De quoi ça parle ? C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. A leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.
Un collège "normal"
Thomas Lilti tenait à ancrer Un métier sérieux dans un collège "normal" qu’on ne voit presque plus à la télévision : un établissement de classe moyenne comme il en existe pourtant des centaines, avec une population mélangée socialement : "Mon collège de fiction n’est ni un collège difficile ni un collège d’élite. Je ne voulais pas faire d’Un métier sérieux un film sur une méthode pédagogique particulière mais bel et bien un film sur le métier d’enseignant."
"Me projeter dans ce collège où l’on peut tous s’identifier, c’est toucher à une forme d’universalité. Un métier sérieux n’est pas un film sur le « faire » mais un film sur le « être ». Tourner dans un collège en période scolaire est très compliqué. J’ai donc recréé un collège en réunissant trois lieux différents. Les extérieurs dans un collège à Meudon, les classes dans un collège désaffecté de Vitry-sur-Seine et enfin la salle des profs et l’administration dans un collège à Pantin."
Changement de registre
Après Hippocrate, Médecin de campagne, Première année et la série Hippocrate, centrés sur l'engagement des soignants, Thomas Lilti s'attaque à la description d'un autre univers, celui de l'enseignement. Le cinéaste précise : "Avec Hippocrate, Médecin de campagne, Première année, une forme de trilogie s’est imposée, presque malgré moi."
"Alors même si la série Hippocrate dont je viens d’achever le tournage de la 1ère partie de la troisième saison, m’a pas mal accaparé, je savais que mon retour au cinéma se ferait autour d’un autre univers que la médecine. Un métier sérieux, film de groupe, narrativement un peu éclaté, ressemble à mes précédents longs métrages car j’aborde la fiction par le réel."
"Mais aussi et surtout par ma volonté de continuer à interroger la question de l’engagement à travers un métier. L’engagement des soignants a été au cœur de mon travail depuis plus de dix ans, j’ai voulu m’intéresser aux enseignants. Comment trouver du sens dans l’exercice d’une profession de plus en plus décriée, paupérisée, déclassée ?"
"Raconter la vie d’un groupe de professeurs dans un collège s’est alors imposé à moi avec le désir de les observer pour mieux comprendre ce qui fait le sel de leur profession. Où puisent-ils leur motivation à enseigner dans cette adversité, dans une institution fragilisée ? Quels élèves ont-ils été ? Quels parents sont-ils devenus ? Qu’en est-il de leur vocation ?"
Immersion dans l'enseignement
Comme à son habitude, Thomas Lilti s'est beaucoup documenté sur le milieu qu'il décrit. Avant d’écrire la première ligne de scénario, le cinéaste a lu (et vu) le maximum de documents sur l'enseignement (essentiellement des témoignages) : "Je regarde des émissions de télévision, des journaux télévisés, des magazines de société mais je lis aussi des blogs, des revues, des essais de sociologie… Progressivement je m’immerge dans le sujet. En revanche, je ne m’inspire jamais d’œuvres de fiction."
"Ce long travail préparatoire me permet d’entrevoir progressivement mon terrain de jeu comme si je l’avais connu moi-même. C’est seulement à partir de cet instant que les personnages peuvent naître. Ils sont en général un mélange plus ou moins savant entre ce que je suis, l’acteur ou l’actrice auxquels je pense et des personnages aperçus au cours de mon travail de documentation. Je pense que le réalisme surgit de cette fusion approximative. Et le travail sur le plateau va dans ce sens également."
Un casting 4 étoiles
Avec Un métier sérieux, Thomas Lilti a rappelé au casting de nombreux acteurs avec lesquels il a déjà tourné. C'est le cas de François Cluzet, Vincent Lacoste ou encore William Lebghil. Il explique : "C’est comme revoir des amis proches dont on n’a pas eu de nouvelles depuis quelques temps. Cette simple pensée était source de stimulation et d’inspiration lors de l’écriture du script. En les connaissant si bien, cela me permet aussi de mettre beaucoup d’eux dans mes personnages."
"Mais il y a aussi de très nombreux comédiens qui font partie de « ma » famille et que l’on retrouve dans chacun de mes films ou dans la série. Ils sont souvent des personnages secondaires mais ils sont des compagnons de route fidèles. Je pense à Sylvie Lachat, Théo Navarro, Mustapha Abourachid, Michael Perez, Christophe Ntakabanyura, Josée Laprun, Géraldine Schitter, Hubert Myon… D’un film à l’autre, on les retrouve et ils participent grandement à l’atmosphère de mes films."
"Et puis, plus rationnellement, je trouvais qu’il y avait une cohérence dans le fait de réunir mon jeune interne d’Hippocrate, mon Médecin de campagne et mes étudiants de Première année dans une nouvelle histoire. J’avais à cœur ainsi de former un groupe intergénérationnel car cela amenait une dimension universelle au métier. Je voulais montrer que les problématiques d’un prof de 60 ans sont plus proches de celles d’un prof de 25 ans que de celles d’un sexagénaire qui exercerait un autre métier."
Laisser de la place aux acteurs
Pour Un métier sérieux, Thomas Lilti a voulu donner le plus de place possible aux acteurs. Le réalisateur a ainsi opté pour des prises de plus en plus longues sans que les caméras ne coupent : "Il y en a toujours deux. Et je me débrouille pour que tous les acteurs puissent être filmés à tout moment. Mon but est que l’on finisse par oublier le dispositif malgré la lourdeur d’une équipe de cinéma. Le plateau doit demeurer un terrain de jeu pour les acteurs."
"Je me souviens de la séquence du conseil de discipline que je devais tourner en plusieurs petits morceaux mais que j’ai finalement réalisé en une seule et grande séquence comme s’il s’agissait d’un véritable conseil de discipline. Je lançais l’action pour couper 40 minutes plus tard. C’était éprouvant pour les acteurs et les équipes qui évoluaient sans filet et c’était surtout un enfer physiquement pour les perchmans", confie le réalisateur.