De quoi ça parle ?
Ana et Yves se sont aimés passionnément puis se sont séparés. Des années plus tard, leur fille, Cécile, réalise un documentaire sur leur rencontre. Ils se revoient à cette occasion. Toujours marqués par leur amour passé, ils vont alors chercher un chemin pour revenir l’un vers l’autre…
A l'affiche ce mercredi 8 janvier 2025, La Fille d'un grand amour d'Agnès de Sacy, histoire d'une grande sensibilité, vous conduira très probablement à vous demander si elle s'inspire de faits réels.
La réponse est oui, même si l'intrigue a bien entendu été romancée et enrichie d'éléments fictifs et romanesques. "Il y a des choses romancées, réinventées", nous indique Agnès de Sacy.
Quand un projet de documentaire provoque des retrouvailles inattendues
Le cheminement de la scénariste et réalisatrice vers ce film est assez singulier : comme on peut le voir dans le long métrage, le point de départ de ce récit est un court métrage documentaire réalisé par Agnès de Sacy à la sortie de l'école de cinéma La Fémis (ex IDHEC).
"Arte a proposé aux jeunes diplômés issus d’écoles de cinéma européennes de réaliser des courts métrages documentaires sur un thème imposé : « Filmer vos parents ». J’ai demandé à mon père et ma mère, divorcés depuis plus de quinze ans, de me raconter leur rencontre - un coup de foudre devenu une légende familiale.
Je voulais reconstituer cette scène par le biais de la parole, du montage de ces deux paroles qui se complètent ou se contredisent, et questionner le coup de foudre.
Au montage, il est apparu que le film avait également une autre thématique : celle du temps. Les souvenirs de mes parents ne concordaient pas. Une seule chose coïncidait : la naissance du sentiment. Puis, mes parents ont vu le film séparément, chacun a été très troublé par la parole de l’autre et ils ont décidé de se revoir.
Trois ans plus tard, ils se sont remariés - en me disant : « C’est grâce à ton film ! » Mais il est exact que le film avait fait l’effet d’un catalyseur en révélant ce qui était resté intact sous l’épaisseur du temps et qu’ils ne se seraient peut-être jamais avoués sans ce projet."
Le choix d'Isabelle Carré pour tenir le rôle de la mère repose aussi sur une jolie coïncidence : "[C'est un] documentaire que j'ai vu quand j'avais 20 ans et que nous tournions ensemble, Beau Fixe de Christian Vincent. Agnès était assistante à la réalisation et j'étais jeune comédienne. Qui aurait pu penser que 33 ans après, je jouerais le personnage de sa mère ?"
Je n'aurais pas eu l'audace, la folie de l'inventer.
Isabelle Carré ajoute : "Je m'en souviens, mais comme si c'était hier. Je me souviens très bien de ce moment-là parce que je trouvais ça extrêmement émouvant, cette idée de filmer ses parents. Ça me parlait puisque j'étais encore un pied dans l'enfance.
Et puis, je redécouvrais Agnès puisqu'on travaillait ensemble tous les jours et qu'elle livrait quelque chose d'intime et de personnel. Je me souviens des images, je me souviens très bien de ce moment-là et du partage avec toute l'équipe et de cette projection."
La Fille d'un grand amour a ceci d'intrigant que l'on se dit que cette histoire de remariage parait presque irréelle. "Je pense que je n'aurais pas eu l'audace, la folie de l'inventer. C'est un classique, la comédie de remariage. C'est toujours très beau. J'aime beaucoup parce que c'est autre chose que la comédie romantique : ce sont des gens qui se sont déjà aimés, qui se sont perdus. Et donc, il y a tout le passé qui remonte."
L'imbrication entre le réel et la fiction passe également par le choix des décors. La maison que l'on voit dans le film est celle où les parents d'Agnès de Sacy ont réellement vécu. "Le film se passe dans les années 90, et moi, j'étais un peu Alice qui traversait le miroir", nous indique Agnès de Sacy.
"J'ai remarché dans mon passé grâce à eux, grâce à Isabelle et François, et Claire, tous les acteurs et l'équipe. Lorsque je suis entrée pour la première fois dans le décor de l'appartement d'Yves [François Damiens], qui a été complètement reconstitué à partir de souvenirs et que la chef décoratrice Charlotte de Cadeville a réinventé, j'ai eu vraiment l'impression de remarcher dans mon passé. C'était extraordinaire."
Autre question que vous vous poserez peut être à la vision du film : peut-on voir le court métrage documentaire qui est la matrice du film ? "C'est une question qui, effectivement, m'est posée par le public. J'ai fait remonter la question à la production. Parce que c'est Arte qui en a les droits, mais c'était il y a 30 ans. Je pense que cela pourrait être un bonus du DVD à paraître."
Propos recueillis à Paris le 18 décembre 2024