Dune 2, suite de l'épopée mise en scène par Denis Villeneuve, est enfin sortie dans les salles ! Le cinéaste canadien a relevé un défi astronomique : adapter l'œuvre mythique de Frank Herbert. Un des challenges les plus difficiles consistait à trouver les décors qui allaient devenir Arrakis, planète aride dans laquelle se déroule le récit.
L’une de ses conditions pour mener à bien cette tâche a été de filmer la plupart des scènes dans le désert, dans de vrais décors. Denis Villeneuve voulait plonger ses acteurs dans un environnement plus vrai que nature.
L'infini du désert
"C’est comme pour Les Dents de la Mer : ils n’ont pas tourné dans une piscine ! Le film s’appelle Dune et vous devez donc sentir l’infini de ce désert qui se déroule devant vous. Pour moi, Dune, c’est la tragédie d’une famille traversant un bouleversement de leur environnement.
C’est un film sur la capacité que nous avons de nous adapter face à toute situation extrême… un peu comme ce que nous traversons en ce moment", analysait le cinéaste à notre micro en septembre 2020.
Le producteur Joe Caracciolo, Jr. a été impressionné par la démarche du metteur en scène canadien. Cette dernière consistait à donner à son film le plus d'authenticité possible. "Très en amont, Denis Villeneuve nous a prévenus qu’il ne voulait pas s’appuyer massivement sur les effets visuels, sauf quand c’était absolument nécessaire", confie le producteur.
"Il y en a, bien sûr, mais il tenait à tourner physiquement autant de scènes que possible, avec d’authentiques éclairages, de véritables reflets et jeux d’ombres, et il souhaitait que les acteurs soient vraiment au contact du sable, de la poussière et de la terre."
Arrakis en Jordanie
L'équipe de Dune 1 et 2 a donc tourné en décors réels en Hongrie, en Jordanie, à Abu Dhabi, en Italie et en Norvège. Le réalisateur et ses équipes artistiques ont ainsi pu créer leurs propres planètes.
Pour l'aider dans cette lourde tâche, Villeneuve a notamment engagé le chef-décorateur Patrice Vermette, avec lequel il a déjà travaillé sur Sicario, Enemy, Prisoners et Premier contact.
"En Jordanie, on a adoré Wadi Rum où on avait tourné pour le premier film, mais Denis et moi recherchions d’autres sites pour multiplier les points de vue, les paysages et les configurations de lieux.
Par ailleurs, il y avait eu des pluies diluviennes dans le désert en 2020, si bien que les espaces que nous avions utilisés précédemment étaient couverts de végétations alors que, bien entendu, il n’y a ni arbres, ni plantes sur Arrakis", indique Patrice Vermette.
Wadi Rum est aussi connu sous le nom de Vallée de la lune, en raison de son paysage irréel, taillé dans le granite et le grès. "On a choisi une formation rocheuse à Wadi Rum, en Jordanie, pour les pièges à vent. C’est une technologie qui existe : les filets captent l’humidité dans l’atmosphère portée par le vent, puis la transforment en gouttes d’eau qui ruissellent jusqu’au pied des pièges", explique le chef-décorateur.
"Ils ont été construits à Budapest, puis acheminés par hélicoptère car ils pèsent chacun 400 kg. Notre graphiste s’est inspiré du dessin d’une araignée que je lui ai donné, une araignée qui tissait sa propre toile, et le dessous du piège est le ventre de l’araignée."
La planète Arrakis n'est pas surnommée Dune pour rien. Elle est recouverte de sable dans sa totalité, offrant une beauté désertique s'étendant à perte de vue. Pour Villeneuve, son chef-opérateur Greig Fraser et son chef décorateur Patrice Vermette, le défi était de renoncer aux fonds verts pour créer le paysage idéal de Dune sur Terre.
Ils ont donc tourné sur les plateaux et les extérieurs des studios Origo à Budapest en Hongrie, et sur des sites naturels de Jordanie.
"Patrice Vermette est l’une des personnes les plus douées que je connaisse. Ses créations mentales sont un peu effrayantes car il possède ce don inné pour fabriquer un décor extraordinaire.
Ses décors dépassent même ceux qu’il avait mis au point pour le premier film alors qu’ils m’avaient déjà époustouflé à l’époque. Ce qu’il a imaginé pour la deuxième partie est sidérant. Il fallait que je me pince pour y croire, en tant que chef-opérateur, car c’était un véritable rêve de pouvoir éclairer des décors pareils", souligne Denis Villeneuve.
Ce qu’il a imaginé pour la deuxième partie est sidérant.
Ne pas se reposer sur le numérique
"Ce que Patrice Vermette a construit à Budapest rappelait l’âge d’or hollywoodien. On voit rarement des décors de cette envergure de nos jours où tout est transformé numériquement. Mais pour ce projet, tout se résume à la vision de Denis qui voulait que l’ensemble soit filmé réellement, sans se reposer sur le numérique.
