Ceinture noire (et blanche)
La judokate iranienne Leila (Arienne Mandi) et son entraîneuse Maryam (Zar Amir) se rendent aux championnats du monde de judo avec l'intention de ramener sa première médaille d'or à l'Iran. Mais au cours de la compétition, elles reçoivent un ultimatum de la République islamique ordonnant à Leila de simuler une blessure et d’abandonner pour éviter une possible confrontation avec l’athlète israélienne.
Sa liberté et celle de sa famille étant en jeu, Leila se retrouve face à un choix impossible : se plier au régime iranien, comme l'implore son entraîneuse, ou se battre pour réaliser son rêve.
Un double portrait d’une grande finesse
Écrit avant la révolution des femmes iraniennes de septembre 2022, Tatami confronte, face à face, deux femmes à la posture bien différente.
D’un côté, Leila, campée avec hargne et détermination par l’impressionnante Arienne Mandi. Judokate prodige, cette jeune mère est prête à tout pour voir son objectif sportif se réaliser. Au-delà de la performance athlétique, elle incarne une volonté d’émancipation féminine par rapport à la République islamique d’Iran, la poursuite d’une indépendance et d’une individualité nouvelle, loin de l’invisibilisation normée.
De l’autre, Maryam, interprétée par Zar Amir, également co-réalisatrice du long-métrage. Entraîneuse de l’équipe féminine de judo d’Iran, elle incarne une forme de résignation, d’acceptation par rapport à son propre statut. Ancienne sportive au rêve brisé, son point de vue fataliste sur la situation se heurte à celui de sa disciple, jusqu’à l’éclatement de leur relation.
Loin d’être totalement opposées, elles reflètent en réalité deux générations de femmes : l’une, jeune, prête à se battre pour réaliser son rêve ; l’autre, plus âgée, blessée à jamais après s’être heurtée à l’implacable mur de la réalité. L’une des deux cédera-t-elle pour se ranger du côté de l’autre ?
Un film de réconciliation, bouleversante ode à la liberté
Elle est iranienne, actrice et cinéaste, récompensée d’un prix d’interprétation au Festival de Cannes pour son rôle dans Les Nuits de Mashhad. Il est israélien, réalisateur et scénariste, et a obtenu l’Oscar du meilleur court-métrage pour Skin. Ensemble, Zar Amir et Guy Nattiv ont travaillé sur ce projet de réconciliation, aussi politique que générationnelle.
Après leur rencontre, le dilemme de Tatami leur est apparu comme une évidence, de même que les grandes lignes de son intrigue. “À mes yeux, raconte Guy Nattiv, il fallait que ce film adopte un point de vue féminin. Quand on est une femme en Iran à l’heure actuelle, on n’est même pas un citoyen de seconde zone et après l’assassinat de Mahsa Amini, ce parti-pris du film est devenu encore plus nécessaire.” Qu’il s’agisse de la boxeuse Sadaf Khadem, de la grimpeuse Elnaz Rekabi ou de la taekwondoïste Kimia Alizadeh, nombreuses sont les athlètes iraniennes à avoir subi les mêmes menaces que Leila et Maryam et à avoir dû fuir leur pays. Autant d’exemples vivants du cas de figure épineux étudié par Tatami.
Comme écrasé par la pression qui pèse sur les protagonistes du long-métrage, le spectateur est voué à l’empathie, d’autant plus que la performance à fleur de peau de Mandi et Amir permet à ce thriller de compétition d’atteindre des sommets d’émotion dans ses tirades les plus inspirantes autant que dans ses bouleversants jeux de regards.
Avec toute la justesse et l’humanité qui caractérisent son personnage, la brillante Zar Amir conclut : “Pour moi, ce film parle de personnages qui repoussent leurs propres limites, qui se battent pour la liberté, qui restent fidèles à leurs valeurs et à leurs objectifs, et qui sont du côté de la justice et de l’humanité. Ce sont des thèmes qui seront toujours universels parce qu’ils sont fondamentaux. Les gens affrontent des situations et mènent des combats différents, dans des contextes différents, mais au bout du compte, nous habitons tous le même monde.“
Thriller haletant imprégné de valeurs d’humanité et de liberté, servi par deux performances bouleversantes de ses têtes d’affiches, Tatami mérite la plus belle des médailles : la Palme du cœur. Une merveille à découvrir en salle, dès maintenant.