Ce n'est pas exactement une découverte. Le tournage d'un film, devant et / ou derrière la caméra, n'est pas toujours un long fleuve tranquille. L'expérience peut même carrément virer à l'extrême, comme ce fut le cas pour Apocalypse Now, dont le tournage homérique est raconté dans l'hallucinant making-of Heart of Darkness.
Ou encore Fitzcarraldo de Werner Herzog, et ses relations conflictuelles avec Klaus Kinski.
Si certains talents ne manifestent pas spécialement l'envie de coiffer un jour la casquette de réalisateur, tout aussi nombreux sont ceux qui finissent par céder aux sirènes de la mise en scène, par envie et / ou par défi.
Reste que certaines de ces tentatives ne seront pas reconduites. Pourquoi ? Expériences douloureuses et épuisantes, raisons financières... Ce ne sont pas les explications qui manquent.
Parmi ces tentatives restées uniques figure celle d'un auteur qu'on ne présente plus : Stephen King.
Un maître absolu et incontesté
L'œuvre est là, immense, émaillée de nombreux chefs-d'œuvre absolus : plus de 60 romans, plus de 200 nouvelles, plus de 400 millions d'exemplaires vendus à travers le monde. Depuis plus de 40 ans, Stephen King est le maître incontesté de l'horreur / épouvante.
Pourtant, réduire cet auteur à ce seul genre, ce serait presque insultant. Car il excelle aussi dans des œuvres magnifiques parfois très éloignées de ce genre de prédilection.
Comme dans le recueil Différentes Saisons, qui contient l'histoire du Corps, adaptée au cinéma sous le titre Stand by Me, ou encore Rita Hayworth & The Shawshank Redemption, somptueusement adaptée par Frank Darabont sous le titre (ridicule) Les Evadés.
Sa production - prolifique - a beau avoir été largement explorée sur petit et grand écran, avec plus ou moins de bonheur d'ailleurs, le maître n'était pourtant jamais passé à la réalisation. Ce fut chose (très mal) faite en 1986, avec Maximum Overdrive, qui reste encore donc à ce jour son unique incursion derrière la caméra.
Stephen trace des plans sur la comète
Le pitch ? Une comète gravitant autour de la Terre, baptisée Rhéa-M, perturbe gravement les machines sur la surface du globe. Tout commence par des incidents sans gravité : un distributeur de billets insulte les clients, une enseigne lumineuse invite les passants à aller se faire voir…
La situation devient tragique lorsqu’un pont mobile échappe à tout contrôle. Désormais, toutes les mécaniques sont autonomes et ne semblent poursuivre qu’un seul but : débarrasser la surface du globe de toute présence humaine.
King a gardé un souvenir plutôt contrasté de ce galop d'essai, comme il l'avait raconté lorsqu'il était venu à Paris en novembre 2013, pour présenter son roman, Docteur Sleep, la suite de Shining, dont l'adaptation sortira en 2019.
"Ça a été une expérience catastrophique, mais j’aimerais vraiment réaliser un autre film ! Cela dit, concernant ce film, il faut que vous gardiez à l’esprit que je travaillais avec une équipe technique italienne. Du coup on ne se comprenait pas.
J’étais bourré la plupart du temps ! Plus sérieusement, je n’avais aucune expérience en réalisation. En ce sens, ce film a été comme un tutoriel. Mais je pense que je ferais un travail bien meilleur maintenant".
George A. Romero à la rescousse ?
Une ivresse à laquelle on pourra aussi adjoindre de larges pincées de cocaïne... Parmi les récits entourant la production chaotique de Maximum Overdrive figure la rumeur affirmant que le film aurait en réalité largement été réalisé par George A. Romero en sous-main, pendant que King se faisait traiter pour son addiction à la poudre blanche...
Si l'écrivain n'a jamais publiquement reconnu ce coup de main de l'ombre, il a toutefois déclaré que Romero était très présent sur le tournage, tandis qu'il lui demandait régulièrement des conseils sur la réalisation.
Toujours est-il que ni Emilio Estevez, ni le vétéran Pat Hingle ou Laura Harrington (qu'on verra plus tard dans Gilbert Grape ou L'Associé du Diable) ne parviendront à sauver ce naufrage artistique et plus encore commercial, puisque le film a rapporté moins de 7,5 millions de dollars au box office international.
Du côté des avis spectateurs d'ailleurs, le film se fait pas mal tailler en pièces, encore que la majorité des notes (38) lui attribuent deux étoiles sur cinq. Si l'on passe au crible les 106 critiques du film disponibles sur AlloCiné, le résultat est évidemment mitigé.
"Le résultat est tellement catastrophique qu'il est difficile de prendre au sérieux les critiques qu'il a adressées à l'encontre des réalisateurs ayant adapté ses autres travaux", peut-on lire. Une autre ? "Passé une introduction amusante, le film aligne les crétineries et perd toute consistance".
33% des critiques spectateurs pointent la faiblesse des effets spéciaux. Un aspect négatif sensiblement contrebalancé par la relative originalité du scénario, relevée par 48% des critiques.
De quoi vacciner pour un moment Stephen King de toute envie de réitérer l'expérience. D'ailleurs, depuis sa déclaration de principe sur le sujet en 2013, il ne s'est toujours pas manifesté. C'est dire si le maître de l'horreur prend son temps...