On a donc bâti des décors en dur d’une bien plus grande envergure que la plupart des productions actuelles", précise la productrice Mary Parent. En outre, l'équipe de décoration était composée d'environ mille personnes !
À noter que Villeneuve avait déjà tourné en Jordanie. Il avait donc conscience des trésors que ce pays avait à offrir. "Je me souviens d’être tombé amoureux des habitants et des paysages de Jordanie qui sont magnifiques. C’est impressionnant de voir le paysage changer tous les 40 kilomètres. Il y a là-bas de nombreux types de désert, ce qui dépasse l’entendement", indique le metteur en scène.
"La première fois que je m’y suis rendu, je me rappelle m’être dit que, si jamais je réalisais un film comme Dune, ce serait l’endroit rêvé. C’est lié à la luminosité, à l’âme du pays que nous avons restituée à l’écran, à mon avis.
Je n’ai ressenti ce genre d’émotion nulle part ailleurs. Il y a une atmosphère assez grandiose dans ces paysages qui convient parfaitement à Dune", analyse le Canadien.
Giedi Prime en Hongrie
Les séquences sur la planète Giedi Prime (notamment celle du combat dans la gigantesque arène) ont été tournés dans les studios Hungexpo en Hongrie. Pour Patrice Vermette, l’histoire de Dune est hors du commun et il fallait donc que les décors s’en fassent l’écho.
"On a tourné sur un plateau, qui n’en est pas vraiment un : il s’agit d’un espace d’exposition à Budapest qui s’appelle Hungexpo. Il fait plus de 9500 m2 et près de 14 m de hauteur, ce qui était parfait pour nous, et un autre espace de près de 5400 m2 le complète.
Cela nous a permis de construire des décors à la bonne échelle pour Giedi Prime et la tente impériale et quelques autres décors. Il y avait quelques éléments qui ne tenaient pas dans cet espace, mais on a appris quelques trucs sur le premier opus pour tricher avec les lois de la physique".
Un sanctuaire secret
Dans cette seconde partie de Dune, Denis Villeneuve et ses équipes ont pu également tourner des scènes dans un endroit où personne n'avait encore posé ses caméras. Pour les plans concernant les discussions entre Charlotte Rampling (Mohiam) et la princesse Irulan (Florence Pugh), la team Dune s'est envolée pour l'Italie, à San Vito d'Altivole près de Trévise.
Ici, on y retrouve un sanctuaire conçu par l'architecte vénitien Carlo Scarpa entre 1968 et 1978. "On a passé quelques jours en Italie au début du tournage et on s’est rendus dans un lieu très précis, le sanctuaire de Brion. C’est une merveille architecturale que l’on doit à Carlo Scarpa. C’est absolument stupéfiant et singulier", révèle la productrice Tanya Lapointe.
"C’est ce qui nous avait inspiré l’architecture de Caladan dans le premier film, mais on n’y avait jamais tourné. Pour le deuxième opus, Patrice Vermette a contacté la famille Brion et leur a demandé si c’était possible d’y tourner.
Ils avaient toujours refusé – aucun film ne s’était tourné sur place jusque-là – mais la famille Brion avait lu Dune de Frank Herbert et adoré le film de Denis et elle a donc donné son accord pour qu’on tourne sur leur site", explique la productrice.
"Du coup, quand on voit la Révérende Mère Mohiam et la Princesse Irulan arpenter les jardins, il s’agit du sanctuaire de Brion. On s’est contenté d’y aménager quelques meubles pour créer le bureau de la Princesse.
Sinon, c’était tellement beau en l’état qu’on n’avait rien à faire. On voit même les nénuphars dans l’étang des carpes koï, et on les a filmées. C’était une bonne manière d’entamer le tournage, avec Charlotte Rampling, Florence Pugh et Léa Seydoux dans ce cadre intime."
La famille Brion a même dit non à la production de Star Wars !
Pour le chef-décorateur Patrice Vermette, Carlo Scarpa est un "dieu". "Il m’avait déjà beaucoup marqué pour les décors de Dune. On cherchait à imaginer un jardin impérial pour ce nouvel opus. J’ai montré à Denis mes ouvrages de référence et quand on a vu le Sanctuaire de Brion, il m’a dit 'C’est surréaliste. C’est exceptionnel. Essayons de tourner là-bas'. Aucun film ne s’était tourné là-bas. La famille Brion a même dit non à la production de Star Wars !", dévoile l'artiste.
"Mais quand le fils Brion a su que c’était pour Dune 2, il nous a rencontrés et nous a donné son accord. C’était extraordinaire : c’est la première fois que je me mets à pleurer en visitant un endroit. J’ai rencontré le fils de Carlo Scarpa, Tobias, et ils ont tous repéré l’influence de Scarpa dans Dune. Il y avait donc une vraie logique", conclut Patrice Vermette.
Dune 2 est sorti en salles le 28 février.