Mon compte
    Un requin peut-il vraiment survivre dans la Seine ? Deux biologistes marins reviennent sur la crédibilité du film Netflix
    Emilie Semiramoth
    Emilie Semiramoth
    Cheffe du pôle streaming, elle a été biberonnée aux séries et au cinéma d'auteur. Elle ne cache pas son penchant pour la pop culture dans toutes ses excentricités. De la bromance entre Spock et Kirk dans Star Trek aux désillusions de Mulholland Drive de Lynch, elle ignore les frontières des genres.

    Disponible depuis le 5 juin sur Netflix, le film de requin "Sous la Seine" est loin de faire l’unanimité même s’il caracole en tête du top de la plateforme. AlloCiné s’est entretenu avec deux biologistes marins, ils rendent leur verdict.

    C’est un succès d’audience incontestable si l’on en croit le site FlixPatrol qui déclare que Sous la Seine est numéro un dans plus de 85 pays. Le film de Xavier Gens, bien qu'ayant capté l'attention par son scénario improbable situant un requin mako dans les eaux parisiennes de la Seine, soulève des questions élémentaires quant à sa représentation des réalités biologiques de cet animal.

    Selon Armelle Jung et Paul Abaut, deux biologistes marins œuvrant pour la conservation des requins via l’association Des Requins et des hommes, cette liberté scénaristique s'écarte de manière significative des faits scientifiques établis sur les requins.

    Sous la Seine
    Sous la Seine
    Sortie : 5 juin 2024 | 1h 44min
    De Xavier Gens
    Avec Bérénice Bejo, Nassim Lyes, Anaïs Parello
    Presse
    2,0
    Spectateurs
    1,7
    Voir sur Netflix

    Un requin dans la Seine, vraiment ?

    Paul Abaut remet en question la base même de l'intrigue, soulignant l'erreur fondamentale de placer un requin mako, une espèce océanique et pélagique (du grec pelagos qui signifie mer, et qui se dit d’un organisme du milieu marin qui nage) dans un environnement d'eau douce comme la Seine.

    "Un requin mako qui rentre dans la Seine en eau douce, ce n'est pas du tout son milieu. C'est un requin pélagique qui va vivre en eau salée dans les océans, surtout en océans ouverts," précise-t-il. Armelle Jung, de son côté, aborde les inexactitudes autour des méthodes de suivi du requin montrées dans le film, décrivant les technologies utilisées comme improbables dans le monde réel.

    "Les méthodes d'études [...] qui feraient rêver pas mal de scientifiques sur le fait de pouvoir repérer un requin en direct et le suivre avec un petit ordinateur portable [...] ça n'existe pas en fait," explique-t-elle.

    Sofie Gheysens/Netflix

    Le mythe du requin mangeur d’hommes

    En outre, le film attribue au requin mako un comportement agressif envers les humains, ce qui, selon Paul Abaut, alimente une peur irréaliste et stigmatise davantage ces animaux marins déjà mal compris.

    "C'est toujours une image comme dans Les Dents de la mer, indifféremment de l'espèce, ça va être un requin qui va être dirigé vers les humains, c'est sa nourriture et il faut qu'il se nourrisse d'humains. Ce n'est pas le cas," affirme le jeune homme qui plonge régulièrement avec Armelle Jung au large des côtes bretonnes et fréquente régulièrement ces animaux fascinants.

    "Ce requin qui est représenté encore comme un mangeur d'hommes sanguinaire qui s'attaque à tout ce qui passe. On parle d'animaux qui sont quand même relativement timides et craintifs par ailleurs." s’insurge Armelle Jung. "Encore ce fantasme de l'animal prédateur qui va dévorer entièrement et qui est voué à faire du mal à l'humain."

    "Beaucoup de gens vont se baigner dans des zones où il y a des requins, ils ne le savent même parfois pas. Et ils ne le remarqueront certainement jamais." conclut Paul Abaut.

    Netflix

    La crédibilité scientifique en option

    Quant à la représentation de la croissance rapide et de la reproduction des requins mako par parthénogénèse – c’est-à-dire une reproduction sans intervention d'un mâle – elle est également critiquée pour son manque de réalisme mais surtout de fidélité à la science.

    "La représentation de la croissance rapide et de la reproduction par parthénogénèse est hallucinante. En réalité, les requins ont une croissance très lente et la parthénogénèse est un phénomène rare qui ne conduit pas à une reproduction massive comme suggéré dans le film." nous explique Paul Abaut.

    Ces observations scientifiques soulèvent un débat intéressant sur l'équilibre entre la créativité cinématographique et l'exactitude scientifique, un équilibre souvent difficile à maintenir dans les films de genre où l'exagération prime souvent sur la réalité. Même si ce parti pris est visiblement assumé dans Sous la Seine, il sera toujours nécessaire de rétablir les faits.

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Sur le même sujet
    Commentaires
    Back to Top