ÇA PARLE DE QUOI ?
Dans la Venise sinistrée de l'après-guerre, la veille de la Toussaint, un terrifiant mystère va marquer le retour d’Hercule Poirot sur le devant de la scène. En exil volontaire dans la Sérénissime, Poirot, désormais à la retraite, assiste à contrecœur à une séance de spiritisme dans un palazzo désaffecté et soi-disant hanté. Lorsqu’un des invités est assassiné, le célèbre détective se retrouve propulsé dans un sinistre monde empli d'ombres et de secrets...
MORT(S) A VENISE
En 2017, Kenneth Branagh signait une adaptation du Crime de l'Orient-Express dont il tenait le rôle principal : celui du détective Hercule Poirot. Spécialiste de l'œuvre de William Shakespeare, l'acteur et réalisateur montrait qu'il avait de la suite dans les idées et une envie d'explorer davantage celle d'Agatha Christie, puisque la dernière scène annonçait le départ du héros pour l'Égypte. Et teasait une relecture de Mort sur le Nil.
Une histoire de croisière mortelle qui n'avait rien d'un long fleuve tranquille, tant le projet a cumulé les obstacles une fois tourné : du COVID aux accusations de viol et cannibalisme à l'encontre d'Armie Hammer, en passant par un casting devenu en grande partie problématique pour diverses raisons (complotisme, positionnement anti-vaccin…).
Sorti en février 2022 dans des salles encore fragiles, Mort sur le Nil n'a même pas rapporté la moitié des recettes de son prédécesseur (137,3 millions de dollars dans le monde contre 352,8). Et l'absence de teasing final laissait penser que c'était la fin des enquêtes de Kenneth Branagh, parti se replonger dans son enfance avec Belfast, qui décrochait l'Oscar du Meilleur Scénario Original au même moment.
Mais c'est là que se cachait un indice sur sa prochaine adaptation d'Agatha Christie, dont on apercevait un livre au détour d'une scène. Peu de temps après, la nouvelle tombe : Kenneth Branagh va diriger un troisième film policier inspirée des écrits de la romancière… mais son titre va changer. Car il n'existe pas de "Mystère à Venise" dans sa bibliographie.
Il y a, en revanche, une "Fête du potiron" ("Hallowe'en Party" en anglais), également connu sous le titre "Le Crime d'Halloween" depuis 1999. Et c'est de ce roman paru en 1969 dont s'inspire le scénario écrit par Michael Green. Très librement.
L'HEURE DES CRIMES
Dans le livre, une fillette qui affirme avoir assisté à un meurtre est retrouvée morte dans la bibliothèque de la demeure de Mrs. Drake, pendant une fête donnée pour Halloween. Dans le film, il est également question d'une enfant décédée, mais tout débute avec une séance de spiritisme organisée par sa mère (Kelly Reilly) qui aboutit, dans un second temps, à l'assassinat de la voyante (Michelle Yeoh).
Mystère à Venise n'est pas la première adaptation de "La Fête du potiron", qui a déjà donné lieu à des épisodes de Hercule Poirot et Les Petits meurtres d'Agatha Christie, où le détective et sa comparse, l'autrice Ariadne Oliver, étaient remplacés par Swan Laurence et Alice Avril, héros de la série.
Le long métrage de Kenneth Branagh marque la première apparition d'Ariadne dans l'univers mis en place par le cinéaste. Et elle est incarnée par Tina Fey, au sein d'un casting certes moins clinquant que dans les films précédents, mais pas moins solide. Déjà présents dans Belfast, Jude Hill et Jamie Dornan sont de la partie.
La valeur montante Kyle Allen (The Map of Tiny Perfect Things) aussi, alors que Ricardo Scarmacio joue les garde du corps. Et notre Camille Cottin nationale poursuit sa carrière internationale de fort belle manière, dans ce film policier qui joue la carte du surnaturel, avec son intrigue sur fond de spiritisme où les ampoules et les portes claquent régulièrement.
Presque trop et les allergiques aux jump scares risquent de grincer des dents. Mais cela permet au long métrage d'étendre son mystère sur deux plans (qui a commis le meurtre ? Quel est le truc derrière les éléments extraordinaires ?) et de verser par moments dans un grand-guignol qui s'accorde avec ses outrances, et rend l'enquête un peu plus amusante.
Comme dans l'opus précédent, Kenneth Branagh n'oublie pas d'ajouter un peu de gravité, en situant le récit dans l'après-Seconde Guerre Mondiale. Ce qui renforce l'ambiance mortifère et les traumatismes du conflit qui hantent, eux aussi, son personnage. Dans des décors qui font un peu plus vrais que précédemment.
Là où Le Crime de l'Orient-Express et Mort sur le Nil usaient de fonds verts et ciels numériques de mauvais goût, Mystère à Venise donne l'impression que les extérieurs ont été tournés dans la Cité des Doges. Même si le gros de l'intrigue est un huis-clos, filmé dans les studios de Pinewood en Grande-Bretagne.
Le rythme pêche encore un peu par moments, mais ce troisième (et dernier ?) opus des aventures d'Hercule Poirot interprétées et dirigées par Kenneth Branagh est peut-être le meilleur. C'est aussi ça la magie de Venise.