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    Plus beau, plus viscéral : The Last of us Part II Remastered, un chef-d'oeuvre absolu en attendant la saison 2 de la série
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Un an et demi après la sortie d'une version remastérisée de "The Last of Us" sur PS5, Naughty Dog lâche dans l'arène sa suite bénéficiant du même traitement de faveur. Un nouvel écrin sublime, pour un second volet qui reste un chef-d'oeuvre absolu.

    Séquence flashback. En juin 2013, The Last of us débarquait sur PS3. Dès les 10 premières minutes, absolument tétanisantes, le jeu développé par le studio Naughty Dog harponnait le joueur pour ne plus jamais le lâcher, jusqu'à un ultime dénouement à double lecture, porteur d'une charge émotive à fendre les pierres en deux.

    Gorgé de moments de pure terreur et de tensions, qui laissaient place avec une fluidité déconcertante à des plages de mélancolie et de poésie au milieu d'un paysage de désolation aussi grandiose que terrible, c'est peu dire que les (més)aventures de Joel et Ellie ont laissé une empreinte indélébile dans la mémoire vidéoludique de nombreux joueurs et joueuses; en même temps d'être un sublime chant du cygne d'une console en fin de vie.

    Sept ans plus tard, en juin 2020, The Last of us Part II déboulait enfin. Affinant sa recette avec une précision digne d'un horloger suisse, Naughty Dog délivrait un jeu d'une puissance visuelle et viscérale absolument incroyable, faisant passer le joueur par des ascenseurs émotionnels complètement fous.

    Par ses audaces narratives et formelles, voire même parfois le jusqu'au-boutisme de celles-ci, qui peuvent en défriser certains, The Last of us Part II est une oeuvre qui hante durablement la mémoire.

    Une version encore plus belle

    A l'instar de sa version remastérisée sortie sur PS5 en septembre 2022, le second chapitre sort à son tour, bénéficiant d'un nouveau traitement de faveur.

    En voici la bande-annonce...

    Déjà splendide sur PS4, les graphismes de TLOU Part II sont boostés par la résolution 4K, poussant encore un cran au-dessus un niveau de détail qui était déjà sidérant dans la précédente version, en particulier dans les zones forestières traversées. Les temps de transition sont aussi plus courts pour replonger rapidement dans l'action.

    Cette version n'est pas qu'un "simple" relifting. Elle est intelligemment accompagnée d'ajouts intéressants. D'abord une expérience de jeu supplémentaire, baptisée "Sans retour". Un mode de survie de type roguelike, où le but est de tenir aussi longtemps que possible contre des vagues d'ennemis, en choisissant sa voie dans une série de rencontres aléatoires. Ces affrontements vous mettront face à différents ennemis dans des lieux emblématiques de l'histoire de The Last of Us Part II, le tout ponctué de combats de boss.

    Si le mode "guitare en jeu libre" est totalement anecdotique, on apprécie beaucoup l'inclusion de trois sections de niveaux mis de côté durant le développement, en version Work in Progress. Jouables en quelques sorte, ils sont chacun accompagnés d'une introduction de Neil Druckmann expliquant les raisons de ces coupes, ainsi que de commentaires audio des développeurs qui se déverrouillent au fur et à mesure de notre progression. Une excellente initiative sur les coulisses de la création.

    Naughty Dog

    Parmi les autre suppléments, il y a aussi la possibilité de déverrouiller dans le jeu un commentaire audio des créateurs du jeu, qui intervient de manière sporadique lorsqu'on lance l'histoire pour la première fois et au fil de la progression.

    Si l'initiative d'inclure également les podcasts audio mis en ligne dans le sillage de TLOU Part II est appréciée, l'enthousiasme est très (très) nettement tempéré par le fait qu'ils seront réservés aux plus anglophones d'entre vous, puisqu'il n'y a aucun sous-titres. Il faudra aller lire sur le web la transcription...

    On a déjà vu beaucoup plus pratique et surtout moins crispant. Vu les revenus générés par une telle licence adossée à Sony, le minimum aurait été de se fendre de sous-titrages directement accessibles plutôt que d'inviter les joueurs et les joueuses à aller voir ailleurs...

    Quant à notre appréciation globale de The Last of us Part II, elle n'a évidemment pas changée d'un pouce. Nous remettez donc ci-dessous ce que nous avions écrit il y a quatre ans.

    Une poésie des ruines belle à pleurer

    Dans TLOU 2, il y a d'abord l'écrin visuel. On pensait que le studio avait déjà par le passé atteint une sorte d'acmé dans son savoir-faire, c'était visiblement mal le connaître. Les superlatifs nous manquent pour qualifier le travail d'orfèvre des équipes de Naughty Dog sur le titre. C'est beau à pleurer.

    Si le cadre du récit offre de somptueux paysages montagneux et vallonnés comme ceux du Wyoming, que n'aurait d'ailleurs pas renié un Michael Cimino et sa Porte du Paradis, que dire devant ce merveilleux plan d'une ferme posée au milieu d'un champ de blé, dont les rayons d'un soleil couchant carresse les blés ? Un plan dont la composition n'est d'ailleurs pas sans rappeler le fabuleux travail du chef opérateur Néstor Almendros sur Les Moissons du ciel de Terrence Malick. On pourrait multiplier à l'envie les exemples de ces plans qui pourraient être contemplés comme une toile.

    Naughty Dog

    Sillonnant le pays à cheval (un peu) et à pied (beaucoup), la mâchoire du joueur se décroche plus d'une fois lorsqu'il arrive dans la ville de Seattle et la parcourt, et qui constitue d'ailleurs le coeur du jeu. Baignant dans une sublime architecture des ruines, les grattes-ciels de la ville découpent leurs inquiétantes silhouettes en arrière-plan, avec une profondeur de champ stupéfiante, tandis que l'on découvre, un brin médusé, les restes émouvants et épars d'une civilisation qui s'est effondrée sur elle-même.

