Et si Emmanuelle 2024 avait plus en commun avec In The Mood for Love ou Shame que le film Emmanuelle de 1974 ? C'est l'observation que certaines ou certains se feront peut être après avoir vu le film.
La réalisatrice Audrey Diwan a bel et bien souligné qu'elle n'avait aucunement voulu faire un remake d'Emmanuelle, mais plutôt s'inspirer très librement du livre d'origine signé Emmanuelle Arsan.
Quelles sont donc les vraies influences d'Audrey Diwan pour ce film ? Nous lui avons posé la question.
"J'aime avoir des références, mais je suis toujours inquiète quand elles sont trop littérales, parce que j'ai l'impression qu'elles m'enferment à un endroit, qu'elles m'emprisonnent". Et d'ajouter : "Il y a peut-être quatre films ou cinq films qui m'ont inspiré, mais c'est très disparate et je les utilise surtout pour créer un langage que je peux avoir avec les acteurs."
In The Mood for Love et le cinéma de Wong Kar Wai
Influence majeure du film, l'ambiance feutrée de Wong Kar Wai."Wong Kar Wai, je pense qu'il ne faut même pas essayer d'y échapper parce que la figure est omniprésente.
Évidemment, quand on tourne à Hong Kong, on sait qu'on ne va pas échapper à la figure tutélaire de Wong Kar Wai et de In the Mood for Love. Mais pour pour moi, c'est un exemple très intéressant parce qu'il est souvent cité dans les plus grands films érotiques de tous les temps. Or, c'est un film où l'érotisme s'appuie sur le frôlement des corps qui se croisent dans des couloirs.
J'ai eu la chance de discuter avec l'architecte de l'hôtel et il s'est inspiré d'In the Mood for Love quand il a créé l'hôtel. Je l'ai découvert en arrivant là-bas une fois qu'on avait déjà choisi de tourner dans ce décor.
Donc, on ne va pas échapper à cette figure-là et quelque part, on n'a pas envie d'y échapper puisqu'il y a comme ça une une référence sur le sublime, sur le beau poussé à son paroxysme. Sur le fait que ce soit assumé comme ça. Et sur tout ce qui peut se passer de silencieux entre les corps, sans qu'on ait besoin de les amener même jusqu'à la nudité, tellement le film se joue ailleurs."
A noter qu'outre In The Mood For Love, Audrey Diwan évoque également le film Nos années sauvages de Wong Kar-Wai comme inspiration.
Under The Skin
"On a parlé avec Noémie Merlant d'Under the Skin, de ce que c'est que d'avancer. Je voyais Scarlett Johansson qui avance et elle sait qu'elle est suivie. Elle a beau être de dos, c'est comme si elle avait des yeux derrière la tête et qu'elle savait que l'autre, irrémédiablement, emboîte son pas."
Cléo de 5 à 7
"On a parlé beaucoup aussi de Cléo de 5 à 7, le film d'Agnès Varda, mais vraiment à un tout autre endroit. Dans Cléo de 5 à 7, on voit un personnage opérer sa propre révolution sur un temps court. Qu'est-ce que ça veut dire de pouvoir croire à cette révolution ? Et qu'est-ce qui fait qu'à un moment, en tant que spectateur, on croit que ce changement n'est pas artificiel, mais qu'il vient de l'intérieur, qu'il vient du personnage."
La maman et la putain
"Je me suis aussi appuyée, sur La maman et la putain. En me disant : Tiens, si on faisait une très longue scène où tout à coup, tu parlerais de sexe et puis tu dirais exactement ce que tu as ressenti quand tu as couché avec cet inconnu dans l'avion. Et est-ce que quand tu le racontes, ça peut être plus excitant que la scène qu'on a vue ?
Pour moi, il y a comme une théorie de l'érotisme là-dedans. C'est de se dire : Tiens, on va essayer de recréer par le verbe quelque chose auquel pourtant on a complètement assisté. Et peut-être que cette autre version de la même scène, celle des mots, va provoquer plus de choses en nous."
Shame
"Enfin, la référence, peut être, la plus littérale, c'était Shame. C'est l'expérience d'un corps brisé, d'un corps qui n'a plus de plaisir, mais c'est celui d'un homme. Je trouvais que c'était inspirant de revenir au personnage de Michael Fassbender et à la manière aussi dont il est enfermé dans une boucle et les choses se répètent pour lui."
Dans Emmanuelle, à l'affiche depuis mercredi, l'héroïne est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper.
* Propos recueillis à Paris le 17 septembre 2024