Avec la sortie très prochaine de son Napoléon, Ridley Scott est entré depuis quelques temps dans le traditionnel marathon promotionnel accompagnant son film. Mais il ne dédaigne pas regarder dans le rétroviseur, surtout si c'est pour évoquer le film -son préféré d'ailleurs- Blade Runner.
Avec le large dépassement de budget sur le tournage d'Alien, le huitième passager (500 000 dollars), ses multiples exigences et les contraintes d'horaires qu'il imposait à son équipe technique sur ce film, Ridley Scott avait gagné une très mauvaise réputation...
Qui l'a poursuivi jusque sur le tournage de Blade Runner. A tel point que l'équipe technique a longtemps ironisé sur le titre du film, devenant non pas Blade Runner mais Blood Runner. Elle porta même des Tee-Shirts sur lesquels il était écrit "Yes, Governor my Ass" à propos de Scott. Ambiance...
Comme l'explique d'ailleurs remarquablement le documentaire Dangerous Days : the Making Of Blade Runner, les relations furent aussi tendues entre le réalisateur et les producteurs, ainsi qu'avec les acteurs. On peut d'ailleurs voir dans le documentaire, à quelques reprises, un Harrison Ford qui semble passablement agacé sur le tournage, l'air maussade. Il évoquera d'ailleurs souvent la voix off du film, qu'il fut contraint de faire et qu'il a détesté...
"J'avais des partenaires horribles..."
Dans un entretien accordé à Total Film (via Slashfilm), Scott évoque déjà le brillant travail du scénariste Hampton Fancher sur son classique de la SF : "Il avait cette cadence particulière avec le rythme de son style, que j'adorais. Mais j'ai amené le monde à cela parce qu'il avait écrit une pièce qui se déroulait dans un appartement, où le chasseur a gardé sa proie et est tombé amoureux d'elle. J'ai dit : "Mais que se passe-t-il dans le monde extérieur ?" Donc ça a évolué à partir de ce moment".
Et de s'attarder sur le tournage en lui-même : "[Le tournage] a été une très mauvaise expérience pour moi. J'avais des partenaires horribles. Des financiers qui me tuaient tous les jours. J’avais eu beaucoup de succès dans la gestion d’une entreprise et je savais que je faisais quelque chose de très, très spécial.
Je n’accepterais donc jamais un non comme réponse. Mais ils ne comprenaient pas ce qu’ils avaient. Vous filmez, vous montez et vous mixez. Et à mi-chemin, tout le monde dit que c’est trop lent. Il faut savoir qu’en tant que réalisateur, on ne peut écouter personne. Je savais que je faisais quelque chose de très, très spécial. Et c’est aujourd’hui l’un des films de science-fiction les plus importants jamais réalisés, dont tout le monde se nourrit. Chaque putain de film !"
Scott confie avoir récemment revu le film, pour la première fois depuis une vingtaine d'années. Et balance un petit missile à l'adresse des critiques le trouvant trop lent ou stupide : "Je n'avais pas vu Blade Runner depuis 20 ans. Vraiment ! je viens de le revoir. Et il n'est pas lent. Les informations, les éléments qui vous parviennent sont si originales et intéressantes, elles parlent de créations biologiques et d'exploitation minière hors du monde, ce qu'à l'époque les critiques trouvaient ridicule. Je dis : "qu'ils aillent se faire foutre !"
On peut sans doute reprocher à Scott ce petit manque d'humilité dans sa réflexion par rapport à son oeuvre. Il reste qu'effectivement, c'est un des plus grands films de l'Histoire du cinéma, tant son apport a été immense et son influence décisive dans les décennies qui ont suivies.