Mon compte
    Me Too cinéma : l'actrice Caroline Ducey accuse la réalisatrice Catherine Breillat
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    Dans son livre "La Prédation (nom féminin)" édité chez Albin Michel, l'actrice Caroline Ducey évoque le viol qu'elle aurait subi sur le tournage du film "Romance" de Catherine Breillat. Elle accuse par ailleurs la réalisatrice d'emprise.

    Dans un livre paru le mercredi 28 août, l'actrice Caroline Ducey, rôle principal féminin du film Romance, a décidé de mettre un terme à "vingt-cinq années de silence".

    Selon le témoignage qu'elle partage dans le livre "La prédation (nom féminin)", elle aurait subi un viol sur le tournage du film Romance, sorti en 1998. Elle accuse, par ailleurs, la réalisatrice de ce film, Catherine Breillat, d'emprise.

    En parallèle de la sortie de ce livre, Caroline Ducey a également pris la parole dans les colonnes du Nouvel Obs.

    "Ni dans le scénario originel ni dans le contrat que je signerai plus tard, il n’est question que ces scènes (de sexe) ne soient pas simulées", explique-t-elle auprès du Nouvel Obs.

    La suite de cet article peut heurter la sensibilité

    Dans le livre, Caroline Ducey raconte le viol qu'elle explique avoir subi de la part d'un acteur (Reza), avec qui elle partageait l'une des scènes du film : "Je ne comprends pas ce qui se passe, quelque chose tourne et tourne sans s'arrêter à l'intérieur de mon sexe et me brûle. Du venin se répand dans mes membres et me paralyse. Je sens que je perds connaissance. C'est le trou noir. Je sors de mon corps, mon esprit s'égare dans une zone inconnue, un brouillard épais. Mon fantôme vient de naître... « Tac tac tac tac tac», je n'entends rien d'autre que ce bruit de mitraillette. Je reviens à moi. Tout est flou puis devient net : je suis devenue une autre...

    Je distingue à travers un voile quelques personnes de l'équipe. Je n'entends toujours rien, à part le « tac tac tac tac tac » obsédant. Puis je distingue des voix: « La pellicule est finie, il faut recharger la caméra.» Je reprends mes esprits, me redresse, saisis la gorge du type et serre: « Tu ne refais pas ça, c'est moi que tu écoutes, personne d'autre, tu ne refais pas ça, tu as compris? » Il a vu l'envie de tuer dans mes yeux, je me suis bien fait comprendre. Sous le coup de la sidération, je n'ai pas pu dire mon texte. Il faut une deuxième prise.

    Cette scène dure une minute sept secondes... Pendant vingt ans elle s'est retrouvée référencée en premier sur Internet quand on tapait mon nom dans la rubrique images. Franchement, je ne sais pas comment j'ai réussi à éviter de me foutre une balle dans la tête."

    Catherine Breillat dément fermement

    En réponse à cet article, Le Nouvel Obs relaye la parole de Catherine Breillat. La réalisatrice accusée par Caroline Ducey dément l’accusation de viol par un acteur lors de la réalisation du film : "J’affirme que Caroline n’a pas été violée sur le tournage." La réalisatrice donne également une autre version concernant les actes sexuels non simulés : "(Elle) les avait acceptées, mais ce n’était pas stipulé dans son contrat, elle était donc libre de ne pas les tourner."

    Dans le livre, Caroline Ducey relate, par ailleurs, une scène à laquelle elle aurait assisté sur le tournage : Catherine Breillat aurait "masturbé un acteur sur le tournage". La réalisatrice répond qu'il s'agit d'"une accusation délirante qui vise à (la) nuire et à (la) rabaisser".

    Les raisons de la sortie de ce témoignage 25 ans après

    Depuis le début de l'année 2024, le "#Me Too" cinéma connait de nouveaux rebondissements. Après Judith Godrèche ou encore Isild Le Besco, le témoignage de Caroline Ducey s'inscrit dans cette libération de la parole et de l'écoute.

    Dans son livre Caroline Ducey indique : "Je ne prends pas la parole pour détruire cette femme et son œuvre. Je n'ai rien contre l'existence de son cinéma - même si je pense important d'encadrer sa diffusion en la circonstanciant. Détruire ne m'apporterait rien aujourd'hui, au contraire. J'ai besoin de sauvegarder en moi ce qui reste de l'innocence qui me portait à l'époque, quand j'ai accepté d'interpréter le personnage de Marie.

    Je ne suis pas du côté de la vengeance et je veux continuer à croire en la justice, même si pour moi elle ne peut plus rien.

    Je ne suis pas du côté de la vengeance et je veux continuer à croire en la justice, même si pour moi elle ne peut plus rien. Je veux néanmoins croire à une reconnaissance du préjudice physique et moral, car elle permet de se recons-truire. Je crois en la résilience, même si le terme est galvaudé. Le pardon ne peut pas advenir sans réparation, quelle que soit sa forme."

    Plus loin, elle écrit : "J'écris pour contribuer à une prise de conscience collective afin que les hommes et les femmes qui profitent de leur pouvoir pour satisfaire leur instinct de domination ne puissent plus agir en toute impunité. Pour qu'ils et elles cessent enfin, sous les louanges des critiques, de maquiller ces bas instincts en raffinements exquis, sublimés par une transgression sophistiquée de la morale. Pour en finir avec la prédation."

    Romance de Catherine Breillat, sorti le 14 avril 1999, selon le synopsis officiel, raconte "l'histoire de Marie, déchirée entre le sexe et les sentiments, entre celui qu'elle désire et celui qu'elle aime. Ou bien encore une histoire d'amour vue comme une question de pouvoir: "Un mec qu'on aime vraiment assez pour être fidèle, il ne vous baise plus. Quand on les trompe, ils vous baisent, c'est simple. Ce n'est pas qu'ils devinent qu'on les trompe, c'est qu'ils comprennent qu'on leur échappe."

    Le livre "La prédation (nom féminin) de Caroline Ducey, édité par Albin Michel, a paru le 28 août 2024

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top