Dans son domaine, Laurent Bouzereau est une référence absolue. C'est à ce français installé depuis des années aux Etats-Unis, que l'on doit quelques uns des plus fantastiques making-of de films. En 1995, il avait ainsi signé un fabuleux making of sur les Dents de la mer de Steven Spielberg, aussi long que le film ! Et qui fut même disponible dans une version extra longue à l'époque du laserdisc.
Tout récemment, puisqu'il a atterri sur Disney + début novembre, il est l'auteur de Music By John Williams, qui revient sur la carrière de cet immense compositeur, dont le nom restera à jamais associé à ceux de Spielberg et George Lucas. Le mythique thème de Jaws figure évidemment en bonne place.
"J'ai cru qu'il plaisantait !"
Steven Spielberg avait tellement adoré la BO signée par John Williams sur le film les Reivers qu'il rêvait de le rencontrer, et, pourquoi pas ? Lui demander de signer la partition d'un film à venir. C'est à la faveur d'un déjeuner - surprise organisé en 1972 par Universal que Spielberg rencontra celui qui deviendra pour les décennies à venir son compositeur fétiche, indissociable de sa fabuleuse carrière.
Après avoir livré la BO de Sugarland Express en 1974, Williams rempila pour Les Dents de la mer. Le résultat ? Un chef-d'oeuvre de simplicité et surtout de redoutable efficacité avec un second Oscar à la clé, quatre ans à peine après celui reçu pour Un violon sur le toit.
Un ostinato, deux notes, mi et fa, jouées dans le grave. Un motif joué de plus en plus fort, oppressant, à mesure que l'on sent que le gigantesque squale rôde dans les parages et s'approche de sa proie. Lorsque Williams joua ce thème à Spielberg, celui-ci éclata de rire. Il ne pouvait quand même pas s'agir du thème principal du film, si ? Lui qui envisageait une mélodie plus épique et nettement moins dépouillée...
"J'ai cru qu'il plaisantait !" lâche Spielberg dans le documentaire, en s'adressant à Williams, évoquant avec lui sa première réaction. "Je me suis dit "Mon Dieu, on n'aura pas d'orchestre, il y aura un piano et Johnny jouera quelques notes graves". Tu m'as dit de bien écouter. Et j'ai fini par comprendre que ton idée était géniale".
Le cinéaste ajoute, un peu plus loin : "Mon requin ne fonctionnait pas. Et je ne me doutais pas que John allait me donner un requin qui marchait grâce à la musique. Son requin musical était bien plus efficace que mon requin mécanique".
C'est peu dire que l'immense succès du film, qui a changé à jamais le visage du box office, le faisant entrer dans l'ère des blockbusters, est aussi intimement lié à ce légendaire thème principal.