et la réunification a laissé très vite place à un fort pessimisme : les médias regorgeaient de mauvaises nouvelles. La réunification coûtait toujours plus d'argent, les Allemands de l'Est passaient pour des envahisseurs cupides et ceux de l'Ouest pour des capitalistes arrogants. Les mentalités étaient repliées sur des stéréotypes.
Votre film est souvent qualifié par les médias allemands de "Ostalgie-Komödie" ("comédie nostalgique de l'Est"). Cela vous énerve t-il ?
J'ai l'impression que les gens qui disent ça n'ont pas vraiment vu le film. Je ne suis pas en colère mais je trouve ça vraiment idiot. Good bye Lenin ! n'est pas une comédie "ostalgique". Comment des personnages qui ont vécu en RDA pourraient-ils avoir de la nostalgie pour ce régime, une dictature avec Stasie et répression ? En revanche, ils ont aussi des souvenirs positifs de ce pays. Un premier baiser, tomber amoureux, ce sont des événements personnels qui arrivent même sous une dictature ! C'est totalement différent de l'"ostalgie" qui est une véritable mode en ce moment en Allemagne, une sorte de vague rétro qui ne m'intéresse pas du tout. Il y a cinq émissions là-dessus comme le Ostshow par exemple ! Le problème, c'est que les gens me disent : "Tu es le père de cette mode, c'est ton film qui l'a lancé" Et ça me désole. Enfin, je me dis que dans un an, on n'en parlera plus et que Good bye Lenin ! sera toujours là. La RDA continue d'exister comme un mort-vivant depuis quatorze ans et ne laisse personne en paix. Il va falloir que les gens fassent le deuil de ce pays dans leur tête.
Les distributeurs français achètent peu de films allemands pour les exploiter dans l'Hexagone. Qu'en pensez-vous ?
Mon distributeur français me dit que les films allemands qu'il visionne n'ont aucune chance de marcher en France donc il n'en achète pas. Je crois que les films allemands qui sont connus ici, ces films de Rainer Werner Fassbinder, de Werner Herzog des années soixante-dix, n'auraient également aucune chance en France s'ils sortaient maintenant. La société a changé et ne correspond plus à ce mouvement très particulier de l'histoire du cinéma allemand. Mais les Français en sont restés là. J'ai eu l'occasion de parler avec quelques critiques et j'ai été effrayé de m'apercevoir que leur culture s'arrêtait à Rainer Werner Fassbinder. Ils ignoraient tout des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix et des jeunes réalisateurs allemands. Ce problème de l'exportation des films allemands ne se pose d'ailleurs pas qu'en France, mais dans le monde entier. Pour ma part, j'ai été très heureux du succès rencontré par Good bye Lenin ! en Suisse, en Autriche et en Italie, mais l'enjeu était plus grand pour moi en Angleterre et en France. Le public anglo-saxon a suivi. Si cela se produit également en France, ce sera pour moi une très grande satisfaction personnelle.
Propos recueillis et traduits par Amélie Charnay
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