Alban Ivanov vient de fêter ses 40 ans. Et il retrouve pour l'occasion le chemin des salles obscures avec Challenger, la réponse française à Rocky Balboa entre rires, uppercuts et défi improbable qui va confronter ce boxeur amateur à l'un des grands champions du moment par le prisme d'un concours de circonstances inattendu.
Ce film, qui marque ses retrouvailles avec son réalisateur fétiche Varante Soudjian après Inséparables, Walter et La Traversée ("Il m'appelle sa Bérénice Bejo !"), c'est aussi un retour en forme et en force sur le devant de la scène pour le natif de Narbonne, après un passage à vide qui l'a vu arrêter son spectacle au bout de quelques minutes de représentation, il y a deux ans.
Lui qui n'a pas arrêté et n'a -de son propre aveu- pas assez su dire "non" depuis Le Sens de la Fête en 2017 analyse lucidement la situation au micro d'AlloCiné, dans le cadre de notre nouveau format Grand Ecran, tourné dans la salle Infinite du cinéma Le Grand Rex à Paris.
"Il fallait faire une pause"
"Il fallait faire une pause avant qu'il y ait un vrai problème physique. Donc évidemment que ce n'était pas le bon moment pour le faire, mais c'était comme ça. Donc voilà, c'est ce qui s'est passé. J'ai dit : 'Excusez-moi, messieurs dames, je ne me sens pas bien, j'y vais. Et puis j'ai disparu, je suis retourné au paddock (rires)".
"Tu vois, à force de dire oui et que tout s'enchaîne, en fait, tu n'as pas le temps de faire des points sur ce qui t'arrive et de pouvoir le gérer. Donc, à un moment donné, il fallait juste que je stoppe la machine et c'est pour ça que j'ai tout arrêté. J'ai fait le moine Shaolin, un bon point avec moi-même dans la forêt et on y retourne. Mais je me suis fait dépasser par les événements parce qu'il n'y a pas de formation à ce qui nous arrive",
"Moi, j'ai fait l'Olympia en 2018, j'étais encore là-dessus. Parce que pour moi, je ne m'en étais pas remis. De toute mon enfance, je voyais l'Olympia comme l'Himalaya. D'un coup, tu le fais une fois, deux fois, trois fois et genre, c'est normal. Mais pour moi, Ce n'est pas normal. Après, on dit : 'Là, on va faire les Zénith. Oui ? Oui. Ils sont combien ? 6 000. Oui, évidemment, c'est normal'. Mais non ! Il fallait que je m'impose la pause".
"Et ça, ça fait du bien de fou !"
Durant cette période compliqué, Alban Ivanov a pu compter sur le soutien de ses pairs, dont un certain Vincent Cassel : "Il apprend que je ne vais pas bien et donc un jour, il me passe un coup de fil et je lui explique ce qui m'arrive. Je dis : 'Je ne sais pas, je suis fatigué, je ne sais pas où je vais, il faut que je fasse un point'. Il me dit : 'Tu as quel âge ?' Je dis : '38'. Il me dit : 'Ouais, mais c'est bon, tu es dans les temps. C'est normal, ça arrive, c'est bien. Repose-toi, t'inquiètes, tu vas repartir'".
"Et ça, ça fait du bien de fou parce que tu as un mec d'expérience qui te dit que ça arrive. Il l'a vécu, il a connu ça. Donc en vrai, ça m'a fait un bien fou. Je me suis dit : 'C'est bon, je suis sur la bonne voie, c'est normal. C'est normal, mais dans ces moments-là, même tes proches, ta famille, des gens qui sont pas concernés par le cinéma ou la scène, ils ont du mal à comprendre ça. Parce que comme on vend du rêve, en quelque sorte, c'est très étonnant de voir quelqu'un qui le vit pas bien là-dedans".
"Le succès amène aussi beaucoup de solitude. Et ça, les gens ne le voient pas puisque ce n'est pas ce qu'on montre. Mais quand même, après un spectacle, devant 5 000 personnes, t'es seul dans ta chambre, t'as l'impression que c'est pas... On t'invente une vie de rêve, mais toi, c'est pas ça. T'es tout seul, loin de ta famille, dans une ville que tu connais pas. Donc, à un moment donné, tu te dis : 'Il va falloir que je gère les moments de vie de ma famille, de solitude, parce que sinon, ça va me m'abîmer'".