Sept ans après La Promesse de l'aube d'Eric Barbier inspiré de l'œuvre homonyme de Romain Gary, l'auteur français est une nouvelle fois adapté au cinéma. Cette fois-ci c'est son roman - également inspiré de sa vie - "Chien Blanc", écrit en 1969, qui fait l'objet d'un long métrage.
L'ouvrage a déjà inspiré Samuel Fuller en 1982 pour son film Dressé pour tuer.
Mis en scène par la cinéaste canadienne Anaïs Barbeau-Lavalette, Chien Blanc est emmené par Denis Ménochet, Kacey Rohl, K.C. Collins et Peter Bryant.
Le film se déroule en 1968 aux Etats-Unis. Martin Luther King est assassiné et les haines raciales mettent le pays à feu et à sang. Romain Gary (Ménochet) et sa femme l’actrice Jean Seberg (Rohl), qui vivent à Los Angeles, recueillent un chien égaré, dressé exclusivement pour attaquer les Noirs : un chien blanc. L'écrivain, amoureux des animaux, refuse de le faire euthanasier, au risque de mettre en péril sa relation avec Jean, militante pour les droits civiques et très active au sein des Black Panthers.
Pourquoi Pierre Niney n'incarne pas de nouveau Romain Gary ?
C'est le comédien français Denis Ménochet, déjà vu dans les succès critiques Jusqu'à la garde, As Bestas et Grâce à Dieu, qui interprète Romain Gary à l'âge de 55 ans. Il succède ainsi à Pierre Niney qui tenait le rôle de l'écrivain jeune dans La Promesse de l'aube, dont l'histoire se termine en 1945. 23 ans séparent ainsi les deux histoires.
La jeune comédienne canadienne Kacey Rohl, vue dans les séries The Magicians et Arrow, prête pour sa part ses traits à l'icône de la Nouvelle Vague Jean Seberg, qui avait 24 ans de moins que le romancier.
Une histoire d'amour tourmentée
Romain Gary et Jean Seberg se sont rencontrés en 1959 à Los Angeles, malgré leur différence d'âge (il était alors âgé de 45 ans et elle de 21 ans), c'est le coup de foudre.
Le lauréat du Prix Goncourt et l'actrice d'A bout de souffle se marient en secret le 16 octobre 1963 avant de divorcer en 1970 en raison de trop grandes différences. Des divergences qui se retrouvent au cœur de Chien Blanc.
Le long métrage aborde un chapitre d’une grande histoire d’amour, celle de Gary et Seberg, militante pour les droits civiques et membre active des Black Panthers. mais aborde également, et surtout la question du racisme. La réalisatrice déclare dans le dossier de presse : "Avant tout, Chien Blanc pose cette question éminemment moderne : est-il possible de prendre part à une lutte qui ne nous appartient pas ? Est-ce même souhaitable ? Et si oui, de quelle façon ? À quel prix ? Au lendemain de l’essentielle vague du Black Lives Matters, la recherche d’un dialogue interracial émerge encore plus fort.
Comment être un allié Blanc sans tomber dans le complexe du Sauveur Blanc ? Comment allier le cœur anti-raciste, les idéaux anti-racistes et les gestes anti-racistes ? Chien blanc aborde ces questionnements de front. En ce sens, notre film interroge la position des Blancs dans la lutte contre le racisme. Les collaborateurs Afro-descendants le disent : nous avons besoin de ce film-là. Il est nécessaire."
Des consultants pour le contexte historique
Pour les besoins de son long métrage, Anaïs Barbeau-Lavalette a travaillé avec deux consultants Afro-descendants, Maryse Legagneur et Will Prosper, échangeant avec eux sur tous les aspects du film, des dialogues aux accessoires. Elle se souvient : "Cinéastes et militants, ils ont accepté d’être impliqués, accompagnant le projet depuis le scénario jusqu’au montage. Tous deux Afro-descendants, ils ont apporté leur savoir et leur sensibilité à mon film. Un dialogue neuf, fragilisant et essentiel, s’amorçait. De façon très concrète, ils ont encadré les scènes plus difficiles du tournage, présentant par exemple aux figurants blancs et noirs le contexte historique de la ségrégation, des strange fruits, des lynchages.
Des discussions neuves, émouvantes et brillantes, sont ainsi nées, éclairées par leur regard sur le contexte des scènes. Maryse et Will étaient là pour pointer mes angles morts. Pour lever tous les drapeaux rouges devant les pièges invisibles à mes yeux. Jamais je n’ai pris conscience de façon aussi tangible et profonde de ma blancheur. Le processus, vulnérabilisant, parfois confrontant, fut d’une richesse incroyable. Les impacts de tel ou tel choix de réalisation, ceux de telle phrase ou même de tel choix de décor ou d’accessoires furent discutés. Les consultants ont aussi pris part à différentes phases du montage, me questionnant perpétuellement et intelligemment sur mes choix.
Je les ai parfois écoutés, parfois non. C’était le deal : on avançait côte à côte, mais je tenais les rênes de l’histoire et j’en assumais les choix. De nouvelles idées sont nées de ces conversations, souvent surprenantes."
La cinéaste a volontairement choisi de conserver l'aspect dérangeant du roman et en explique la raison : "Chien Blanc étant livre dérangeant, nous avons embrassé l’idée de faire un film dérangeant. Dérangeant parce qu’il ne donne aucune réponse, mais tente plutôt d’éclairer les zones d’ombres où rien n’est ni noir ni blanc; et où on avance en funambule sur le fil ténu de la morale. C’est en somme un humble rappel, aux humains que nous sommes, sur l’importance d’aimer.Aimer ce qui nous unit, et ce qui nous distingue. Comme le dit Romain à la fin du film: «le plus grand et le plus beau des risques c’est d’aimer»".
Chien Blanc est à voir au cinéma dès ce mercredi 22 mai.
Notons que Jean Seberg sera au centre du film de Richard Linklater Nouvelle vague qui sortira prochainement dans nos salles. C'est la comédienne américaine Zoey Deutch qui prête ses traits à l'icône et succède ainsi à Kristen Stewart qui incarnait Jean Seberg dans le film éponyme de Benedict Andrews sorti en 2020.