Vingt quatre ans après Gladiator, son film aux 5 Oscars, Ridley Scott nous livre la suite sobrement intitulée Gladiator II. En projet depuis plusieurs années - ce nouveau volet sans Russell Crowe, héros du précédent - se déroule une vingtaine d'années plus tard.
Envoyé en Afrique par sa mère Lucilla (Connie Nielsen) après la mort de Maximus et Commode (Joaquin Phoenix), Lucius, incarné par Paul Mescal, est forcé d'entrer dans le Colisée lorsque son pays est conquis par les empereurs tyranniques qui gouvernent désormais Rome d'une main de fer. La rage au cœur et l'avenir de l'Empire en jeu, Lucius doit se tourner vers son passé pour trouver la force et l'honneur de rendre la gloire de Rome à son peuple.
Un film plus spectaculaire avec notamment des combats sanglants contre des animaux tous plus impressionnants les uns que les autres, qu'il s'agisse des babouins assoiffés de sang, d'un impressionnant rhinocéros ou de requins lâchés dans une arène immergée. Mais les gladiateurs affrontaient-ils véritablement des animaux sauvages dans l'arène ? Quelles libertés Ridley Scott a-t-il prises avec la réalité ?
Les gladiateurs affrontaient des animaux sauvages
Les combats de gladiateurs remontent au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Rapidement, ces combats sont organisés lors des victoires militaires liées aux guerres puniques et deviennent un symbole.
Dès 202 avant J.-C., les soldats romains débarquent en Afrique du Nord, un continent peuplé d’animaux sauvages. Des lions, des hippopotames, des crocodiles et des girafes sont importés afin d’amuser le public ou d’être utilisés dans l’arène. Les gladiateurs affrontent donc d’autres gladiateurs, mais également des animaux sauvages. Les condamnés à mort étaient d'ailleurs jetés en pâture aux lions.
Mais qu’en est-il véritablement des requins ? Lors du lancement de la première bande-annonce de Gladiator II, on aperçoit en effet le Colisée inondé pour une bataille navale et, dans l’eau, plusieurs requins.
La Dr Shadi Bartsch, professeure de lettres classiques à l’Université de Chicago, diplômée de Princeton, Harvard et UC Berkeley, et autrice de plusieurs livres sur la Rome antique, déclare ainsi à The Hollywood Reporter que le film de Ridley Scott est "totalement hollywoodien et absurde", ajoutant : "Je ne pense pas que les Romains connaissaient les requins, bien que des batailles navales aient eu lieu dans l’arène."
La réaction de Ridley Scott face à cette critique
Le site américain Collider a fait réagir Ridley Scott — qui, comme on le sait depuis la polémique autour de la véracité historique de son récent biopic sur Napoléon, n’apprécie pas vraiment que les historiens commentent ses films. Ce dernier a défendu son choix d’inclure des requins dans le Colisée.
"Vous avez complètement tort. Le Colisée a bien été inondé d’eau, et il y avait des batailles navales… Sérieusement, si on est capable de construire un Colisée et de l’inonder d’eau, attraper quelques requins dans un filet n’est pas le plus compliqué. Bien sûr qu’ils pouvaient le faire."
Vous avez complètement tort !
Le cinéaste précise ensuite "Ils étaient assez petits. Ils mesuraient seulement six ou sept pieds (NDLR: environ 1,8 mètre). Quand on peut faire ce qu'ils pouvaient faire... "
A l'image de son énervement sur les critiques de Napoléon, Ridley Scott s'est donc une nouvelle fois montré agacé par les critiques sur Gladiator II. Son péplum mêle en effet vérité historiques et inventions, si bien qu'il est parfois difficile de savoir ce qui relève de la réalité ou de la pure fiction. Mais le plus important n'est-il pas que le film soit un grand spectacle ?
Le Colisée était-il immergé ?
AlloCiné a contacté Jérôme France, professeur émérite d'histoire de la Rome antique, qui nous explique que les bassins montés dans le Colisée pour les représentations de batailles navales étaient peu profonds et ne pouvaient donc pas accueillir autant de requins que le montre Ridley Scott dans son film.
Dans Gladiator II, Lucius et les autres gladiateurs doivent en effet se battre sur des galères et se font dévorer par des requins s'ils tombent dans l'eau.
"Je ne sais pas quelle variété de requins il y avait en Méditerranée à l’époque. Ça pouvait aussi être de gros poissons, je n'en ai aucune idée et je ne vais pas prendre part à ce débat, mais il faut tenir compte du fait que le Colisée n’était pas très profond, il n'y avait même pas trois mètres d'eau. C’était plutôt comme un bassin.
Il était impossible de recréer une véritable bataille navale dans le Colisée
On sait que la scène du Colisée ne mesurait qu'environ 80 mètres sur 50, donc il était impossible de recréer une véritable bataille navale, sauf peut-être avec des modèles réduits. Il fallait aussi faire entrer les bateaux, qui étaient sans doute démontés et remontés sur place. De plus, la profondeur de l'arène n'était pas suffisante. Il devait donc y avoir une certaine adaptation pour permettre des spectacles associés, compatibles avec d'autres types de jeux, ce qui explique que l'eau n'était probablement pas très profonde.
On pense que dans le Colisée, ils utilisaient des modèles réduits représentant des navires de guerre avec de petits équipages. Le spectacle consistait alors en un combat d'abordage entre les deux bateaux, et apparemment l'un des deux pouvait être équipé d'une structure permettant de simuler un naufrage. En réalité, c'était plus un combat de gladiateurs sur deux bateaux. La reconstitution d'une bataille navale complète n'aurait pas été vraiment possible dans le Colisée en raison de ces contraintes, notamment de taille.
Mais on ne sait pas énormément de choses sur l'utilisation de l'eau dans le Colisée. On sait que ça existait, que des données en témoignent, mais la reconstitution exacte reste floue. Quant aux équipages, il y avait des marins, c'est certain, des gens appartenant aux flottes impériales, qui étaient mobilisés pour ces spectacles. Peut-être aussi des prisonniers de guerre ou d'autres types de condamnés, mais là encore, on ne sait pas grand-chose de plus."
Jérôme France ajoute : "En revanche, il y avait de grandes naumachies, c'est à dire des batailles navales, dans des bassins. Ces bassins étaient aménagés et pouvaient couvrir des dizaines d'hectares. Par exemple, on sait qu'Auguste avait fait aménager, dans le quartier actuel du Trastevere à Rome, un bassin qui faisait presque 20 hectares, où l'on avait reconstitué la bataille navale de Salamine. C'était avec de vrais bateaux, qui manœuvraient avec des équipages, et du public autour, bien sûr."
Gladiator II est à voir actuellement au cinéma.