S'il diffère naturellement par sa forme des oeuvres fictionnelles, le champ émotionnel ouvert par le documentaire peut être d'une puissance absolument dévastatrice. Parce qu'il aborde des sujets touchant parfois à l'intime, des questions qui nous heurtent profondément et nous interrogent, sur notre rapport au monde, aux autres et au vivant. Et, parfois, fiction et réel se mélangent avec bonheur pour livrer des oeuvres mémorables. C'est le cas du Dossier Adams, réalisé par Errol Morris.
Diplômé en Histoire des universités de Princeton, de Berkeley et du Wisconsin (une formation déterminante quant aux méthodes de recherches et d'investigations qu'il va employer tout au long de sa carrière), Errol Morris achève en 1988, après deux documentaires, son 3e film, Le Dossier Adams.
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En 1985, Morris s’intéresse au fameux Dr. James Grigson, surnommé "Dr Death". Ce dernier fut psychiatre légiste du Texas et témoigna dans 167 procès capitaux dont presque tous ont abouti à des condamnations à mort.
Au Texas, la peine de mort ne peut être prononcée que si l'expertise psychiatrique assure que l’accusé est susceptible de commettre des crimes plus violents à l'avenir, s’il n'est pas mis à mort. Grigson ne doute pas que c'est le cas de Randall Dale Adams, 36 ans, accusé d'avoir tué un policier en 1977. Le cinéaste, convaincu de l'innocence d'Adams et par ailleurs enquêteur pour une agence de détectives privés, commence le tournage de son film...
Une oeuvre à la portée historique
Mélange d'interviews (dont une avec le vrai coupable, qui blanchit l'accusé et avoue pratiquement son crime) et de reconstitutions, baigné d'une superbe BO hypnotique signée Philip Glass, Le Dossier Adams est une oeuvre à la portée historique : c'est la première fois dans toute l'Histoire de l'industrie cinématographique américaine qu'un documentaire réussit à faire disculper un condamné à mort. C'est dire l'importance de l'oeuvre.
Ironiquement, l'Académie des Oscars refusa que Le Dossier Adams concourt dans la catégorie du Meilleur documentaire en 1989, au motif que les scènes de reconstitutions, donc scriptées, faisaient du film une oeuvre fictionnelle.
Quinze ans plus tard, le documentaire oscarisé Un coupable idéal, signé par Jean-Xavier de Lestrade, parviendra au même exploit en permettant de disculper un adolescent noir âgé d'une quinzaine d'années, accusé du meurtre d'une touriste blanche en mai 2000 à Jacksonville, en Floride.
Pour notre malheur, Le Dossier Adams n'a hélas jamais eu les honneurs d'une édition en DVD chez nous; encore moins en Blu-ray. Faisons donc le souhait qu'un éditeur se penche prochainement sur la question.