"Eh bien, je suis très content que vous soyez venu..." Les yeux emplis de bienveillance, Kevin Costner (quelle voix !) sourit alors que j’entame mon interview en lui partageant mon émotion de pouvoir parler (enfin) westerns avec lui, dans ce palace cannois, trente-trois ans après avoir découvert son Danse avec les loups sur grand écran à Nice, à quelques kilomètres de la Croisette.
Nous sommes en 1991 – le film est sorti le jour de mon onzième anniversaire, tout un symbole – et je découvre mon tout premier western au cinéma avec son film, immense, qui laissera une marque indélébile dans le cœur et la mémoire du jeune spectateur que j’étais. Confirmant plus que jamais ma passion pour le 7e Art. Et mon rêve de "travailler dans la presse cinéma" si j’en avais la chance un jour.
Toujours juste
Trente-trois ans après, la passion est intacte. Et j’ai pu réaliser ce rêve, au sein de la maison jaune et noire d’AlloCiné. Entre-temps, Kevin Costner aura été l’une des stars qui a le plus accompagné mon amour des films durant les années 80/90, avec Harrison Ford, Mel Gibson, Patrick Swayze ou Dennis Quaid. Inoubliable Eliott Ness dans Les Incorruptibles (très westernien dans son approche), magnifique prince des voleurs dans Robin des Bois, intense Jim Garrison dans JFK, touchant braqueur dans Un monde parfait… TOUT Kevin Costner trouve grâce à mes yeux.
Même ses films moins connus (la pépite Jusqu’au bout du rêve, Le Prix de l'exploit, son épisode de Histoires fantastiques), ses échecs grandioses (Waterworld, Postman) ou ses productions récentes certes moins mémorables que son incroyable décennie 1990 (Coast Guards, Draft Day, L'un des nôtres ou The Highwaymen). Kevin Costner est toujours juste. Même sous-exploité dans un blockbuster comme Man of Steel, il y est à mes yeux LE (seul ?) vecteur d’émotion capable de transmettre en quelques scènes une vraie humanité au milieu de la déferlante CGI du Superman de Zack Snyder.
Danse avec les frangins
En 2016, j’avais déjà eu l’opportunité d’avoir un premier échange avec Monsieur Costner. En obtenant de l’attaché de presse (que je ne remercierai jamais assez pour ce cadeau) de pouvoir être exceptionnellement accompagné de mon grand frère avec qui j’ai "poncé" la filmographie de l’acteur dans nos jeunes années. Le jour J arrive, et nous sommes réunis, entre frangins, face à Kevin Costner. Celui dont les affiches tapissaient nos murs d’ados.
Tout au long de l’interview, je sens l’acteur intrigué par la présence, au fond de la pièce, de ce "double" (nous nous ressemblons beaucoup, mon frère et moi) qui assiste à notre questions/réponses en silence. En fin de junket, je lui explique enfin de qui il s’agit et fais les présentations.
L’échange qui suit, évidemment trop court, fut vraiment un joli moment, Kevin Costner nous confessant justement faire du cinéma pour inspirer joie, rêve et passion aux jeunes spectateurs. Dès lors, voir ces deux frangins dans leur quarantaine venir le remercier, ensemble, le touche donc sincèrement. Et c’est même lui qui nous propose de prendre une photo souvenir, tous les trois. Elle est depuis encadrée.
Parlons western
En 2016 toutefois, il s’agissait d’une interview pour un thriller (Criminal). Pas le temps d’évoquer la passion "western de Kevin Costner" qui m’habite. Danse avec les loups, Wyatt Earp, Open Range, Hatfields & McCoys, Yellowstone : autant d’œuvres marquantes qui traversent sa filmographie depuis Silverado il y a quarante ans.
Et désormais Horizon, vaste épopée d’un genre nouveau, entièrement supervisée par Kevin Costner pour raconter le véritable Ouest et ceux et surtout celles qui l'ont fait, en prenant le temps de plusieurs longs (longs) métrages. Un format hybride entre la série et le cinéma, dont le premier opus, présenté à Cannes hors compétition, sortira le 3 juillet prochain, suivi du deuxième volet le 11 septembre. Les troisième et quatrième films restant à tourner.
"Dans un western, il y a ce sentiment de grands espace et d'ouverture, cette sensation que tout est possible", m'explique le réalisateur-scénariste-acteur-producteur (il a financé une grande partie du projet lui-même). "Mais les compétences nécessaires pour survivre à l'Ouest étaient très particulières, et les personnes qui venaient ici ne les possédaient pas toujours. L'Ouest était dur avec les gens. Rien n'était simple. Des gens ont péri en poursuivant un rêve. Ils ont traversé l'océan en se disant qu'il y avait quelque chose ici pour eux. Beaucoup de gens ont trouvé leur rêve, et d'autres ont été écrasés par ce rêve. Il y a toujours des drames dans l'Ouest".
"C'est un voyage"
Voilà pour le western en général. Et pour le projet Horizon en particulier ? "Je savais qu'il y aurait quatre films. Cette histoire n'est pas terminée après le premier film. Ces personnes commencent à peine leur voyage, qui est difficile, et elles ne font qu'apprendre. Certains habitants de l'Ouest ont eu de la chance. D'autres n'ont pas eu de chance. La violence est passée à côté de quelqu'un, et la violence en a touché d'autres. Au hasard. On ne sait donc pas qui va s'en sortir dans l'histoire..."
"Mais ce n'est pas un braquage de banque. Ce n'est pas une intrigue cadrée. C'est un voyage. Et j'espère qu'il sera intéressant. J'espère que vous aurez l'impression de voir de vraies personnes prendre de vraies décisions dans un pays qui était ouvert, alors qu'il n'y avait rien".
"Il représente tout ce que le cinéma était à mes yeux en grandissant"
L’entretien se termine. Mes six minutes et quinze secondes ont filé en un clin d’œil. Je n’ai posé que cinq des innombrables questions que je prépare depuis... trente-trois ans. Mais la rencontre a été belle, et je remercie très sincèrement Kevin Costner "pour tout" en le saluant (une poignée de main de cowboy... j'espère du moins). Je garderai ce moment en mémoire très longtemps. Passion Kevin Costner.
Et sans surprise, je ne suis pas le seul. Dans l’hospitality room, chambre d’hôtel réaménagée en salle d’attente géante où tous les journalistes patientent en attendant leur créneau d’interview, chacun échange ses souvenirs du "Patron", comme le surnomment ce matin les attachés de presse. Une consœur confie avoir apporté et montré (!) à Kevin Costner son journal intime d’adolescente, noirci de déclarations d’amour pour l’acteur. Quand un confrère se souvient, comme moi, de sa découverte de Danse avec les loups sur grand écran lors d’une séance avec entracte (les films longs étaient rares à l’époque).
Sienna Miller, que j’ai également le plaisir de rencontrer lors de ce junket, me confie elle aussi sa passion pour son cinéma. Et pour Danse avec les loups en particulier. "C’est la première fois que j’ai été bouleversée par un film. J’ai appelé mes lapins Chaussette et Cisco à l’époque (les noms du loup et du cheval dans le film, NDLR). "Je l’ai revu avant de tourner Horizon, et il n’a rien perdu de sa force. Personne ne sait mieux raconter cette époque que Kevin Costner. Il représente tout ce que le cinéma était à mes yeux en grandissant". Pas mieux.