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    Signalements sur France 2 : "La réalité a été bien pire que ce qu'on voit dans le film" révèle Cécile Bois
    Jennifer Radier
    Jennifer Radier
    -Journaliste séries
    Adepte de la zapette depuis toute petite, elle a vécu mille et une vies devant sa télévision et décortique avec passion tout ce qui passe sur le petit écran.

    Ce mercredi 20 novembre, France 2 diffuse "Signalements", un film poignant tiré d’une terrible histoire vraie. Cécile Bois y campe Laurence, une femme qui lutte pour sauver sa nièce de la maltraitance de ses parents. Rencontre.

    Manuelle TOUSSAINT

    A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, France 2 diffuse ce mercredi 20 novembre Signalements, un film réalisé par Eric Métayer (Les Chatouilles).

    Adapté du livre de Karine et Laurence Brunet-Jambu, ce film raconte le combat acharné d’une tante prête à tout pour sauver sa nièce de la maltraitance de ses parents. Mais pour y arriver, Laurence va devoir affronter indifférence, hostilité, incompétence ou lâcheté de certains fonctionnaires de l’ASE et de la Justice. Ainsi, malgré les signalements répétés, ces derniers maintiennent, contre toute logique, la fillette chez ses parents.

    Dans ce film, Cécile Bois (Candice Renoir) campe le rôle de Laurence, cette tante courage qui lutte pour sauver sa nièce. Un rôle qui lui a d’ailleurs valu le Prix de la meilleure actrice lors du 26e Festival de La Rochelle. Rencontre.

    Allociné : Qu'est-ce qui vous a convaincue dans ce projet ?

    Cécile Bois : Par le passé, j'avais déjà fait deux combats de femme assez puissants dont "Tu vivras ma fille" qui était aussi tiré d’une histoire vraie hallucinante. Là, ce n'était pas tant le sujet seul que la combinaison du sujet et du réalisateur. J'avais envie d'avoir la vision d'Eric Metayer pour qui la maltraitance des enfants, comme des femmes d'ailleurs, était familière. Je savais qu'il allait avoir un point de vue très personnel dessus et je voulais l'accompagner sur ce projet-là.

    Comment se prépare-t-on pour un tel rôle ?

    La plus grosse difficulté, c'est d'être fidèle à la personne qui existe. C'est difficile de se dire qu'on a des comptes à rendre à cette personne. Je devais être fidèle et honorer le combat de Laurence, et ne pas en faire ce que moi je voulais. Je n'ai pas lu son livre volontairement parce que je voulais être libre dans cette contrainte. J'ai en revanche posé beaucoup de questions à Eric Metayer et Hubert Besson qui l'avait rencontrée, mais aussi à Bruno Solo, dont le sujet était familier puisqu'il est le parrain de l'aide à l'enfance. J'ai finalement demandé une seule fois l'avis de Laurence pour la scène où elle apprend au téléphone qu'on lui enlevait une nouvelle fois Karine. Je voulais être le plus fidèle possible à qui elle était et à la façon dont elle l'a vécu et ressenti.

    Laurence et Karine ont-elles été impliquées dans la création du film ?

    Elles ont lu toutes les moutures du scénario. Laurence a suivi toutes les étapes. Je pense qu'Eric Metayer a été assez libre d'exprimer son point de vue. Quand elles ont lu le scénario, elles ont trouvé que c'était très édulcoré. Il faut savoir que la réalité a été bien pire que ce qu'on voit dans le film. On leur a donc expliqué qu'il fallait que ce soit supportable pour les téléspectateurs. L'extrême souffrance et l'extrême douleur sont difficilement supportables. Donc une fois qu'elles ont accepté ce cahier des charges, la porte s'est largement ouverte. Quand elles ont vu le film, Laurence et Karine ont été vraiment bouleversées.

    Comment s'est déroulée votre collaboration avec Flavie Dachy, la comédienne qui incarne Karine ?

