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    Les Fantômes : présenté à Cannes, l’un des meilleurs thrillers de l’année est à découvrir au cinéma
    Isaac Barbat
    Isaac Barbat
    -Rédacteur ciné-séries
    Biberonné aux films de genre dès son plus jeune âge, amoureux des monstres et de l'hémoglobine, ses excursions cinématographiques le mènent parfois jusqu'à Truffaut ou Duvivier… pour son plus grand plaisir !

    Présenté à la Semaine de la critique de la 77e édition du Festival de Cannes, Les Fantômes est l’un des thrillers les plus efficaces et bouleversants de cette année. Une perle sombre, intense et nuancée, à découvrir dès maintenant en salle.

    Liaisons dangereuses

    Brillant professeur de littérature, Hamid (Adam Bessa) quitte sa Syrie natale à la suite de la guerre civile et vient chercher l’asile en Europe. Survivant de petits boulots payés au noir à Strasbourg, le jeune homme semble en réalité à la recherche de quelqu’un. Mais pour quelles raisons ?

    Les Fantômes
    Les Fantômes
    Sortie : 3 juillet 2024 | 1h 46min
    De Jonathan Millet
    Avec Adam Bessa, Tawfeek Barhom, Julia Franz Richter
    Presse
    4,0
    Spectateurs
    3,8
    louer ou acheter

    Aidé par un réseau secret qui semble entretenir le même objectif, Hamid accumule les preuves et indices. Mais lorsqu’il pense reconnaître l’homme qu’il cherche (Tawfeek Barhom), il est finalement pris d’un doute et commence à remettre en question son projet.

    Copyrights Memento Distribution

    Un long-métrage documenté et passionnant

    Projeté en ouverture de la semaine de la critique du 77e Festival de Cannes, Les Fantômes est le premier long-métrage de fiction du réalisateur Jonathan Millet. En effet, le cinéaste est surtout célèbre pour Ceuta, douce prison, un documentaire proposant une immersion époustouflante dans le quotidien de migrants en plein voyage. Salué par la critique autant que par le public, ce point majeur de la filmographie de Jonathan Millet témoigne de son amour premier pour le genre documentaire et la précision du traitement de sujets sociaux, qui lui tiennent à cœur.

    Autant de sensibilités justifiées par son parcours de jeunesse, atypique : “À 18 ans, muni d’une caméra, je pars voyager, sans destination précise, raconte-t-il. [...] Je me retrouve avec ma caméra à parcourir le monde, on m’encourage surtout à aller dans les régions les plus reculées qui soient. Je traverse et filme l’Iran, le Soudan, le Pakistan, toute l’Amérique du sud, l’Afrique, et le Moyen-Orient. Je commence ainsi à apprendre à saisir les visages, les espaces, à essayer de retranscrire une atmosphère en quelques plans.

    Vers vingt ans, je me suis installé à Alep où j’ai commencé à apprendre l’arabe et noué de nombreuses amitiés. Quelques années plus tard, la guerre éclate et certains de mes amis d’Alep m’envoient photos et vidéos du conflit et du quartier où je vivais, qui a été complètement détruit pendant la guerre. Ils s'exilent à Istanbul où je les retrouve à plusieurs occasions, au cœur de la communauté syrienne de Turquie, puis en Allemagne. C’est le début de leur long exil que je suis pas à pas.

    Copyrights Memento Distribution

    Solidifié par des années de recherches et de recoupements, des dizaines de témoignages et des kilomètres de voyages, le premier long-métrage de fiction de Jonathan Millet vibre d’une troublante authenticité et parvient à saisir l’essence historique et politique du conflit dont l’intrigue des Fantômes se sert de cadre.

    Des interprètes conscients du poids de l’histoire qu’ils portent

    Mais loin d’être une seule capture de la réalité, Les Fantômes brille par la qualité de son écriture. Co-scénarisé par Jonathan Millet et Florence Rochat, l’intrigue emprunte, par sa gestion de la tension dramatique et sa présentation des enjeux, aux films noirs et d’espionnage toute leur subtilité, mais aussi aux plus grands drames leur gravité quasi-palpable.

    Le personnage de Hamid apporte avec habileté nuance et puissance à la fois. Habitée d’un désir de justice aussi trouble qu’elle est torturée par son passé traumatique, cette figure fantomatique convainc par l’ampleur de sa motivation autant qu’elle émeut par ses failles inévitables. Moralement trouble, Hamid erre dans les rues de Strasbourg pour retrouver celui qu’il cherche, se persuade, doute, se décide, hésite à nouveau…

    Absolument brillant dans ce rôle tout en contraste, Adam Bessa marque les esprits durablement. Déjà récompensé à Cannes d’un prix d’interprétation masculine dans la catégorie Un certain regard pour Harka, il confirme toute l’immensité de son talent dans cette nouvelle performance inoubliable. Filmé en très gros plans par Jonathan Millet, son visage oscille entre la résolution et la blessure profonde et laisse entrevoir toute la complexité de jeu d’un très grand acteur.

    Copyrights Memento Distribution

    Dans un projet aussi documenté que sensible, qui semble constamment à mi-chemin entre l’explosion de fureur sourde et le désespoir le plus absolu, Jonathan Millet accompagne le long chemin du deuil et du désir de justice des victimes de la guerre et aboutit, par son talent autant que par celui de ses interprètes, à un premier grand film.

    Les Fantômes, actuellement au cinéma.

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