L'amour ouf, "une comédie romantique et musicale ultra-violente". C'est en ces termes que le film de Gilles Lellouche avait été annoncé sur la toute première "affiche-teaser" du projet.
Depuis l'annonce du long métrage, on sait que Gilles Lellouche avait envie d'un film avec des scènes fortes en émotion, mais aussi en violence. Le réalisateur s'inspire beaucoup du cinéma américain, citant notamment Scorsese, Coppola ou encore Tarantino. Une culture cinématographique qu'il a souhaité injecter dans le scénario, jusqu'à aller dans un registre proche du cinéma d'horreur.
Comme on l'apprend dans le livre d'Eric Libiot, L'amour ouf, journal intime d'un film, Gilles Lellouche avait longtemps imaginé une scène horrifique avec une moissonneuse-batteuse ! Le réalisateur avait envie d'une scène marquante dans sa violence à la manière de Voyage au bout de l'enfer, de Sorcerer ou encore Massacre à la tronçonneuse.
Mais comme le précise, Eric Libiot, "cette scène n'existe pas". "Elle n'a pas été filmée. Elle n'est même pas dans le scénario final. Supprimée manu militari. Découpée en botte. Bien fait. Et pourtant...
Audrey Diwan, coscénariste du film : « Comme Gilles a le roman en tête depuis des années, il s'est construit des images, des scènes, des séquences qu'il imagine présentes à un moment donné du scénario. Celle de la moissonneuse-batteuse par exemple. Elle n'est pas dans le roman mais il avait envie de la filmer. Cette scène devient alors une énigme : comment faire en sorte qu'on arrive à l'écrire, qu'elle soit cohérente dans le récit, qu'elle justifie un comportement, éventuellement une émotion? »
Il y a d'abord eu une période Scorsese et Tarantino: la baston et le sang giclaient à toutes les pages. Et puis Gilles en est revenu
Cette scène était donc là, posée sur la table, et il ne fallait pas qu'elle s'échappe. Mais elle s'est finalement échappée parce que Clotaire y est trop passif et Tony, trop actif. Au fur et à mesure des séances de travail sur le scénario, les choix se sont affirmés: il n'a été gardé du livre que la première partie - l'enfance de Jackie et de Clotaire, leur rencontre, leur histoire d'amour. La seconde partie, la vie familiale séparée de l'un et de l'autre, a été supprimée. Car le fil rouge du récit s'est fait jour après avoir essayé mille chemins : c'est l'histoire d'amour entre Jackie et Clotaire. Toutes les scènes avec l'un ou l'autre et, évidemment, avec l'un et l'autre, se rapportent et font écho à cette histoire d'amour. Point. Basta.
Les dents de la mer... agricole
Point et basta peut-être, sauf que ce chemin-là a pris un long moment avant d'être bétonné. Plusieurs semaines, plusieurs mois. Il y a d'abord eu une période Scorsese et Tarantino: la baston et le sang giclaient à toutes les pages. Et puis Gilles en est revenu : « C'est trop. Il faut raconter la violence à hauteur d'hommes. L'histoire d'amour se replacera d'elle-même au bon endroit. » Impossible en fait de dire à quel moment la pépite, que tout le monde espère d'or, se découvre dans l'amas de boue. Les séances de travail de scénario sont, selon les cas, passionnantes ou banales."
Il y avait un personnage qui était en slip qui courait, éclairé par les phares d'une moissonneuse-batteuse
Dans une vidéo pour leNouvel Obs, Gilles Lellouche donne quelques détails supplémentaires, "J'ai cassé la tête à mes auteurs, à tout le monde, avec cette histoire de moissonneuse-batteuse. En plus j'ai bien fait de ne pas la tourner finalement, parce qu'il y a une petite partie que j'ai soustraite au montage.
Effectivement, pendant un petit moment, je voulais faire une sorte de Dents la mer agricole. Il y avait un personnage qui était en slip qui courait, éclairé par les phares d'une moissonneuse-batteuse. Il avait les mains liées et il courait dans un champ de blé. La moissonneuse-batteuse qui était derrière lui et qui avançait jusqu'à sa mort. Et l'un des producteurs m'a dit : "tu vas un petit peu loin dans la violence". Mais je suis sûr que visuellement ça ferait une scène démente. Il n'est pas exclu que je le fasse dans un autre film, qui n'aura rien à voir, et qui s'appellera peut être moissonneuse-batteuse !"
Gilles Lellouche pourrait-il se lancer dans un film hommage au genre horrifique ?
L'amour ouf est actuellement en salles.