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    “Un cauchemar dont on ne se réveille jamais” : nommé à Cannes, ce film noir est à découvrir en salle cette semaine
    Isaac Barbat
    Isaac Barbat
    -Rédacteur ciné-séries
    Biberonné aux films de genre dès son plus jeune âge, amoureux des monstres et de l'hémoglobine, ses excursions cinématographiques le mènent parfois jusqu'à Truffaut ou Duvivier… pour son plus grand plaisir !

    Nommé à Cannes dans la catégorie Un certain regard, Only the River Flows est à découvrir en salle dès cette semaine. Wei Shujun, le réalisateur, revient sur la genèse de ce film noir et vertigineux, adapté d’une nouvelle chinoise.

    Et au milieu coule une rivière…

    En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe (Yilong Zhu), le chef de la police criminelle, est chargé d'élucider l'affaire. Un sac à main abandonné au bord de la rivière et des témoignages de passants désignent plusieurs suspects. Alors que l’affaire piétine, l’inspecteur Ma est confronté à la noirceur de l’âme humaine et s'enfonce dans le doute…

    Only the River Flows
    Only the River Flows
    Sortie : 10 juillet 2024 | 1h 42min
    De Shujun Wei
    Avec Yilong Zhu, Zeng Meihuizi, Tianlai Hou
    Presse
    3,3
    Spectateurs
    2,8
    louer ou acheter
    Copyright KXKH Films

    “Un cauchemar absurde et silencieux dont on ne se réveille jamais”

    Présenté en 2023 au festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard, Only the River Flows est parvenu à attirer l’attention de la croisette par la profondeur de son image tournée en pellicule, l’inquiétude contagieuse de ses personnages noyés dans l’étrangeté ambiante mais aussi, et surtout, par la noirceur de son récit.

    Tout, dans Only the River Flows, transpire le malaise, le mal-être et le malsain. Éminemment troublante, l’ambiance générale prend aux tripes comme un cauchemar dont le spectateur peine à se réveiller. Ce mauvais rêve, le réalisateur Wei Shujun en a lui-même été victime à la lecture de la nouvelle éponyme, signée de la plume de Yu Hua (chevalier des arts et des lettres en France depuis 2004).

    C’est en juin 2018 que j'ai lu cette nouvelle pour la première fois, juste après mon premier voyage à Cannes avec On The Border (court-métrage en compétition), raconte le cinéaste. Elle m’a rappelé Tristan et Isolde, [...] un cauchemar absurde et silencieux dont on ne se réveille jamais. Ce film est né de cette sensation.

    Copyright KXKH Films

    Pour autant, l’adaptation cinématographique d’Only the River Flows ne se contente pas d’épouser la noirceur profonde dont est traversée la nouvelle éponyme, adoptant pour ce faire les codes des plus grands films noirs comme autant de références. Un élément supplémentaire, déjà présent dans l’œuvre du brillant Yu Hua, permet à l’enquête de l’inspecteur Ma de gagner encore en complexité pour atteindre une profondeur vertigineuse : la portée sociologique du récit, lui permettant d’épouser la mentalité chinoise de toute une époque.

    L’adaptation de la nouvelle de Yu Hua comporte en elle-même plusieurs données : d'abord le récit d’une série de meurtres, écrit par Yu Hua dans le style littéraire des années 80-90, et porteur de thèmes alors très présents : d’une part le poids excessif de l’esprit collectif qui pèse sur l'individu, et d’autre part la solitude de l’individu face à un monde absurde.

    La nouvelle comporte aussi une forme de subversion du récit policier traditionnel : non seulement la résolution de l’énigme n’est pas son unique enjeu, mais l’œuvre est également plus secrète, plus inattendue, plus obscure que les récits policiers classiques, ce qui a contribué, à l’époque, à faire considérer la nouvelle comme une œuvre d‘avant-garde.

    Copyright KXKH Films

    Hommage décomplexé aux plus grands films noirs et à la littérature policière, pourtant moderne et vertigineux par sa subversivité, Only the River Flows est une œuvre majeure du cinéma contemporain qui laisse songeur, comme après un terrible cauchemar.

    Un film de Wei Shujun à découvrir dès maintenant au cinéma.

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