Si vous avez aimé Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese, sorti le 18 octobre, alors vous allez apprécier ce documentaire qui a débarqué au cinéma cette semaine : Un Pont au-dessus de l'océan ! Réalisé par Francis Fourcou, le film nous entraîne des grandes plaines osages d’Oklahoma aux montagnes d’Occitanie.
Nous allons à la rencontre de deux peuples autochtones qui se parlent et se répondent. Deux femmes nous racontent deux cultures aux langues menacées. Isabelle l’occitane chez les osages, Chelsea, l’Osage chez les occitans, parcourant les paysages et l’histoire des plaines d’Amérique et des montagnes d’Occitanie.
Osages et Occitans
Francis Fourcou a connu très tôt cette histoire incroyable d’amitié entre les Osages et les Occitans. "Ce récit a été réveillé par Monique et Jean-Claude Drouilhet, à l’origine de la création d’Oklahoma-Occitania, qui voulait faire renaître ces très anciennes relations. J’y ai vu tout de suite un film qui mettrait en parallèle les deux cultures. En 2002, je fais donc un premier voyage, avec pour projet d’écrire le script d’un film sur ce voyage des Osages en France en 1827", explique le metteur en scène.
"La télévision refuse le projet, mais j’en profite pour faire un court film de 40 minutes avec au cœur l’entretien avec deux personnalités de la Nation : Lucile Robedeaux, l’une des trois dernières locutrices naturelles de la langue Osage qui témoigne de son pessimisme concernant l’avenir de la langue osage, et le chef Jim Gray, élu pendant 8 ans et qui avait une vision large de l’histoire des natifs américains."
Jim Gray avait vu dans l’échange avec les occitans l’occasion d’élargir le combat culturel osage. Il a donc pris des mesures fortes pour la langue. En 2014, lors d’un second voyage, Francis Fourcou a vu que le langage retrouvait des locuteurs. Selon le cinéaste, Mongrain Lookout, un universitaire osage et ses collègues linguistes avaient alors créé un alphabet osage. Une leçon de renouveau pour une langue jusque-là orale.
"J’ai cette sensibilité proche des cultures autochtones qui agite fortement le monde de la culture en Amérique. La visite récente du Pape au Canada venu demander pardon aux Amérindiens pour les crimes commis dans les pensionnats amérindiens n’a pas encore complètement atteint les USA mais elle est au cœur de la politique canadienne aujourd’hui. En parallèle, une autre question, les occitans sont-ils des autochtones ?", interroge Francis Fourcou.
D'après lui, la question mérite d’être posée en rectifiant l’usage de ce mot considéré comme péjoratif dans la culture française. "Il est évident que la question de la langue y est étroitement liée. C’est un combat à venir que de réveiller ce mot et le considérer avec respect. Ma sensibilité à la culture occitane millénaire et mon puissant intérêt du phénomène des migrations, de l’histoire en général a fait le reste."
Une belle rencontre
Francis Fourcou a rencontré Chelsea, la jeune Osage que l'on voit dans le documentaire, grâce à Patrick Martin, le directeur de l’école Osage de Pawhuska. Elle y anime des ateliers avec les enfants dans la tradition amérindienne de peinture sur les chevaux. Chelsea a écrit le premier livre de poèmes et de nouvelles en partie en langue osage.
"C’est cela qui devient important : une langue se réveille, créée son alphabet, et une écrivaine émerge. C’est l’avenir qui se dessine. Un peuple avec sa langue va reconquérir sa culture, et désormais une écriture, une mémoire, une nouvelle histoire. Le Voyage de Chelsea en Occitanie, celui d’Isabelle en Oklahoma inverse le point de vue habituel", indique Francis Fourcou.
"Le regard d’une amérindienne sur notre culture et celle d’une occitane sur la culture osage donne un échange en toute égalité comme la 'convivéncia' occitane. Ce regard, je ne crois pas que les occitans comme les Natifs américains, les corses, les bretons ou d’autres en aient beaucoup l’habitude."
Un Pont au-dessus de l'océan est sorti en salles le 25 octobre.