    On n'a pas beaucoup échangé. Je ne le souhaitais pas car je ne voulais pas m'habituer à son regard. Flavie a un regard intense et bouleversant. Elle n'a pas besoin de parler pour transmettre de l'émotion. Quand je l'ai vue, elle avait ce minois très expressif. Je ne voulais pas m'habituer à ce qui me touchait. Entre les prises, elle allait jouer avec les gens de l'équipe. Je lui ai laissé cet espace-là pour être surprise par son jeu et son visage expressif. Évidemment, c'est une enfant qui va bien (rires). C'est une enfant qui est équilibrée, particulièrement intelligente et vive.

    Avez-vous adopté une approche particulière avec elle pour les scènes difficiles ? Comment travaille-t-on avec une enfant autour de ces sujets-là ?

    Ça, c'est plus le travail du réalisateur que le mien. Éric a beaucoup travaillé avec Flavie en amont. Ils ont beaucoup échangé. C'était vraiment une frontière difficile. C'est à dire qu'il l'a laissée être une enfant de son âge dans une vie normale tout en lui expliquant que ce qu'elle allait devoir jouer était des émotions qui n'étaient pas à elle mais celles d'une enfant qui a subi des choses inacceptables. Il a parfaitement réussi avec pudeur tout en la laissant vivre. Il ne l'a pas cadrée comme on peut cadrer un autre enfant sur un autre sujet et elle a fait ses séquences avec un naturel tout à fait déconcertant.

    Parmi les nombreux moments forts du film, la scène finale au tribunal est particulièrement poignante. Comment s'est déroulé le tournage de cette scène ?

    C'est une réalité. C'est quasiment mot pour mot ce qui a été dit à Laurence et l'assemblée l'a vraiment applaudie. On ne m'avait pas prévenue au moment de tourner cette séquence. J'ai été très surprise de voir ces gens applaudir pendant le tournage. Ça m'a un peu déstabilisée mais je suis restée dans le personnage.

    Les lettres que l'on voit dans le film, ce sont les vraies lettres. Ce que Laurence a dû signer au commissariat, on a l'a reproduit à l'identique. La petite lettre toute froissée que Karine donne à Laurence dans laquelle elle écrit "Je veux rester chez toi. C'est chez toi que j'aime être", c'est une lettre qu'avait écrite Karine. On a édulcoré leur histoire pour éviter la violence mais on s'est appuyés que sur des vérités.

    Est-ce qu'il y a une scène que vous avez trouvé particulièrement difficile à jouer ?

    Celle au bord du lac lorsque Laurence apprend qu'on lui enlève une nouvelle fois Karine et qu'elle va être placée en foyer. A ce moment-là, elle arrive vraiment au bout de ce qu'elle a pu faire. Elle a vraiment cru qu'elle allait pouvoir la garder et on lui enlève encore une fois sans autre forme de procès. Comment ne pas renoncer après ça ? Je ne savais pas du tout comment le faire, je ne savais pas comment humainement on pouvait recevoir ce genre d'information. C'est là que j'ai demandé à Laurence comment elle avait réagi. Elle m'a répondu qu'elle s'était effondrée physiquement et qu'elle avait hurlé mais que les mots ne sortaient pas. Cette scène a vraiment été pour moi la plus compliquée à interpréter. Il ne fallait pas que ce soit racoleur, il ne fallait pas non plus que ce soit la réalité parce qu'elle était "too much" et qu'Eric n'en voulait pas. Je me trouvais un peu dans un entre deux.

    Quel message espérez-vous que le public retienne de ce film ?

    J'espère une prise de conscience des personnes qui sont déjà dans un sas dans lequel on hésite à dénoncer ou à prendre la parole. J'espère que ce film leur donnera l'impulsion pour pouvoir changer les choses. Ceux qui n'y sont pas du tout, ce sera plus difficile. A la projection du Festival de La Rochelle, une institutrice est venue vers moi en larmes car elle soupçonnait dans sa classe des maltraitances sur une enfant et elle ne savait pas quoi faire ni comment agir. Elle a compris avec ce film qu'elle ne pouvait pas laisser cette élève en danger. Je lui ai parlé de l'association de Laurence, je l'ai encouragée à faire des recherches, à prévenir le rectorat et à se battre si elle le souhaitait. Je ne sais pas ce qu'elle a fait mais le film lui a donné l'envie d'agir. Avec un peu de chance, ce film permettra peut-être de sauver des enfants.

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