Il était capable de redonner le sourire à un gorille déprimé. Irriguer de son énergie bienveillante et remonter le moral de Steven Spielberg en plein tournage de la Liste de Schindler. Faire rire aux éclats des millions de spectateurs, et leur faire verser des torrents de larmes.
Pour le grand public, il était le Génie, le professeur Keating, Peter Pan, Alan Parrish, Madame Doubtfire et même Popeye. Le 11 août 2014, le comique adoré par les spectateurs du monde entier a mis fin à ses jours à 63 ans, désespéré face aux effets de la maladie à corps de Lewy dont il était atteint. Dix ans ont passés depuis sa disparition prématurée qui a choqué le monde entier. Et que Robin Williams manque bien cruellement dans le paysage...
En hommage et souvenir, Vanity Fair a eu l'émouvante initiative de sonder une vingtaine de talents hollywoodiens qui ont côtoyé l'artiste disparu. Expériences communes sur un tournage, première rencontre... Morceaux choisis.
"Un rêve devenu réalité"
"J'étais avec mes parents au Comedy Club d'improvisations à Los Angeles" se souvient Ben Stiller, qui a tourné avec Williams sur la saga de La Nuit au musée. "Un enfant dans cet endroit pour adultes, à l'époque de Mork & Mindy. Il m'a murmuré à l'oreille : "Reste près de ta mère. Vous serez en sécurité". Bien sûr, j'étais paniqué. Travailler avec lui des années plus tard était un rêve d'enfant devenu réalité".
"La gentillesse a été ma première impression. Il n’avait jamais l’impression que son travail était terminé jusqu’à ce qu’il fasse en sorte que tout le monde se sente à l’aise et heureux" commente Sarah Michelle Gellar, qui a joué à ses côtés sur la série The Crazy Ones.
Gale Hansen, qui incarnait l'étudiant Charlie Dalton dans le Cercle des poètes disparus, se souvient. "Je l'ai rencontré pour la première fois lors de la lecture commune du script du Cercle des poètes disparus. Robin regardait tout le monde pour voir qui nous étions. Après la lecture, il m’a murmuré à l’oreille : "Nous avons beaucoup de points communs".
Je l'ai regardé en pensant : "Nous n'avons rien en commun. Je ne suis personne". Il dit : "Vous avez étudié avec Sandy Meisner. J'ai étudié avec John Houseman à la Juilliard School. Il s'ouvrait aux autres, pour chaque enfant. Nous étions intimidés, il a éliminé l'anxiété de la relation".
"Il est hypersensible, et étonnamment doux"
Al Pacino a partagé l'affiche à ses côtés dans le solide thriller Insomnia de Christopher Nolan. "Je ne l'ai connu que par le travail et il était l'une des personnes les plus attentionnées et les plus agréables que j'ai jamais rencontrées dans ce contexte. Il est hypersensible, ce qui fait partie de son don, et étonnamment doux".
La comédienne Sally Field, qui partageait l'affiche avec Williams de la comédie culte Mrs Doubtfire, raconte une émouvante anecdote. "Je n'ai jamais partagé cette histoire auparavant. J'étais dans le camping-car à l'extérieur de la salle d'audience où nous tournions la scène du divorce. Mon père a eu un accident vasculaire cérébral quelques années auparavant et se trouvait dans un établissement de soins.
J'ai reçu un appel téléphonique du médecin disant que mon père était décédé, d'un grave accident vasculaire cérébral. Il m’a demandé si je voulais qu’ils le mettent sous réanimateur. J'ai dit : "Non, il ne voulait pas ça. Laissez-le partir. Et s’il vous plaît, penchez-vous et dites : "Sally vous dit au revoir".
J’étais bien sûr hors de moi. Je suis arrivée sur le plateau en essayant de toutes mes forces de jouer. Je ne pleurais pas. Robin est venu, m'a prise à part sur le plateau, et m'a demandé :
- "Est-ce que ça va ?"
- Oui pourquoi ?
- je ne sais pas, je demandais ça comme ça.
- Non Robin, ca ne va pas. Mon père vient de décéder.
- Oh mon Dieu, nous devons te faire sortir d'ici maintenant.
Et il y est parvenu : ils ont tourné sans moi le reste de la journée. Je pouvais rentrer chez moi, appeler mon frère et prendre des dispositions. C’est un côté de Robin que les gens connaissaient rarement : il était très sensible et intuitif".
Robert de Niro a tourné un très beau film avec Williams, L'Eveil. "Quand j'étais enfant, j'ai eu le nez cassé. Robin et moi avons eu une scène où nous avions [physiquement] des difficultés, et sa main ou son coude s'est détaché et m'a heurté le nez. Je suis allé voir un médecin. Ce qu'il a fait en réalité, c'est de le remettre tel qu'il aurait dû être. Il l'a réaligné. Mais il se sentait très mal. J'ai dit : "Non, non, non, tu as fait quelque chose d'incroyable".
Jeff Bridges, qui fut son partenaire dans le sous-estimé (et formidable) Fisher King de Terry Gilliam, évoque quant à lui sa générosité. "Quand nous avons perdu une maison durant le tremblement de terre [celui de janvier 1994 à Northridge, en Californie], il a été le premier ami à m'appeler : "Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? Comment vas-tu au niveau des finances ?" Un autre exemple de sa générosité : Robin venait de faire Le Cercle des poètes disparus avec Peter Weir, et a agit comme mon agent, en me recommandant auprès de lui pour obtenir un rôle dans Etat second".
So long l'artiste...