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    "Le problème aujourd'hui, c'est que tout le monde prend l'autre pour un débile" : José Garcia explore l'impact du jugement sur l'estime de soi à l'adolescence
    Laëtitia Forhan
    Laëtitia Forhan
    -Chef de rubrique cinéma
    Fan de cinéma fantastique, de thrillers, et d’animation, elle rejoint la rédaction d’AlloCiné en 2007. Elle navigue depuis entre écriture d'articles, rencontres passionnantes et couvertures de festivals.

    "Le Panache" sort en salles ce mercredi. José Garcia y incarne un professeur de théâtre qui va permettre à Colin, un ado bègue de prendre confiance en lui.

    Un an et demi après Sage-Homme, Jennifer Devoldère revient avec Le Panache, un film adapté du seul-en-scène de Nicolas Devort, "Dans la peau de Cyrano".

    Emmené par José Garcia, Aure Atika et le jeune Joachim Arseguel, le film suit Colin, une collégien de 14 ans, qui fait son entrée dans un nouveau collège. Mais comment s’en sortir quand, comme lui, on est bègue ? Sa rencontre avec Monsieur Devarseau (Garcia), charismatique prof de français, va le pousser à affronter ses peurs et sortir de son isolement. Maintenant Colin a une bande de copains et un projet : monter sur scène pour jouer Cyrano devant toute l’école.

    Le Panache
    Le Panache
    Sortie : 20 novembre 2024 | 1h 33min
    De Jennifer Devoldere
    Avec Joachim Arseguel, José Garcia, Aure Atika
    Presse
    2,8
    Spectateurs
    3,9
    Séances (179)

    Un jeune acteur bègue

    Il s'agit du premier rôle au cinéma du jeune Joachim Arseguel. La réalisatrice explique dans le dossier de presse : "Dès le départ, on voulait que le personnage soit interprété par un PQB (personne qui bégaye) et non par un acteur qui "jouerait" le bégaiement. On a lancé un casting sauvage et on a eu un coup de cœur pour Joachim.

    C'est son orthophoniste qui l'a poussé à passer l'audition. Il a travaillé très dur et comme Colin, il s'est ouvert au monde, il a pris confiance en lui et a gagné en autonomie.. On s'est inspirés de son histoire et on a intégré "sa manière" de bégayer."

    Joachim Arseguel SND
    Joachim Arseguel

    Tout comme son personnage dans le film, le jeune comédien a donc découvert le théâtre et l'expérience lui a été bénéfique comme il le précise : "Au début de l’histoire, Colin a baissé les bras, alors que moi, je n’ai jamais abandonné. J’avais l’impression d’avoir de l’avance sur lui, mais en même temps de le comprendre intimement, parce que ce qu’il a subi, le harcèlement, les moqueries, la rentrée dans un nouveau collège alors qu’on a un handicap, l’appréhension, la première fois qu’on va se mettre à parler, la réaction des autres, bref, tout ça, je l’ai vécu et très mal vécu moi aussi.

    Tout ça, je l’ai vécu et très mal vécu moi aussi.

    J’ai aussi eu l’impression que le parcours de Colin et ma propre expérience sur le film se sont entremêlés. Comme Colin avec le théâtre, jouer dans le film m’a ouvert, épanoui. J’en suis ressorti changé - il m’a donné confiance en moi. Pour la première fois de ma vie, le bégaiement m’apportait des choses, devenait une force, un atout, et j’ai compris qu’il faisait partie, d’une certaine façon, de mon identité. Aujourd’hui, je vis très bien mon bégaiement".

    La fiction s'est ici mêlée à la réalité, et le travail avec les autres acteurs et en particulier José Garcia a beaucoup aidé Joachim Arseguel. a être à l'aise :"José ne m'a jamais regardé comme un jeune débutant ou quelqu'un souffrant d'un handicap. Il m'a regardé comme son égal, comme un partenaire de jeu et ça m'a tout de suite mis à l'aise."

    Une référence au Cercle des poètes disparus

    Dans Le Panache, José Garcia incarne un professeur de théâtre passionné, un personnage qui rappel le professeur John Keating incarné par Robin Williams dans Le Cercle des poètes disparus. La réalisatrice déclare d'ailleurs dans le dossier de presse : "La référence est à la fois totalement assumée et lourde à porter. Le final de David Devarseau est un hommage direct au film de Peter Weir. Comme Keating, Devarseau révèle les jeunes à eux-mêmes et éveiller leur conscience. Il va marquer à jamais leur vie, mais je crois que la comparaison s'arrête là."

    SND

    Rencontré pour la promotion du film, José Garcia nous explique pour sa part avoir tenté de s'éloigner au maximum du film avec Robin Williams.

    "C'était vraiment ma hantise. Il y a une scène qui ressemble au final du Cercle des Poètes disparus, et c'est vraiment un moment un peu délicat du film car je ne voulais surtout pas qu'on se retrouve là-dedans. Je pense que Devarseau, est surtout un type qui est beaucoup plus dans le regard, dans l'observation, dans l'écoute. Il ne veut pas imposer ou donner des clés pour que les élèves s'emballent, se dispersent et sortent un peu de leur carcan. Il leur donne plutôt la possibilité de rêver, de poser eux-mêmes leurs limites là où ils en ont envie. Et c'est une autre démarche.

