Sans jamais nous connaître, au cinéma depuis mercredi 14 février 2024 en France, est un film qui devrait vous rester longtemps en tête.
Le film suit le rapprochement de deux hommes, vivant dans un même immeuble, qui semble totalement déserté. L'un d'eux, Adam, est assailli par des souvenirs de son passé et retourne dans la ville de banlieue où il a grandi. Arrivé devant sa maison d'enfance, il découvre que ses parents occupent les lieux, et semblent avoir le même âge que le jour de leur mort, il y a plus de 30 ans...
Au-delà de son duo d'interprète magnétique (Paul Mescal et Andrew Scott), il ressort de ce long métrage une ambiance singulière grâce à ses choix de mise en scène et son récit très riche, presque métaphysique.
Aborder des enjeux plus psychologiques, quasi métaphysiques
"J’avais envie de m’inspirer de mon propre passé, un peu comme le personnage d’Adam le fait dans le film. Ce qui m’intéressait, c’était de fouiller la complexité de l’amour familial et des relations amoureuses, mais aussi le vécu d’une génération bien particulière d’homosexuels qui a grandi dans les années 80. Je souhaitais m’éloigner du récit fantomatique du livre [dont le film est adapté], et aborder des enjeux plus psychologiques, quasi métaphysiques", explique le réalisateur dans le dossier de presse du film.
ATTENTION, CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS
Sans jamais nous connaître est un film qui aborde de nombreux sujets (la solitude, l'homosexualité, l'amour, la mort...) et qui a la particularité d'être une de ses œuvres à laquelle on repense beaucoup après l'avoir vue, car les niveaux de lecture semblent multiples.
Que comprendre de la dernière séquence du film ?
A la toute fin du film, on comprend que Harry est mort lorsque Adam le retrouve étendu sur son lit, et manifestement dans cette position depuis un certain temps, avec une bouteille d'alcool à ses côtés (en l'occurrence la bouteille d'alcool que l'on voit au début du film). Une scène évidemment déchirante qui nous fait, d'un coup, reconsidérer tout ce que l'on vient de voir. On s'interroge : depuis combien de temps est-il mort ? Etait-il mort depuis le début ?
Le magazine Empire a interrogé le réalisateur du film sur cette fin. "Je pense que c'est la tragédie de cette forme de solitude", explique Andrew Haigh. "Le fait qu'il soit dans cette pièce, qu'il soit mort et que personne ne l'ait retrouvé ainsi, y compris ses parents. Ils n'avaient pas l'air de savoir où il était. Et pour moi, c'est quelque chose qui vous brise le cœur et dit beaucoup de choses. Cette forme d'amour consiste à s'assurer que vous vous souciez de l'autre et de savoir qu'ils ont besoin de vous."
Sans jamais nous connaître nous montre la connexion unique qui se créé entre Adam et Harry, et qui restera la dernière image qui se dégage du film, en nous emmenant dans les étoiles. Le côté métaphysique du film dont parle le cinéaste ci-dessus passe également par l'approche sensorielle qu'il donne à son film.
Une ambiance mélancolique et étrange
Cette approche sensorielle est notamment le résultat de la très belle direction artistique du film. Le directeur de la photographie du film est Jamie Ramsay, qui a notamment travaillé sur Entre les lignes d'Eva Husson.
Quant à la musique, elle est presque un personnage à part entière du film, tant elle occupe une place importante dans l'expérience spectateur. Il s'en dégage une ambiance très mélancolique, et presque étrange.
Il y a la partie chansons préexistantes, avec quelques tubes des années 80 comme The Power of love de Frankie Goes To Hollywood, Always on my mind de Pet Shop Boys, ou encore Is this love d'Alison Moyet).
Le film se termine d'ailleurs sur The Power of love de Frankie Goes To Hollywood, avec notamment les paroles suivantes "Keep the vampires from your door". Ces paroles nous incitent elles aussi à penser que l'un des personnages, voire les deux, sont mort bien avant qu'on ne le comprenne. Les pupilles et la lumière crépusculaire du film confortent cette vision du film.
Par ailleurs, l'impressionnant travail sonore dans son ensemble, qui passe par la bande-originale du film, créée par la française Emilie Levienaise-Farrouch, accentue cette impression de fin du monde / fin de vie.
De quoi parle Sans jamais nous connaître ?
Le film Sans jamais nous connaître est-il une histoire d'amour, une histoire de fantômes ? A vrai dire, les deux mélangés. On pourrait dire qu'il s'agit d'un film qui parle de nos fantômes, qu'il s'agisse d'amours passées, d'êtres chers qui nous ont quitté, et en liant les deux, peut être qu'Andrew Haigh a voulu, à l'instar d'un film comme 120 battements par minute, nous parler de toutes ces personnes disparues avec le virus du SIDA. Le réalisateur a expliqué lors d'interviews qu'il espérait toucher les ados gay des années SIDA. Pour boucler la boucle, précisons que la chanson de fin du film, The Power of Love, est sortie justement en pleine épidémie de SIDA dans les années 80, et symbolise encore cette époque de perte, avec une musique très émouvante.
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Sans jamais nous connaître d'Andrew Haigh, avec Paul Mescal et Andrew Scott, est à l'affiche ce mercredi 14 février 2024.