À l'occasion de la sortie en salles de la comédie dramatique Sous le vent des marquises, AlloCiné a rencontré son réalisateur, Pierre Godeau. Dans son nouveau film, le réalisateur a convoqué François Damiens dans un registre plus émouvant qu'à l'accoutumée. Il donne la réplique à la révélation d'Illusions Perdues : Salomé Dewaels.
L'acteur belge incarne Alain, une star de cinéma sur le déclin. Ce dernier doit incarner Jacques Brel dans un biopic mais ne parvient pas à trouver le bon ton pour se glisser dans la peau du personnages. Il va donc plaquer le tournage et tenter de recréer des liens avec sa fille, Lou (Dewaels).
AlloCiné : On n'a pas l'habitude de voir François Damiens dans ce registre dramatique, pourquoi avoir pensé à lui pour le rôle d'Alain ?
Pierre Godeau : J'ai pensà à lui car c’est un immense acteur et un très grand admirateur de Jacques Brel. C’est tellement précieux pour un réalisateur d’avoir son acteur principal qui connaisse le sujet aussi bien que soi. J’avais connu ce plaisir avec Benoît Poelvoorde quand j’ai adapté Sempé dans Raoul Taburin. Là, c’était pareil, un privilège, comme pour un chef d’orchestre avec son premier violon.
François Damiens est un immense acteur.
Comment a-t-il réagi quand vous lui avez proposé le rôle ?
François a proposé tout de suite que l’on se voit et m’a invité à venir à Bruxelles à la fondation Brel où ils diffusaient un documentaire sur la période que nous traitons dans le film. On s’est assis côte à côte dans la salle et on a découvert ensemble ces images inédites de Jacques Brel sur son bateau.
Ça nous a galvanisés, impressionnés, mais aussi rassurés parce qu’on a senti tout de suite que nous étions sur la même longueur d’ondes. On se mettait tous les deux à la même place par rapport à Brel, à la même distance, respectueux, admiratifs mais aussi autorisés à parler de la vie d’un artiste qui continue de nous inspirer aujourd’hui.
C’est sans doute mon film le plus personnel.
Avez-vous puisé votre inspiration dans des histoires vraies pour écrire le scénario ?
Pas vraiment et pourtant c’est sans doute mon film le plus personnel.
Pourquoi avoir choisi ce titre, Sous le vent des marquises ?
C’était un dialogue qui est parti mais le titre est resté… J’aimais l’idée de ce père et cette fille qui se rapprochent grâce ou sous la coupe de Jacques Brel ; que ce soit grâce à lui, au cinéma et à la fiction, qu’ils se retrouvent, Sous le vent des Marquises donc…
Pourquoi Salomé Dewaels était l'actrice parfaite pour incarner Lou ?
Salomé est trop forte ; avec elle, François et moi, nous nous sommes trouvés. Je suis responsable de les avoir choisi tous les deux et de la relation que j’ai eu avec chacun d’entre eux, mais pas de leur entente.
C’est ma limite en tant que metteur en scène. Je ne peux pas forcer les gens à s’aimer. Je les remercie infiniment pour ça même s'ils n’y sont sans doute pas pour grand chose non plus, parce que c’est comme dans la vie, ça ne s’explique pas.
C'est en jouant Jacques Brel dans un film que le personnage d'Alain fuit le tumulte du cinéma. Comment et pourquoi cette idée s'est-elle imposée ?
Alain est quelqu’un qui vit sa vie à travers ses rôles. Du moins c’est ce qu’il fait depuis un moment. C’est la place qu’il a accordé à son métier. Là, c’est ce qu’il continue à faire, se laisser guider par son rôle.
Jacques Brel a quitté la scène au sommet de sa gloire, il n’avait pas quarante ans. Il n’y est jamais retourné. Quand Alain apprend qu’il est malade comme Jacques Brel, il n’hésite pas à quitter le tournage sans se retourner.
Les décors du film sont magnifiques, à quel endroit avez-vous tourné et pourquoi avoir choisi une île ?
Dès le départ, je voulais que le film ait lieu sur une île. Je voulais matérialiser le trajet que le père et la fille devraient faire pour aller l’un vers l’autre. Je souhaitait aussi qu’elle symbolise un lieu autant qu’un passé cloisonné. Un temps où le père et la mère vivaient ensemble. Un temps où la fille ne manquait de rien. Un lieu qu’elle devra quitter pour grandir. On a tourné à l’île aux moines.
Benoit Poelvoorde fait un caméo cocasse et inattendu en tant que remplaçant d'Alain dans le film sur Brel, pourquoi avoir fait appel à lui pour ce rôle ?
Qui d’autre que lui pour prendre le rôle d’Alain ? Qui d’autre que lui pour représenter une menace pour Lou qui ne veut pas que son père abandonne le projet ? Benoît a eu la gentillesse de venir. Sans lui il n’y avait pas de scène.
Sur la direction d'acteurs, êtes-vous plutôt instinctif en laissant vos comédiens proposer des choses ou préférez-vous que tout soit bien cadré ?
Les deux ! J’essaye vraiment de donner le moins d’indications possibles pour que les comédiens se sentent libres de m’apporter tout ce qu’ils sont et tout ce à quoi je n’aurais pas pensé ; et puis progressivement, je les conduis vers le film si je les sens un petit peu à l’extérieur de la scène.
Pourquoi était-ce important pour vous d'aborder le thème de la filiation dans ce film ? Cela fait-il écho à votre histoire personnelle ?
Mon père est producteur et réalisateur. Mon oncle aussi est producteur. Le cinéma a toujours disputé une grande partie de notre vie de famille. Et si il a pu nous éloigner un peu parfois parce que, comme tous les métiers passionnants, il est prenant, il nous a aussi rapproché parce que le travail et les histoires que l’on raconte sont de merveilleux prétextes pour se dire les choses qu’on a parfois du mal à dire.
Je suis très bon spectateur, qu’importe le genre, du blockbuster au film d’auteur.
Plus généralement, quel cinéphile êtes-vous ? Quel genre de films aimez-vous ?
J’aime tout, je suis très bon spectateur, qu’importe le genre, du blockbuster au film d’auteur je crois que je sais reconnaitre et aimer un film réussi. Et ce que j’aime tout particulièrement, c’est un film qui ressemble à son auteur, qu’importe le style, l’écriture… qu’il soit personnel.
Votre dernier coup de cœur au cinéma ?
Sans hésiter, L’Enlèvement de Marco Bellocchio.
Quels sont les cinéastes / artistes qui vous inspirent ?
Il y en a tellement… De Paul Thomas Anderson à Leos Carax en passant par David Lynch, Nanni Moretti, Pedro Almodovar, Aki Kaurismaki ou Kelly Reichardt… Je pourrais continuer pendant longtemps.