    Le personnage de Keating veut bousculer les gamins pour qu'ils vivent, pour qu'ils pensent autrement, pour qu'ils bougent. Mais mon personnage regarde les gamins, il les observe, et en fonction de ça, il les amène très tendrement à se découvrir par eux-mêmes. Il leur explique, que les seules limites sont celles qu'ils s'imposent à eux-mêmes, mais qu'à partir du moment où on les enlève, tout est possible. Et que sur une scène de théâtre, ils peuvent vivre cette vie-là."

    Le théâtre est en effet libérateur et permet ici aux élèves d'arriver à assumer qui ils sont et à prendre leur propre décision. Joachim va désobéir à sa mère - qui tente de le protéger - tandis que Tom va aller à l'encontre de son père et assumer sa sexualité au grand jour.

    SND

    Prendre les adolescents au sérieux

    Hors caméra, le comédien français a tenté de ne pas jouer le rôle du professeur afin de ne pas instaurer un climat trop studieux. Il nous avoue : "Je suis le pire des cancres de toute la classe. Je me suis mis dans un coin, j'ai laissé les gamins venir les uns après les autres et ils ont compris que j'étais encore plus bête qu'eux.

    On a tourné 35 jours, en plein été, dans une salle de classe. Il ne faut pas oublier que c'est leur quotidien toute l'année. Donc, j’essayais de trouver des trucs stupides à dire à la fin de chaque prise, parce que je voulais qu'ils gardent une attention. Et puis j'ai été accepté par eux comme quelqu'un du groupe. C'est ce que j'aime le plus. Ne pas arriver, commencer à dire: « Tu sais petit », commencer à faire papa gâteau, ce n'est pas un bon truc du tout.

    SND

    Et puis je crois que c'est très rassurant pour des ados de se retrouver à un moment avec d'autres ados aussi intelligents qu'eux, d'être capables de vivre ensemble et d'être aussi avec des adultes qui ne les prennent pas pour des débiles.

    Quand on est adolescent, il n'y a rien de pire que de ne pas être respecté

    Le problème aujourd'hui, c'est que tout le monde prend l'autre pour un débile. Et en fait, quand on est adolescent, il n'y a rien de pire que de ne pas être respecté. On est en train de se chercher, on est en train de chercher des choses et quelqu'un vous dit : 'Non, il faut que tu arrêtes de chercher, essaie de te remettre dans le droit chemin.' Et en fait, tu dis : 'Non, laisse-moi. C'est encore à un moment que j'ai le droit de chercher.'

    C'est aussi une période compliquée pour les adultes, parce qu'on veut absolument remettre les gamins dans le droit chemin. Mais après, quand vous faites une crise de la quarantaine plus personne ne fait ça."

    L'acceptation de soi et des autres

    Le Panache aborde plusieurs thématiques parmi lesquelles figurent l’acceptation de soi et des autres, en abordant des sujets tels que le bégaiement et la diversité sexuelle. Pour José Garcia, le message est clair : il faut vivre sa vie sans se soucier du jugement des autres.

    SND

    José Garcia nous confie :"Le moment de l'adolescence, c'est le moment où vous voulez vous faire accepter. Vous êtes tellement gauche que vous ne savez pas, vous n'êtes pas encore tout à fait défini. Donc, vous avez du mal à vous faire accepter. Dans le cas de Joaquim, qui incarne Colin, il arrive, il est timide et d'un coup, il tombe amoureux d'une fille. Et puis, il y a un beau gosse dans la classe et il se dit: que ça va être difficile.

    Son copain Tom a envie de vivre sa sexualité comme il le veut mais son père ne veut absolument pas en entendre parler. C'est vraiment un film sur l'acceptation. Et Joaquim l'a très fait remarquer pendant le tournage. Il y avait tellement de bienveillance qu'enfin, il s'est dit: "Comment ça se fait qu' il peut y avoir autant de bienveillance ici et autant d'idiots qui se moquent de moi dans d'autres endroits ? "

    Je pense qu'à partir du moment où vous avez expliqué que vous étiez bègue, il y a deux solutions: sois on peut continuer à rire comme un débile, sois on peut l'écouter et essayer de composer quelque chose et accepter complètement cette différence.

    Il y a des gens qui se battent pour leur droit, il y en a d'autres qui se battent pour que d'autres n'en aient pas !

    Il y a un moment, quel est le problème ? Que vous soyez dans une mutation, que vous soyez transgenre, que vous soyez queer, que vous soyez ce que vous voulez. Quel est le problème ? Quel est le problème que ça pose à quelqu'un que les gens vivent ce qu'ils ont envie de vivre ? Il y a des gens qui se battent pour leur droit, il y en a d'autres qui se battent pour que d'autres n'en aient pas. Et c'est ces gens-là qu'il faut combattre. Et ce film est là justement pour expliquer que bon sang, on a le droit de vivre, c'est votre vie. Personne ne va vivre à votre place."

    Un film bienveillant sur l'adolescence et l'acceptation de soi à voir dès ce mercredi au cinéma.

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