    Tout, absolument tout dans le jeu, donne l'impression d'avoir fait l'objet d'un soin maniaque du détail proprement sidérant. Chaque brin d'herbe, chaque mur en ruine, chaque effet de lumière, donne l'impression d'avoir été posé là avec une rigueur toute scientifique. L'occasion de mesurer aussi à quel point la narration visuelle pèse lourd dans le jeu : tout a un sens et une histoire à raconter.

    Et si certains pouvaient nourrir des craintes sur une répétitivité des environnements dans la ville qui concentre une part très importante du récit, là aussi les équipes de Naughty Dog se chargent tranquillement d'anesthésier les doutes.

    "L'histoire d'un traumatisme et d'une rédemption"

    "The Last of us était une histoire d'amour. The Last of Us Part II est une histoire de haine. En surface, c'est une simple "histoire de vengeance". Mais au fur et à mesure que vous plongerez dedans, ses thèmes plus profonds émergeront. C'est une histoire de tribalisme; sur la manière dont nous avilissons et déshumanisons l'autre.

    C'est aussi l'histoire d'une obsession; quand devons-nous laisser les choses filer ? Mais aussi quand faut-il à tout prix les retenir ? C'est l'histoire d'un traumatisme, d'une rédemption et d'une empathie" expliquait Neil Druckmann, Game Director du jeu et scénariste.

    Naughty Dog

    Une magnifique profession de foi à vrai dire. Adoptant une structure narrative tout droit importée de Rashomon, Druckmann a aussi été épaulé dans sa lourde tâche par la plume aiguisée de la scénariste Halley Wegryn Gross, qui s'est notamment chargé de tracer l'arc narratif autour du personnage d'Abby dans le le jeu.

    Une première expérience dans l'univers du jeu vidéo pour l'intéressée, qui a exercé son talent dans le monde des séries comme scénariste. Elle a notamment travaillé sur Westworld et Too Old to Die Young de Nicolas Winding Refn.

    Dans un récit multipliant les séquences de flashbacks mais sans jamais perdre le fil ténu de son intrigue, le joueur est ballotté dans une histoire d'une noirceur abyssale qui a des allures de tragédie antique. Les personnages sont mus par l'hubris; c'est à dire l'excès, la démesure, l'orgueil et même la confiance excessive en soi, qui peut conduire à des erreurs fatales.

    Ascenseur émotionnel hors norme

    Alternant des séquences tendues à craquer où la rage des personnages explose dans une violence viscérale d'une sauvagerie inouïe, avec des séquences en apesanteur, profondément émouvantes, que l'on regarde pour certaines d'entre elles le coeur meurtri comme des blessures à l'âme, le joueur passe ainsi par une palette d'émotions incroyables dont certaines ont la vigueur d'un uppercut. C'est tout le génie, en tout cas la science de l'écriture, du duo de scénaristes, qui maîtrise à la perfection la fameuse roue des émotions de Robert Plutchik.

    Professeur et psychologue américain auteur d'une classification des réactions émotives générales, il considère qu'il existe huit émotions de base : la joie, la peur, le dégoût, la colère, la tristesse, la surprise, la confiance et l'anticipation.

    Dans sa roue des émotions, il proposait ses 4 émotions fondamentales qualifiées de primaires (la peur, la colère, la joie, la tristesse), qui s'associent à des mécanismes de mémoire et de réflexion pour donner 4 autres émotions fondamentales secondaires : la confiance (liée à la joie), le dégoût (lié à la tristesse), l'anticipation (liée à la colère) et la surprise (liée à la peur).

    De la pure digression pensez-vous ? Absolument pas. Nous sommes passé par tous ces spectres émotionnels dans le jeu, au gré d'une mise en scène absolument magistrale.

    Une expérience viscérale

    Tant qu'à parler de ce maelström d'émotions justement, il faut rendre grâce à la direction et au jeu des acteurs, qui rendent cela possible. Magnifiés par une animation (faciale notamment) de très, très haute volée, Troy Baker (Joel), Ashley Johnson (Ellie), Shannon Woodward (Dina), Jeffrey Pierce (Tommy, le frère de Joel) et Laura Bailey (Abby) donnent le meilleur d'eux-même, semblant même parfois pousser leurs incarnations numériques respectives jusqu'à un point d'incandescence jamais atteint.

    Par sa richesse thématique dont on n'a pas fini d'épuiser les sujets (notamment la religion, qui mériterait à elle seule tout un développement, avec ses personnages du jeu ayant presque tous des noms bibliques); par la force de son récit, de son propos et de sa mise en scène; par sa qualité technique époustouflante, il nous semble que The Last of us Part II fini presque par évacuer au bout du compte cette dimension ludique propre au jeu vidéo, pour offrir une expérience viscérale, sensorielle, brute, qui se rapproche le plus possible du cinéma ou d'une série télévisée.

    Naughty Dog

    In fine, c'est exténué, les méninges en feu, que l'on repose notre manette à la fin de cette aventure, tandis que l'on reste de longues minutes devant notre écran, à contempler le générique de fin qui se déroule sous nos yeux rougis par la fatigue et l'émotion.

    La nostalgie nous gagne déjà. Et avec elle la sensation bien vivante, tenace, d'avoir vécu une expérience intime, douloureuse parfois, hors du commun, grâce à une oeuvre qui fera date dans l'Histoire du jeu vidéo.

    C'est dire si la seconde saison de The Last of us, qui vient de dévoiler son casting, va devoir être très (très) solide sur ses appuis, pour être capable de se hisser au niveau de son modèle d'origine.

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