L'une des marques de fabrique du cinéma d'Albert Dupontel est un souci constant de l'image, l'esthétique, que l'on a pu voir dans l'ensemble de ses films, dont les deux derniers, le multi-Césarisé Adieu les cons et Second Tour. Tous deux ont recours à un gros travail d'effets spéciaux numériques.
L'idée en l'occurrence pour Second Tour était d'accentuer cette idée de "conte contemporain", via une "lumière contraste", des "mouvements de caméra", des "focales variées dans une même scène", un "montage souvent hyper cut" et une "musique très présente", comme Albert Dupontel le précise dans le dossier de presse du film.
Et d’ajouter : " Quel que soit le sujet que je traite, politique, justice, monde consumériste, j’essaie de rendre belles, des choses qui sont parfois rustiques. À la lumière, j’étais énormément aidé par le chef-opérateur Julien Poupard qui a réussi à mettre en place la lumière souvent radicale dont je lui parlais. L’utilisation de lumières à faible intensité et souvent mobiles confère à l’image cet aspect de conte contemporain. Et depuis 20 ans, je travaille avec Cédric Fayolle, superviseur VFX et dans superviseur, je me rappelle à chaque fois qu’il y a « super », adjectif qui résume bien ses capacités artistiques et professionnelles. Il participe au projet dès les premières versions du script et prépare l’aspect vfx du projet très en amont".
A notre micro, Albert Dupontel va plus loin sur cet aspect nous révélant que "sur 2 000 plans dans le film, il y en a 1 300 qui sont truqués". Il ajoute même : "Tout est faux ! Ce film est un gros mensonge permanent !". Il complète : "Il n'y avait pas 10 000 figurants à l'image. Il y en avait 300; on en a fait 10 000. Je n'avais pas d'aigle et on en a créé un, etc, etc."
Comme Albert Dupontel nous l'a détaillé dans notre entretien en podcast, Second Tour a nécessité des "retakes", dont une a été tournée à l'iPhone ! "Le film a été gourmand, c'est son principal défaut. On a refait le début du film, on a fait des retakes." La scène impliquant David Marsais du Palmashow et le "zizi gate" a été tournée dans la salle de montage avec un iPhone 13, nous indique le réalisateur. "J'avais juste envoyé un message à David Marsais : est-ce que tu ferais un gag sagace et fugace ?"
Autre secret de fabrication : le recours à l'IA ChatGPT, le temps d'une scène. "On s'est servi de ChatGPT pour la séquence en grec ancien, car on ne trouvait pas de traduction ou de traducteur. C'est ChatGPT qui a fait la traduction du film au tout début. "
Une anecdote glissée alors que nous lui demandions son sentiment sur l'essor de l'intelligence artificielle en lien avec le cinéma. "Ça me fait un peu peur comme toutes nouvelles technologies. Les scénarios écrits par l'IA pour l'instant ne sont franchement pas séduisants. Et en même temps, le numérique m'aide beaucoup dans mes films. (...) Maintenant, dans quelles limites ? Aujourd'hui, ce qui est à la fois fascinant et inquiétant, ils parlent de faire jouer des acteurs morts. Est-ce qu'ils peuvent le faire, avec la voix etc. Il y a même déjà des héritiers qui surveillent le scénario et qui donnent l'autorisation si le scénario est bien. C'est une lutte contre le temps. Je ne sais pas ce que ça va donner. On va voir."
A l'occasion de cet entretien, que vous pouvez retrouver dans son format intégral en podcast et un extrait vidéo ci-dessus, Albert Dupontel nous a partagé sa vision du futur du cinéma. Rebondissant ainsi sur l'actualité de la sortie d'un documentaire, mercredi dernier, Chambre 999 de Loubna Playoust.
Le cinéma est devenu une plateforme parmi d'autres
Ce film poursuit le travail entrepris par Wim Wenders en 1982, avec Chambre 666. L'objet de ce documentaire est de questionner l'avenir du cinéma en adressant la question suivante à un florilège de cinéastes : "Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ?"
"Le cinéma est devenu une plateforme parmi d'autres. J'ai grandi à une époque où il y avait trois chaines et il y avait très peu de films à la télévision. C'était vraiment un refuge absolu.
Je pense qu'il y aura toujours un besoin grégaire des gens de se retrouver tous ensemble, comme à la fête du village. Et puis du grand écran et du son, parce que là aussi, la technologie a beaucoup évolué.
Je ne peux pas prédire de l'avenir. Mais ce besoin festif d'être devant un grand écran, je pense que, psychiquement, il existe chez l'être humain très fort. Mais pour tous les films qu'a connu la génération de Wenders, le côté petit cinéma, où il y a 50 places et on va voir un Tarkovski...
J'ai connu ça, c'est absolument passionnant. Mais je ne sais pas si ce cinéma pourra encore exister. C'est ma seule incertitude par rapport à l'avenir."
Second Tour est actuellement à l'affiche.